Intervention de Jean-Jacques Hyest

Réunion du 24 juin 2008 à 16h00
Modernisation des institutions de la ve république — Articles additionnels après 24

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest, rapporteur :

Cet amendement vise à réserver le contrôle de conventionnalité aux juridictions suprêmes et, en cas de divergence d’interprétation entre elles, au Conseil constitutionnel.

Selon la commission des lois, ces dispositions appellent certaines réserves.

D’abord, le contrôle de conventionnalité s’est progressivement acclimaté en France et semble fonctionner correctement, le Conseil d’État et la Cour de cassation assurant, chacun de son côté, l’homogénéité des jurisprudences des juridictions du premier degré. La disposition n’ouvrirait pas de droit nouveau au justiciable et risquerait au contraire de ralentir le traitement du dossier.

Ensuite, et c’est sans doute le défaut majeur de l’amendement, il n’est pas précisé comment s’articulerait le rôle du Conseil constitutionnel avec les juridictions supranationales – Cour européenne des droits de l’homme, Cour de justice des Communautés européennes – qui peuvent, dans certains cas, être saisies directement par le justiciable ou par les juridictions. Comme le relevait d’ailleurs le rapport du comité présidé par Édouard Balladur, si le Conseil constitutionnel ne s’opposait pas à l’application d’une loi qu’il jugerait compatible avec un engagement international mais que cette interprétation devait être démentie par une juridiction internationale, les juges français se trouveraient dans une situation délicate dès lors qu’ils sont tenus par l’article 62 de la Constitution de se conformer à la chose jugée par le Conseil constitutionnel. Inversement, si le Conseil constitutionnel estimait cette loi incompatible avec un engagement international, le Gouvernement et le Parlement n’auraient aucun moyen de surmonter les effets de cette abrogation, à moins de réviser ou de dénoncer leur engagement international, ce qui paraît hautement improbable.

Notre commission juge plus prudent, en l’état, d’en rester aux termes du projet de loi constitutionnelle, quitte à faire ensuite évoluer le système à la lumière de l’expérience de la mise en œuvre du contrôle de constitutionnalité par voie d’exception.

La préoccupation de la commission concerne l’articulation de ce droit avec les recours directs, notamment devant la Cour européenne des droits l’homme. Imaginez que le Conseil constitutionnel décide que la disposition est conforme à la Convention européenne des droits de l’homme ; il serait toujours possible, une fois que toutes les voies de recours sont épuisées, de saisir directement la Cour européenne et, si celle-ci ne partageait pas l’opinion du Conseil constitutionnel, nous nous trouverions devant une impossibilité.

C’est pourquoi je recommande la plus extrême prudence dans ce domaine. Je reconnais que la question a fait l’objet de nombreux débats ces dernières années. Le Conseil d’État et la Cour de cassation, qui étaient quelque peu réticents, l’ont maintenant parfaitement admis. De nombreux arrêts ont été étudiés…

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