Intervention de Charles Gautier

Réunion du 7 novembre 2006 à 16h00
Politique de sécurité menée depuis 2002 — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Charles GautierCharles Gautier :

Le résultat de cette politique ? Les violences contre les personnes ne cessent d'augmenter ; jamais il n'y a eu autant de voitures brûlées dans les quartiers ; quant aux transports en commun, ils sont devenus des cibles privilégiées.

Ce bilan est désastreux. La société française est plus dangereuse aujourd'hui qu'elle ne l'a jamais été, alors même que vous disposez d'un pouvoir considérable. D'ailleurs, vous ne vous privez pas de vous en servir.

Vous avez ainsi monté un dispositif législatif extravagant, modifiant le code pénal et le code de procédure pénale, étendant les pouvoirs des forces de l'ordre, multipliant les occasions de créer des fichiers, et j'en passe. Chaque fait divers fut suivi, quelques mois plus tard, d'un nouveau texte.

Pour soutenir toutes ces actions, vous avez usé et abusé de la médiatisation qui avait fait votre succès en 2002.

Et pourtant, nous fêtons aujourd'hui un bien triste anniversaire, avec de bien tristes évènements : une jeune femme de vingt-six ans est actuellement encore dans un état critique ; deux adolescents et un père de famille sont morts l'an dernier ; des millions de personnes subissent toujours les conséquences des violences et des dizaines de milliers d'autres se trouvent sans moyens de transport.

Monsieur le ministre d'État, il y a cinq ans, vous donniez des leçons et traitiez vos prédécesseurs d'incapables.

Or, en cinq ans, vous n'avez fait qu'attiser la haine, qu'attiser le feu. Vous avez fait grandir le fossé entre les jeunes des quartiers et les forces de l'ordre. Vous avez monté les communautés les unes contre les autres et érigé des frontières entre les générations.

Les épisodes de flambée de violence se succèdent depuis deux ans : c'est d'abord, en mars 2005, l'agression de jeunes manifestants contre la loi Fillon par d'autres jeunes venus des banlieues parisiennes ; puis, en octobre et novembre 2005, trois semaines d'émeutes dans les villes les plus défavorisées de France ; enfin, la violente agression par des jeunes casseurs de manifestants anti-CPE.

Les tensions sont de plus en plus vives dans les quartiers, surtout lorsque le Gouvernement leur envoie pour toute réponse des cars de CRS, ce qui ne résout rien.

Les évènements de l'an dernier sont significatifs : ils symbolisent l'échec de vos méthodes.

Ils démontrent d'abord votre incapacité à répondre aux attentes de nos concitoyens en ce domaine. La violence de ces trois semaines d'émeutes avait couvé, puis s'est amplifiée peu à peu à coups de « Kärcher » et de « racailles ». Elle a mûri aussi à force de chômage, de discrimination et d'abandon.

Pour répondre à ces évènements, vous avez déclaré l'état d'urgence. Vous conveniez donc que ces évènements, qui se produisaient quatre ans après votre retour au pouvoir, étaient d'une gravité exceptionnelle.

Vous avez alors eu l'audace de refuser d'indemniser les collectivités locales et les particuliers qui avaient eu à subir les conséquences de votre politique en matière de sécurité ! Or le maintien de l'ordre est de votre responsabilité ; les conséquences du non-maintien de l'ordre sont donc à la charge de l'État.

À maintes reprises, de nombreux parlementaires ont relayé les appels de leurs concitoyens. Ils vous ont alerté sur les difficultés et les craintes de nombreux particuliers qui ont perdu, lors de ces évènements, leur seul moyen de transport pour aller travailler, alors qu'ils comptent parmi ceux de nos concitoyens qui ont le plus besoin de travailler et qui sont les plus fragiles.

Nous vous avons aussi alerté sur les demandes émanant des collectivités territoriales. Certaines communes ont en effet été contraintes de réaliser d'importants travaux à la suite de ces évènements, des gymnases et des écoles ayant été incendiés. Or ces communes sont celles qui connaissent déjà les plus grandes difficultés.

Pour tous ceux-là, particuliers ou collectivités, vous auriez pu faire un geste, car ils doivent souvent faire face à des assurances dont les tarifs ont explosé.

Mais vous n'avez rien fait.

Monsieur le ministre d'État, votre bilan doit vous ramener à plus de modestie. Vous ne pouvez plus vous cacher derrière celui de vos prédécesseurs. C'est vous qui êtes responsable de ce bilan peu glorieux.

Et encore n'ai-je pas évoqué, dans ce court moment qui m'est imparti, la situation de la Corse, qui connaît une recrudescence des violences. Depuis plusieurs mois, il ne se passe pas une semaine sans que s'y produise un attentat ou un incident entraînant des dégâts importants.

Là aussi, monsieur le ministre d'État, vous êtes comptable de la sécurité de nos concitoyens. Un jour ou l'autre, ces incidents tourneront au drame.

Il n'est pas souhaitable que la prochaine campagne présidentielle se déroule dans le même contexte que la précédente. Mais tout laisse à penser que certains l'envisagent pourtant de façon stratégique.

Nous devons tout faire pour éviter cela, car ces sujets entraînent des réactions démesurées, certes compréhensibles, mais qui nuisent au débat politique, débat qui exige au contraire calme et sérénité.

Les problèmes du pays ne doivent pas être relégués au second plan. Monsieur le ministre d'État, les cartes sont entre vos mains pour apaiser les esprits, afin que ce rendez-vous électoral décisif et historique se déroule dans un contexte serein. C'est votre responsabilité !

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