Intervention de Luc Chatel

Réunion du 7 novembre 2007 à 15h00
Bénéficiaires des contrats d'assurance sur la vie et droits des assurés — Adoption d'une proposition de loi

Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme :

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici aujourd'hui réunis pour débattre de la question de l'assurance vie.

Interrogés en juillet dernier par un organisme de sondages, à l'occasion de l'établissement de son dernier baromètre de l'épargne, les Français désignaient clairement l'assurance vie comme leur produit d'épargne préféré : c'est dire l'importance, pour nos concitoyens, du sujet que nous examinons cet après-midi.

Il existe en France 22 millions de contrats d'assurance vie, représentant 38 % du patrimoine financier des Français ; 20 % de ces contrats se dénouent par décès, et une partie de ces 20 % n'est pas réclamée par leurs bénéficiaires.

Le rapport du sénateur Henri de Richemont, fait au nom de la commission des lois, souligne que, voilà près de deux ans, le rapporteur général de la commission des finances estimait le nombre de contrats non réclamés entre 150 000 et 170 000. Cette estimation fait d'ailleurs encore autorité ; elle est aujourd'hui reprise à son compte par la Fédération française des sociétés d'assurances.

Je souhaite souligner à cette occasion le rôle précurseur joué par le rapporteur général de la commission des finances, M. Philippe Marini, dans le traitement du problème des contrats non réclamés, puisque c'est sous son impulsion que des mesures importantes ont été adoptées à la fin de l'année 2005.

Tout d'abord, c'est à l'occasion du vote de la loi du 15 décembre 2005 que le mécanisme de recherche des contrats non réclamés via l'Association pour la gestion des informations sur le risque en assurance, l'AGIRA, a été mis en place par les fédérations professionnelles de l'assurance.

Toute personne qui pense être bénéficiaire d'un contrat d'assurance vie peut interroger AGIRA et obtenir une réponse. Ce mécanisme a déjà permis de retrouver les bénéficiaires de près de 12 millions d'euros de capitaux non réclamés, ce qui, selon les statistiques disponibles, correspond à environ 15 000 demandes. C'est évidemment un progrès !

Toutefois, la loi du 15 décembre 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance a surtout renforcé les obligations pesant sur les assureurs. Elle prévoit ainsi que l'assureur est tenu d'avertir le bénéficiaire lorsqu'il a connaissance de ses coordonnées et dès lors qu'il est averti du décès de l'assuré.

Il s'agissait bien sûr d'une première étape. La proposition de loi qui vous est aujourd'hui soumise, mesdames, messieurs les sénateurs, se situe clairement dans le prolongement de cette loi votée en 2005. Certes, elle va plus loin, comme nous le verrons, mais la voie était clairement tracée, et nous en remercions M. Marini.

Malgré leur importance, les mesures de la loi de 2005 n'ont pas épuisé le sujet. Une seconde étape est donc aujourd'hui nécessaire, et je vous propose d'entrer dans le détail des questions qui nous occupent cet après-midi.

Pourquoi, actuellement, ces contrats ne sont-ils pas réclamés ? Cette interrogation est parfaitement illustrée dans le rapport de M. de Richemont. Il existe des réponses simples. Tout d'abord, il arrive souvent que l'assureur ne soit pas informé du décès de l'assuré. Surtout, les personnes qui souscrivent un contrat d'assurance vie n'informent pas toujours le bénéficiaire de l'existence dudit contrat, et ce pour une raison simple : la législation actuelle les incite au secret puisque, si le bénéficiaire accepte le contrat auprès de l'assureur, la décision devient irrévocable.

Pour régler la question des contrats non réclamés, il nous a donc semblé important de travailler dans deux directions : l'information et l'incitation.

Commençons par l'information. Aujourd'hui, l'assureur n'a pas les moyens de vérifier si un assuré est réellement décédé. La proposition de loi apporte une réponse aussi simple qu'efficace à ce problème en ouvrant l'accès du fichier INSEE des décès aux assureurs, donnant ainsi à ceux-ci les moyens d'identifier les contrats pour lesquels ils sont tenus de verser un capital.

Nous devons par ailleurs nous pencher sur la question de l'incitation.

Premièrement, il ne faut plus que les assurés soient incités à cacher, comme je l'indiquais à l'instant, l'existence d'un contrat d'assurance vie à ses bénéficiaires. À cet effet, un amendement adopté par l'Assemblée nationale vise à réformer la clause d'acceptation des contrats d'assurance vie pour prévoir que l'acceptation d'un contrat par son bénéficiaire n'empêche plus l'assuré de récupérer les sommes.

Cette réforme fait d'ailleurs l'objet d'un large consensus : quand on a travaillé dur toute une vie pour réunir un capital, il ne faut pas que l'on puisse se le voir retiré en raison d'une réglementation inadaptée.

Nous avons évoqué les incitations pour l'assuré. Il faut également travailler aux incitations pour les assureurs. Pourquoi un assureur s'empresserait-il de verser le capital d'un contrat d'assurance vie aux bénéficiaires si la réglementation ne l'y incite pas, comme c'était jusqu'à présent le cas ?

Deux amendements adoptés par l'Assemblée nationale traitent précisément des incitations pour les assureurs.

Le premier, déposé par le Gouvernement, fixe aux assureurs un délai d'un mois à compter de la réception des pièces permettant d'effectuer le versement pour régler le capital aux bénéficiaires ; il s'agit d'une avancée importante, puisque la législation actuelle ne comporte aucun délai.

Le second amendement prévoit dans les contrats d'assurance vie une clause de revalorisation du capital durant la période qui court entre le décès de l'assuré et le versement du capital au bénéficiaire : le temps que l'assureur passe à chercher les bénéficiaires sera ainsi de l'argent gagné pour eux.

Vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, l'occasion se présente aujourd'hui d'adopter un certain nombre de mesures cohérentes qui auront un effet décisif sur la question des contrats d'assurance vie non réclamés.

Je tiens à remercier le rapporteur de la commission des lois pour la qualité de son travail d'analyse et de proposition. Les amendements qu'il défendra au nom de la commission et plusieurs amendements d'initiative individuelle viendront enrichir le texte. Je suis convaincu que nous sommes sur le point de renforcer ensemble la confiance dans l'assurance vie, qui, je l'indiquais au début de mon propos, est un outil important du financement de notre économie et un produit favori de l'épargne de nos concitoyens.

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