Intervention de Catherine Procaccia

Réunion du 7 novembre 2007 à 15h00
Bénéficiaires des contrats d'assurance sur la vie et droits des assurés — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Catherine ProcacciaCatherine Procaccia :

Notre tâche de législateur n'est donc pas aisée en la matière ; c'est pourquoi je me réjouis que nous ayons progressé, sagement mais sûrement, par étapes.

Le texte que vous nous proposez, monsieur le rapporteur, est très équilibré.

Les assureurs et les mutuelles se voient autorisés à consulter le fichier INSEE des personnes décédées, afin de savoir précisément quand rechercher les bénéficiaires des contrats d'assurance vie. En contrepartie, deux obligations sont mises à leur charge : l'obligation de rechercher les bénéficiaires, mais surtout l'obligation de verser le montant du contrat dans le mois suivant la réception des pièces nécessaires au paiement. Je ne peux qu'approuver ces dispositions.

M. le rapporteur pour avis et M. Détraigne l'ont rappelé, lorsque, en octobre 2005, nous avons examiné le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance, dit DDAC, nous avions déjà évoqué l'idée de permettre l'accès au fichier INSEE et une définition plus fine du bénéficiaire. Mais, à l'époque, nous nous sommes heurtés à trois problèmes.

Le premier réside dans la nature des contrats d'assurance vie, pour lesquels le souscripteur a le droit de ne pas voir révéler à n'importe qui l'identité du bénéficiaire de son contrat.

Le deuxième problème réside dans les difficultés techniques et éthiques de la constitution d'un fichier unique des contrats d'assurance vie.

Enfin, le troisième problème réside dans l'impératif de ne pas transformer ce sujet en aubaine commerciale pour des entreprises de généalogie, plus soucieuses de chiffre d'affaires que de l'intérêt des héritiers qui, souvent très heureux de toucher un héritage inattendu, se laissent imposer une commission parfois énorme.

De ces réflexions est né un interlocuteur unique pour les citoyens en matière d'assurance vie : AGIRA. Après neuf mois d'existence, cet organisme a permis de faire verser aux demandeurs 12 millions d'euros, ce qui est loin d'être un détail.

Le fonctionnement de l'AGIRA mais aussi les travaux des compagnies d'assurance, dans le cadre de la Fédération française des sociétés d'assurances ou FFSA, pour se doter avant la fin de l'année d'un code de bonnes pratiques en matière de recherche des bénéficiaires d'assurance vie, donnent un cadre suffisant pour envisager aujourd'hui avec succès l'accès au fichier INSEE des personnes décédées.

Pourtant, malgré des avancées notables, ce texte me paraît insuffisant.

D'abord, il n'oblige pas à une plus grande précision sur le bénéficiaire au moment de la souscription. L'accès au fichier INSEE ne résout que la première partie du problème : l'assureur découvre que son client est décédé, mais il lui faut identifier et localiser le bénéficiaire.

Si celui-ci n'est pas un ascendant ou un descendant en ligne directe du défunt, la tâche peut se révéler compliquée, le seul nom ne suffisant pas.

C'est pourquoi je défendrai un amendement modifiant le code des assurances et le code de la mutualité, afin qu'un bénéficiaire soit dit « déterminé » si figurent au contrat les mentions de ses nom, prénoms, date de naissance et adresse. Il n'y a aucune obligation, mais comment retrouver le bénéficiaire sans cette possibilité ?

Je proposerai également un amendement obligeant les entreprises d'assurance à entrer en contact avec leurs souscripteurs de contrat d'assurance vie au minimum tous les dix ans, afin de vérifier l'actualité des coordonnées de ces derniers, mais aussi celles du bénéficiaire ou des bénéficiaires. La loi du 1er août 2003 de sécurité financière n'est pas une réponse suffisante. En effet, elle a rendu obligatoire une information annuelle, mais seulement pour les contrats de plus de 2 000 euros et elle concerne le seul souscripteur et non le bénéficiaire.

La deuxième limite du texte concerne les risques de l'acceptation, sujet sur lequel j'aimerais, après le rapporteur, M. Henri de Richemont, expliciter ma position.

L'acceptation devrait pouvoir être aménagée dans certains cas, puisque le souscripteur ne peut, tout au long de sa vie, effectuer de retrait sans l'accord du bénéficiaire. Cette notion de blocage « ad vitam æternam » me paraît incompatible avec l'allongement de la durée de la vie et ses aléas.

Je suis consciente que, M. Henri de Richemont me l'a dit, l'acceptation est une solution très protectrice pour le bénéficiaire et découle directement du droit des libéralités puisque le contrat d'assurance vie est une stipulation pour autrui. J'ai bien compris qu'en agissant ainsi on crée une sorte d'étanchéité qui met le bénéficiaire à l'abri des créanciers, du fisc ou des héritiers du souscripteur.

Toutefois, il existe une exception à ce principe : lorsque le souscripteur souscrit un contrat après soixante-dix ans. Le bénéficiaire n'est alors pas à l'abri, en particulier du fisc.

Vous allez, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, me rétorquer que l'assuré n'est aucunement obligé d'informer le bénéficiaire de l'existence d'un contrat et qu'il peut aussi, grâce à ce texte, refuser que le contrat soit accepté. Je reconnais qu'il s'agit-là d'une grande avancée. À l'occasion de ce texte, j'ai découvert que, dans les procédures de divorce, l'une des premières démarches du notaire consiste à conseiller au conjoint de se précipiter pour accepter le contrat d'assurance vie.

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