Intervention de Bernard Vera

Réunion du 7 novembre 2007 à 15h00
Bénéficiaires des contrats d'assurance sur la vie et droits des assurés — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est nécessaire pour assainir des pratiques contestables des organismes assureurs proposant des contrats d'assurance sur la vie.

En effet, la question des encours des contrats d'assurance vie non réclamés et de la recherche de leur bénéficiaire en cas de décès du souscripteur tente d'être résolue depuis quelques années.

Jusqu'à présent, dans les faits, elle est restée sans réponse et l'on peut se demander si ce n'est pas en raison de l'importance des sommes qui restent ainsi captées par les compagnies d'assurance, alors qu'elles auraient dû être, conformément à la volonté des défunts, reversées à des bénéficiaires.

Selon les sources d'information, les chiffres varient du simple au quadruple : le montant des encours des contrats d'assurance vie non réclamés s'élèverait à 1 milliard ou 2 milliards d'euros selon le Gouvernement, à seulement 950 millions d'euros selon les assureurs et à près de 4 milliards d'euros selon certaines associations.

Chacun le sait, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne sont pas favorables au principe de l'assurance vie. Nous ne pouvons en effet approuver un produit d'épargne utilisé pour effectuer des donations exonérées, jusqu'à 152 500 euros, de droits de succession et quasiment défiscalisées, puisque les produits et les intérêts capitalisés ne sont pas imposés durant toute la vie du contrat et que les rachats et retraits effectués sont exonérés d'impôt après huit ans.

Néanmoins, nous ne cautionnons pas une seconde les pratiques des compagnies d'assurance qui profitent depuis bien longtemps des capitaux non réclamés par les bénéficiaires de contrats d'assurance sur la vie.

Le législateur a pourtant tenté, à plusieurs reprises, d'améliorer le dispositif d'information des bénéficiaires des contrats d'assurance sur la vie et de préciser, en matière de recherche des bénéficiaires, les obligations des organismes assureurs en cas de décès de l'assuré.

La loi de sécurité financière du 1er août 2003 a instauré l'obligation, pour les assureurs, d'envoyer chaque année au souscripteur une information relative au contrat, favorisant ainsi la transmission de l'information à l'égard des personnes ayant accès aux documents en cas de décès de l'assuré.

Mais c'est la loi du 15 décembre 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance qui a le plus renforcé le dispositif encadrant les contrats d'assurance sur la vie non réclamés par leurs bénéficiaires.

Elle a tout d'abord prévu que le contrat doit comporter une information sur les conséquences de la désignation du bénéficiaire et sur les modalités de cette désignation. Par ailleurs, l'assureur, informé du décès de l'assuré, est tenu d'aviser le bénéficiaire de la stipulation effectuée à son profit, mais seulement si ses coordonnées sont portées au contrat. Mais le champ de l'obligation à laquelle est soumise l'assureur s'arrête là, et c'est l'une des insuffisances de la loi du 15 décembre 2005.

Si l'identité ou les coordonnées ne sont pas connues de l'assureur, ou si ce dernier n'a pas connaissance du décès, il se trouve dégagé de toute obligation d'effectuer des démarches de recherche du bénéficiaire.

Enfin, toujours dans le cadre de la loi du 15 décembre 2005, il est prévu que toute personne physique ou morale peut s'adresser aux organismes professionnels du secteur de l'assurance ou de la mutualité pour s'informer de l'éventuelle existence d'une stipulation à son profit, à condition d'apporter la preuve du décès du souscripteur.

Ces organismes ont, dans ce cadre, créé l'Association pour la gestion des informations relatives aux risques en assurance, l'AGIRA, qui est chargée de centraliser les demandes, avant de les adresser aux organismes assureurs pour traitement.

Ce dispositif, a priori intéressant, n'est pourtant pas totalement satisfaisant, car il fait reposer l'ensemble de la démarche sur le seul bénéficiaire potentiel et non sur l'organisme assureur. Or il existera toujours des personnes ou des associations qui ne peuvent imaginer être bénéficiaires d'un contrat d'assurance sur la vie.

La législation actuelle, bien que de plus en plus complète, n'a pas réellement réglé la situation des contrats restés en déshérence après le décès du souscripteur en cas de non-réclamation du bénéfice de l'assurance vie.

Si cette proposition de loi comporte indéniablement, sur le principe, des avancées, nous considérons que celles-ci mériteraient d'être renforcées.

Les articles 1er et 2 visent à créer la possibilité, pour les organismes assureurs et mutualistes, de consulter les données figurant au répertoire national d'identification des personnes physiques, le RNIPP, et relatives au décès des personnes qui y sont inscrites.

Certes, cette possibilité constitue une innovation intéressante ; elle était d'ailleurs attendue par des associations de défense des consommateurs. Mais les articles 1er et 2, tels qu'ils sont issus des travaux de l'Assemblée nationale, en ne posant pas le principe d'une obligation de consultation du RNIPP, font toujours dépendre du bon vouloir des assureurs le versement des capitaux non réclamés à une personne qui ignore en être bénéficiaire.

La commission des lois propose donc, à juste titre, de transformer la faculté prévue dans ces deux articles en une obligation. Mais encore faudrait-il que soient précisés le type de contrat auquel s'applique cette obligation et la fréquence à laquelle les assureurs devront consulter le RNIPP. En effet, si le législateur n'encadre pas assez strictement les pratiques dans le secteur de l'assurance vie, le sort des capitaux non réclamés dépendra toujours plus ou moins de la bonne volonté des organismes assureurs.

La commission des lois propose également de restreindre l'accès au RNIPP aux seules mutuelles et unions susceptibles de proposer à leurs adhérents des opérations sur la vie humaine ou des opérations de capitalisation. Nous approuvons cette position, que nous soutiendrons.

Néanmoins, j'espère que les démarches entreprises par les assureurs resteront à la charge de ces derniers et que la création d'un traitement de données nominatives relatives aux décès ne donnera pas lieu, à l'avenir, à son utilisation à des fins commerciales.

L'économie générale de cette proposition de loi semble équilibrée, à condition toutefois que les amendements de la commission des lois soient adoptés.

Ma dernière remarque concernera un point qui n'est pas directement abordé dans ce texte, à savoir l'affectation des capitaux non réclamés au Fonds de réserve pour les retraites, le FRR. La loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 prévoit en effet que les montants des contrats d'assurance sur la vie non réclamés par leurs bénéficiaires au terme d'un délai de trente ans sont, depuis le 1er janvier 2007, théoriquement affectés au Fonds de réserve pour les retraites. Il est regrettable que la proposition de loi ne raccourcisse pas ce délai, qui nous semble excessivement long, alors que le FRR aurait bien besoin de ces capitaux non réclamés.

Le Gouvernement estimait d'ailleurs que cette ressource du FRR s'élèverait à 15 millions d'euros en 2007. Malheureusement, aucun versement n'interviendra en 2007, les premiers versements étant prévus au début de l'année 2008.

Nous proposerons donc un amendement visant à réduire le délai d'affectation des capitaux non réclamés de trente ans à dix ans. Il nous paraît plus juste de faire profiter relativement rapidement le FRR de ces importantes sommes d'argent en lieu et place des organismes assureurs.

D'une proposition de loi constituée au départ d'un article unique, nous aboutissons aujourd'hui à un ensemble de mesures, globalement attendues et souhaitées par des associations de défense des consommateurs. Pour notre part, nous les approuvons également.

Pour conclure, je vous ferai tout simplement remarquer, mes chers collègues, que toutes ces mesures auraient tout aussi bien pu résulter d'une généralisation des bonnes pratiques au sein même des organismes professionnels concernés.

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