Intervention de Daniel Soulage

Réunion du 7 novembre 2006 à 16h00
Application de la loi d'orientation agricole — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Daniel SoulageDaniel Soulage :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi d'orientation agricole, adoptée par le Parlement voilà une dizaine de mois, a été l'objet de débats très intéressants et très constructifs pour le soutien et le développement de notre agriculture.

Je suis très heureux de pouvoir participer aujourd'hui à cette discussion, qui permettra non seulement de dresser un bilan d'étape sur l'avancement de l'application de cette loi, mais aussi, je l'espère, de relancer sa mise en oeuvre sur plusieurs points.

Je tiens donc à remercier vivement notre collègue Gérard César d'avoir posé cette question et M. le ministre de répondre à nos interrogations.

Monsieur le ministre, je suis conscient des combats que vous menez pour rendre applicable la loi d'orientation agricole et, bien sûr, pour défendre et promouvoir sans relâche notre agriculture.

J'aimerais attirer votre attention sur quelques points qui me tiennent à coeur et qui n'ont pour l'instant pas fait l'objet d'une mise en oeuvre évidente à la suite de l'adoption de la loi d'orientation agricole.

Tout d'abord, il est à noter qu'un certain nombre d'ordonnances prévues par cette loi n'ont pas été prises par le Gouvernement ou n'ont pas encore fait l'objet de ratification par le Parlement. Ainsi, sur les huit ordonnances que le Gouvernement a été autorisé à prendre, trois n'ont pas encore été mises en oeuvre, les cinq autres n'ayant pas été présentées au Parlement.

Or ces ordonnances traitent de sujets fondamentaux pour le monde agricole, qu'il s'agisse de modifications du statut du fermage, de l'amélioration des régimes d'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles pour les salariés et les non-salariés agricoles, ou encore du renforcement de l'implication des adhérents de coopératives. Sur ce dernier point, l'ordonnance prise le 5 octobre dernier améliore le droit à l'information des adhérents de coopératives, ce qui représente une condition nécessaire à la bonne gouvernance de celles-ci. Il est important de pouvoir la faire ratifier rapidement.

Cette année, élections obligent, la session du Parlement risque d'être courte, et je crains que nous n'ayons pas le temps d'aller au bout de cette réforme. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous rassuriez. Pourriez-vous donc esquisser devant la Haute Assemblée un calendrier de mise en application de ces différentes mesures ?

Le deuxième point sur lequel je souhaite attirer votre attention concerne les biocarburants. C'est un secteur primordial d'un point de vue économique et agricole, car il redonne confiance à la profession. Je tiens à soutenir pleinement son développement et à vous féliciter pour votre engagement personnel ainsi que pour les différentes mesures actuellement prises par le Gouvernement. C'est un point décisif pour l'avenir de notre agriculture.

L'article 48 de la loi d'orientation agricole fixe des objectifs ambitieux pour notre pays en matière d'utilisation des biocarburants, supérieurs à ceux qui sont prévus par l'Union européenne. Ainsi, la part des biocarburants et des carburants renouvelables devra atteindre, en teneur énergétique, 5, 75 % du marché à la fin de l'année 2008, 7 % à la fin de l'année 2010 et 10 % à la fin de l'année 2015.

Pouvez-vous nous dire à combien s'élève cette part aujourd'hui, monsieur le ministre ? Il est en effet important de connaître les évolutions concrètes de ce nouveau débouché et de rassurer les agriculteurs sur l'avenir de la production française face à ses concurrentes - brésilienne par exemple -, donc de les tranquilliser sur leur propre avenir. Que peuvent représenter ces évolutions en termes de surface cultivée ?

Nous nous posons très régulièrement la question suivante : les agriculteurs peuvent-ils cultiver les terres en jachère à des fins de production de biocarburants ? Dans l'affirmative, ces terres seront-elles encore éligibles à des primes ?

Pouvez-vous également, monsieur le ministre, nous faire part de vos projets, hormis l'outil de défiscalisation figurant dans le projet de loi de finances pour 2007, afin de favoriser la production et l'incorporation de biocarburants dans les carburants ?

Dans le même secteur liant énergie et agriculture, je souhaite vous interroger de nouveau sur le cas des huiles végétales pures. Je tiens à préciser qu'à mes yeux les huiles végétales pures ne sont pas un substitut aux biocarburants : elles représentent une alternative, limitée mais intéressante, aux carburants fossiles classiques.

L'utilisation de ces huiles végétales pures comme biocarburants a été abordée dans la loi d'orientation agricole. Or j'ai l'impression d'observer depuis un an une certaine cacophonie des pouvoirs publics dans ce domaine.

Dernier épisode : on a pu entendre, il y a quelques jours, le ministre des transports faire l'éloge des huiles végétales pures « pour leur utilisation dans les flottes captives, comme celles de la communauté de communes du Villeneuvois ».

Pourriez-vous, monsieur le ministre, clarifier cette situation et nous exposer vos projets dans ce domaine ? Je sais que vous travaillez sur cette question, et j'espère que nous pourrons obtenir des réponses concrètes.

L'utilisation des huiles végétales pures comme carburant me semble très avantageuse. Il est urgent de prendre des mesures en matière d'expérimentation ainsi que sur le plan de l'organisation. Il faut permettre aux organismes stockeurs de presser cette huile à la sortie des silos. C'est le seul moyen d'obtenir des huiles de qualité, ainsi que des sous-produits homogènes qui peuvent être valorisés dans les meilleures conditions.

La création d'une telle filière courte peut s'avérer très intéressante non seulement pour les agriculteurs, mais aussi, sur le plan du développement économique, pour certaines régions telles que le Sud-Ouest, que je connais bien. Quel est votre avis sur ce sujet, monsieur le ministre ? Quelles décisions comptez-vous prendre ?

J'aimerais enfin aborder un thème que j'avais personnellement défendu lors de l'examen de la loi d'orientation agricole, celui de la gestion des crises, particulièrement dans le secteur des fruits et légumes. La situation de cette filière a été au coeur de nos débats sur ce texte.

La loi permet aujourd'hui que les organisations de producteurs soient le socle de base de toute action collective et des soutiens des pouvoirs publics, que les centrales de ventes puissent être reconnues en tant qu'associations d'OP et que les associations d'OP reconnues comités économiques puissent mettre en oeuvre un fonds de mutualisation.

Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes fortement engagé sur ce dossier, au niveau national mais aussi et tout particulièrement à Bruxelles, et que le projet de règlement « fruits et légumes » prévu par la Commission européenne a été repoussé. Mais il reste à l'étude et j'espère qu'il pourra intervenir d'ici à la fin de l'année, en tout cas au tout début de l'année prochaine.

J'aimerais attirer votre attention sur deux points, que je regrette : d'une part, les décisions financières en matière de crédits d'investissement pour les serres et de rénovation des vergers, qui sont de très bonnes mesures, ne privilégient pas les producteurs organisés en OP ; d'autre part, les effets de la baisse des crédits pour les offices se feront fatalement sentir en matière d'investissement et de promotion des produits agricoles.

Ensuite, concernant les fonds de mutualisation, il est primordial que leur gestion soit pleinement confiée à l'organisation économique représentée par les comités économiques et que ceux-ci participent à parité à leur financement. L'objectif reste de pouvoir rendre incitatif un mécanisme de prévention et de gestion de crise au travers des OP et des associations d'OP.

Il n'est pas possible, dans ce secteur, de s'appuyer sur l'interprofession, les différents partenaires représentant des intérêts divergents, voire diamétralement opposés entre l'amont et l'aval. Ainsi, nous avons pu constater que, chaque fois qu'il y a conflit, l'interprofession est paralysée.

Pouvez-vous nous donner votre position sur l'évolution de ce dossier tant en France qu'au niveau de l'Union européenne ?

J'espère, monsieur le ministre, que le débat sur cette question orale de notre collègue Gérard César vous permettra d'apporter des réponses satisfaisantes à ces différentes interrogations. Je vous en remercie par avance.

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