Intervention de Gérard Le Cam

Réunion du 7 novembre 2006 à 16h00
Application de la loi d'orientation agricole — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Gérard Le CamGérard Le Cam :

Aujourd'hui, rien ou presque n'est de nature à engager la profession dans la voie des biocarburants, car rien ne l'assure d'un réel complément de revenu. Une fiscalité incitative se fait attendre pour les biocarburants et leur usage non seulement par l'ensemble de la profession agricole, mais également par le monde de la pêche. Les grands groupes de l'énergie et les triturateurs ne vont-ils pas être les uniques bénéficiaires de la filière biocarburants ?

Une planification des surfaces à destination énergétique paraît également indispensable au regard de la première responsabilité de l'agriculture, qui est de nourrir les hommes.

Un autre danger plane sur l'avenir des biocarburants, à savoir l'abaissement de 54 % à 51 % des tarifs douaniers dans le cadre de l'OMC. Cette mesure pourrait avoir comme conséquence immédiate de rendre moins cher l'alcool de canne à sucre brésilien et de favoriser ainsi son utilisation à la place de nos biocarburants.

On se souvent encore que l'absence de toute taxe à l'importation sur le soja américain a empêché l'Union européenne de développer une filière protéinique végétale compétitive.

Tout doit cependant être mis en oeuvre pour produire un maximum d'énergie à partir des biocarburants et de la biomasse compte tenu de la flambée des prix que devraient connaître les énergies fossiles.

Enfin, je dirai quelques mots sur le monde coopératif, pour lequel les communistes éprouvent à la fois sympathie et inquiétude : sympathie eu égard à la garantie qu'offrent les coopératives pour l'activité et l'emploi local, par ce lien permanent établi entre les acteurs de terrain, les agriculteurs, et par la structure d'approvisionnement, de transformation et de commercialisation qu'elles représentent ; inquiétude compte tenu de l'évolution, que je qualifierai de libérale, de leurs critères de gestion et de management.

On peut d'ailleurs s'interroger, monsieur le ministre, sur le rôle exact que jouera le Haut conseil de la coopération agricole en matière d'orientation et d'agrément du monde coopératif. N'allez-vous pas transformer la coopération agricole en structures calquées sur la gestion privée et le profit maximum ?

Globalement, les décrets et ordonnances pris en application de la loi d'orientation agricole ne sont pas pour nous rassurer dans la mesure où ce texte a conforté partout où il le pouvait l'ouverture à la concurrence et les critères de gestion libéraux.

Quelle France agricole se prépare ? S'agit-il de celle que décrit Bertrand Hervieu, dans laquelle la production agricole serait assurée, d'une part, par une centaine de milliers d'exploitations qui, pratiquant une culture intensive et s'alignant sur les prix mondiaux, capteraient l'essentiel des aides et des subventions, d'autre part, par des exploitants dits « de proximité », voués aux circuits courts, à l'agrotourisme, à l'entretien des paysages et aux cultures biologiques, qui tenteraient de survivre ?

Ou bien s'agit-il d'une agriculture diversifiée, vivant de prix rémunérateurs sur des surfaces variables, d'une agriculture dont les relations commerciales avec les réseaux de la grande distribution seraient enfin normalisées au bénéfice des producteurs et des consommateurs, d'une agriculture dont les aides ne serviraient qu'à compenser les handicaps dans le cadre d'une réelle préférence communautaire et d'une vraie solidarité internationale, d'une agriculture qui ne confondrait pas production et productivisme, d'une agriculture en harmonie avec la ruralité dans sa globalité, d'une agriculture où la démocratie représentative serait enfin rétablie au sein des chambres, d'une agriculture, enfin, qui en reviendrait à sa mission originelle, à savoir fournir en quantité suffisante une alimentation de qualité et contribuer activement au défi énergétique national, dans la mesure de ses capacités ?

Monsieur le ministre, vous ne m'en voudrez pas si je préfère cette seconde version.

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