Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 7 novembre 2007 à 15h00
Bénéficiaires des contrats d'assurance sur la vie et droits des assurés — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la combinaison des règles juridiques et l'ancienneté des contrats d'assurance vie ont entraîné, au fil des décennies, la constitution d'un stock très important de contrats dits « en déshérence », qui sont arrivés à leur terme sans qu'aucun des acteurs en présence n'agisse : le souscripteur ne donne plus signe de vie, mais l'assureur n'a pas la preuve qu'il est décédé ; aucun bénéficiaire ne se manifeste ; dans le doute, l'assureur se conforme à l'interdiction de prévenir le bénéficiaire.

J'aborderai trois points.

Le premier concerne le montant des avoirs en cause. En la matière, les chiffres varient. La Fédération française des sociétés d'assurances avance un montant de l'ordre de 950 millions d'euros. M. Marini, dans son rapport de juin 2005 relatif au projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance, évoquait un « montant cumulé qui se chiffrerait en milliards d'euros ». Il a réitéré ce chiffre voilà quelques instants. Quant au Médiateur de la République, il estime que ce montant se situerait entre 2 milliards et 4 milliards d'euros.

Il s'agit de sommes importantes, d'autant que, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, les fonds concernés, au terme d'un délai de trente ans, viendraient abonder le Fonds de réserve pour les retraites. En réalité, ces fonds ne seront versés qu'au début de l'année 2008, comme l'a indiqué M. Henri de Richemont dans son rapport écrit.

Le deuxième point que je souhaite évoquer a trait à l'affectation des sommes non réclamées avant le délai de prescription, et j'avais déjà eu l'occasion d'aborder cette question, en octobre 2005, lors du débat sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance.

Compte tenu des sommes en jeu, il semble en effet opportun de leur trouver une affectation de nature à favoriser la compétitivité des entreprises, à laquelle vous êtes très sensible, monsieur le secrétaire d'État. Actuellement, les sommes engrangées avant prescription sont principalement placées dans des SICAV. Pourquoi ne pas les diriger vers les PME à fort potentiel de croissance ? Et je ne fais pas là une proposition infondée. Il faudrait sans aucun doute que les assureurs orientent une part accrue de l'assurance vie vers le capital risque ! Telle était d'ailleurs l'une des recommandations de la mission commune d'information sur les centres de décision économique, présidée par M. Marini<.

Au 30 juin 2007, la profession estime que les fonds en question atteignent 20 milliards d'euros, ce qui constitue certes un progrès. Toutefois, cette somme représente une part marginale du montant total de l'assurance vie, que M. le rapporteur général a estimé voilà quelques instants à 1 200 milliards d'euros !

Le troisième point que j'évoquerai concerne une certaine inertie des compagnies d'assurance dans la recherche des bénéficiaires.

Près de deux ans après la naissance de l'AGIRA, prévue par la loi du 15 décembre 2005, qui répond aux demandes de personnes se croyant bénéficiaires d'un contrat d'assurance vie et transmet lesdites demandes aux organismes gestionnaires de ces contrats, les résultats sont relativement faibles : sur près de 10 500 demandes, un peu moins de 700 contrats ont été soldés, pour un montant total de 12 millions d'euros.

Je veux insister sur un point. Sans y être obligée, - et cela figure dans les travaux menés par le Médiateur de la République - une compagnie d'assurance française, plutôt proactive, que vous avez sans doute déjà identifiée, mes chers collègues, a missionné une société pour rechercher les bénéficiaires de contrats de plus de 3 000 euros dont les souscripteurs avaient cent ans ou plus et ne s'étaient pas manifestés depuis quatre ans. D'après les chiffres communiqués par le Médiateur de la République, la recherche a d'ores et déjà porté sur 1 150 dossiers. Il s'avère que les trois quarts des souscripteurs sont vivants. Sur les 300 dossiers restants, pour lesquels le souscripteur du contrat est décédé, la quasi-totalité des bénéficiaires ont été retrouvés, et les sommes versées représentent environ 30 millions d'euros. Ce chiffre est à mettre en parallèle avec celui que j'ai évoqué tout à l'heure dans le cadre de l'AGIRA, à savoir 12 milliards d'euros.

Il appartient donc aux compagnies d'assurance de prendre leurs responsabilités et de faire un travail d'investigation, afin que le principe qui préside au contrat d'assurance vie, et selon lequel les fonds reviennent de plein droit aux bénéficiaires à la mort de l'assuré, soit respecté.

Cette proposition de loi est une étape de portée limitée, mais elle permet au moins de poser trois questions, qui appellent des réponses sinon immédiates, du moins à court terme : quel est le montant estimé des contrats en déshérence ? Quelle est la destination finale des fonds ainsi capitalisés ? Quelle part sera finalement réservée à la redistribution à l'ensemble des assurés, dans le cadre de la mutualisation, et quelle autre serait affectée au Fonds de réserve pour les retraites ?

L'efficacité des recherches entreprises par la compagnie dont je parlais, extrapolée à la totalité du secteur, et le travail fait par le biais de l'AGIRA doivent permettre aux agents économiques que sont les assureurs et dont le métier est de calculer les risques d'établir des chiffrages plus précis. Cela évitera de fantasmer sur des sommes qui n'existeraient pas et mettra de la transparence dans ce dossier.

L'amendement proposé par la commission des finances sur l'initiative de M. Marini, rapporteur pour avis, aidera à y voir plus clair d'ici au mois de juillet 2008.

Le groupe socialiste votera en faveur de cette proposition de loi qu'il approuve. C'est une étape petite, mais consensuelle, ce qui n'est pas si courant !

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