Intervention de Gérard Le Cam

Réunion du 7 novembre 2006 à 16h00
Application de la loi d'orientation agricole — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Gérard Le CamGérard Le Cam :

Monsieur le ministre, vous avez eu l'amabilité de présenter, courant juin 2006, l'état d'avancement de l'application de la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006. Cette question orale, sur l'initiative du rapporteur de la loi, M. Gérard César, devrait permettre à la représentation nationale d'apprécier la mise en oeuvre de cette loi s'agissant des décrets et ordonnances qui en précisent le contenu.

S'il faut relativiser la loi d'orientation agricole au regard du poids de la PAC et de celui des négociations de l'OMC, qui se poursuivent malgré l'échec de Doha, il ne faut surtout pas en minimiser le contenu et la portée, dont notre groupe ne partageait pas l'orientation libérale : une orientation d'adaptation permanente, de course-poursuite avec la PAC et l'OMC, elles-mêmes d'inspiration libérale et parfois ultralibérale.

Ce type de comportement politique a affecté également tous les secteurs économiques, sociaux et environnementaux de notre pays, au travers de multiples lois qui ont marqué cette législature finissante.

Avant d'aborder les principales dispositions du texte de la LOA, et les remarques et questionnements qu'elles suscitent, je m'autoriserai à faire une remarque de pure forme sur le déroulement de nos débats.

Il aurait été de bon goût, monsieur le ministre, de nous communiquer un rapport complet sur l'état de la loi quelques jours avant cette question orale, afin de faciliter la tâche des parlementaires et d'améliorer la qualité de nos échanges. Vous ne m'en voudrez donc pas d'avoir construit cette intervention à partir de l'état du mois de juin et des projections en cours.

Mon honnêteté politique m'amène toutefois à vous féliciter, monsieur le ministre, ainsi que vos services, pour la qualité pédagogique et la clarté du document que vous nous avez adressé courant janvier 2006 dans le cadre, si je puis dire, du service après vente de la loi. J'ai eu l'occasion de transmettre ce document à de nombreux agriculteurs de mon département qui ont ainsi pu prendre connaissance des principales dispositions de la loi.

À propos du fonds agricole, qui consacre une vue entrepreneuriale de l'exploitation et ouvre grand la porte à des agricultures qui échappent progressivement aux véritables acteurs du terroir que sont les paysans, le laboureur d'autrefois est devenu paysan, ensuite cultivateur, puis agriculteur, avant d'être exploitant agricole et, enfin, entrepreneur agricole. Mais, quelle que soit la terminologie employée, les tendances à la concentration et la financiarisation de l'agriculture ne connaissent pas de répit ; les crises demeurent cycliques, voire permanentes pour certaines productions.

Le fonds agricole participe de cette démarche. Il y a fort à parier qu'à l'instar des grands vignobles ou de l'intégration des élevages avicoles hors sols des pans entiers, les plus rentables en tout cas, passent sous la coupe de capitaux en quête de rentabilité, capitaux souvent apatrides et « délocalisateurs » ou capitaux stratégiques qui, dans le cadre de la guerre alimentaire, pourraient provoquer des dommages irréversibles à notre agriculture nationale.

Il serait néanmoins intéressant, et ce sera ma première question monsieur le ministre, de connaître le nombre et la nature des exploitants ayant déjà opté pour le fonds agricole. Mais le temps de retour étant relativement court, répondre à cette question risque d'être quelque peu compliqué !

Au sujet du bail cessible, qui est le pendant du fonds agricole, le propriétaire, bien que bénéficiaire d'un « droit d'opposition pour motifs légitimes », se trouve engagé dans une aventure à moyen terme, voire définitive, qui contribue également à la concentration des exploitations.

Le document « service après vente » que vous nous avez adressé au mois de janvier précise : « Cette option ouverte aux parties pour un bail cessible devrait faciliter les installations en fermage sur des unités économiques opérationnelles et viables », ce que je traduis par des unités toujours plus grandes pour tenter d'obtenir une rentabilité qui, en réalité, trouve ses faiblesses non pas dans les surfaces cultivées, mais dans une politique des prix désastreuse à tout point de vue.

Le décret du 23 mars dernier permet de signer ces baux cessibles. Là encore, il serait intéressant de savoir si cette disposition connaît un certain engouement ou, au contraire, le désintérêt le plus total ; ce sera donc ma deuxième question, monsieur le ministre.

Le contrôle des structures, assoupli à l'article 14 par le relèvement du seuil de surface au-delà duquel les reprises de terres agricoles sont soumises à autorisation d'exploiter, avait donné lieu à de vifs débats dans cet hémicycle. Cet assouplissement permet désormais au plus influent ou au plus offrant d'accaparer des terres qui auraient pu être précieuses pour renforcer des exploitations de petite ou moyenne taille. Quel seuil a été définitivement adopté ? Je vous remercie de me répondre également sur ce point.

En ce qui concerne les mesures sociales, il serait intéressant de suivre l'évolution du statut du conjoint en qualité de collaborateur, de salarié ou d'exploitant.

Environ 119 000 conjointes étaient concernées par cette mesure en 2003. Aujourd'hui, près d'une femme sur deux - 47 % exactement - ne travaille pas ou ne travaille plus sur l'exploitation, tandis que 37 % sont agricultrices à titre principal, 12 % se partageant entre une activité agricole et une activité extérieure.

Si ces chiffres peuvent être parfois le résultat d'un choix délibéré, ils expriment souvent l'incapacité de vivre à deux sur l'exploitation au regard des prix pratiqués et des revenus.

Le revenu agricole a reculé de 3 % en 2005, certes avec de fortes disparités selon les productions. En Bretagne, le revenu moyen s'établissait en 2003 à 12 500 euros par unité de travail humain familiale, soit 6 500 euros de moins que le revenu de référence des autres catégories socioprofessionnelles, qui se situe lui-même en deçà des moyennes nationales.

La situation des conjoints, et tout particulièrement celle des conjointes, se trouverait rapidement confortée par une vraie politique de prix rémunérateurs.

Le volet social de la loi d'orientation agricole, bien qu'insuffisant, va dans le bon sens, tant il est vrai que tout progrès, même minime, est bon à prendre.

Quelle est la situation des 160 000 personnes concernées par la demi-surface minimum d'installation, monsieur le ministre ? Disposez-vous des chiffres concernant le crédit d'impôt de remplacement ?

Toujours s'agissant du revenu, la loi d'orientation agricole préconisait de conforter celui-ci par le développement des biocarburants et des bioproduits, le renforcement de l'organisation économique et la maîtrise des risques et aléas.

Le sujet énergétique étant d'actualité, je reviendrai plus particulièrement sur la question des biocarburants.

Après la très médiatique communication de M. le ministre de l'économie sur l'E85, il convient de remettre les pendules à l'heure. Je me suis laissé dire que la pompe était tombée en panne dès le lendemain et avait été recouverte d'une bâche le surlendemain. Cette pompe distribuait-elle même réellement de l'E85 ?

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