Intervention de Monique Cerisier-ben Guiga

Réunion du 22 juin 2005 à 15h00
Réforme de l'adoption — Adoption définitive d'une proposition de loi

Photo de Monique Cerisier-ben GuigaMonique Cerisier-ben Guiga :

Par ailleurs, dans quelle mesure pouvons-nous être assurés que ce GIP, groupement d'intérêt public, sera indépendant du pouvoir politique - quel qu'il soit, compte tenu des alternances - qui aura nommé son président et son directeur, d'une façon discrétionnaire, soyons clairs ? Les familles ne veulent pas avoir à quémander des enfants ni à recourir à des passe-droits clientélistes.

Le deuxième type d'interrogation porte sur le pouvoir dans l'Agence. Le GIP est composé de l'Etat, des conseils généraux et de personnes morales de droit privé.

Premièrement, que faut-il comprendre par « l'Etat » ? S'agit-il des ministères ? Lesquels ? Dans la mesure où l'adoption internationale est appelée à se développer, la participation du ministère des affaires étrangères et du ministère de la justice aux côtés du ministère chargé de la famille nous paraît indispensable et doit absolument être précisée dans le texte.

Deuxièmement, quelles seront les personnes morales de droit privé ? Des associations, des entreprises ? Dans quel objectif et avec quel pouvoir ?

Troisièmement, quels seront le poids et les pouvoirs respectifs des différents partenaires dans le conseil d'administration ? Le texte ne nous en dit rien. On en revient toujours au décret mais, en réalité, on ne sait pas sur quoi l'on vote.

Quatrièmement, quelles seront les relations entre l'Agence et les organisations ? L'Agence agira en complément des organisations avec l'agrément de l'autorité centrale. S'agissant d'êtres humains et non d'entités abstraites, nous savons que cela peut dégénérer en concurrence. Il n'est donc pas souhaitable que les OAA siègent dans le conseil d'administration de l'AFA avec voix délibérative, et nombre d'entre elles, d'ailleurs, ne souhaitent pas cogérer l'AFA.

En revanche, une bonne concertation entre l'Agence et les organisations est nécessaire. Donc, oui à la concertation, non à la cogestion. De plus, les associations d'adoptés majeurs, qui ne vont pas tarder à se constituer, et de parents adoptifs doivent pouvoir être consultées dans un cadre approprié, un collège consultatif, par exemple

Le troisième type d'interrogation concerne le financement de l'Agence. Les départements s'inquiètent car la charge supplémentaire peut être importante et il n'est pas prévu dans le texte que les départements, quand ils ont peu d'adoptions, mutualisent leurs correspondants, par exemple.

Le quatrième type d'interrogation porte sur le rôle d'intermédiaire de l'AFA pour les adoptions à l'étranger.

Il s'agit là de mon domaine, et je voudrais savoir si, dans cette fonction, l'AFA sera capable de rendre aux parents les mêmes services que les OAA : conseil, recherche des enfants, suivi ?

Dans quels pays l'AFA interviendra-t-elle ? Si elle doit intervenir dans les trois, quatre ou cinq pays où il y a beaucoup d'enfants adoptables, et seulement dans ceux-là, c'est trop facile ! Il sera aisé, en effet, de faire du chiffre et de laisser aux OAA les pays plus difficiles et l'adoption individuelle. Cela ne me paraît pas correct, sauf en ce qui concerne la Chine, où ce point peut être très positif dans la mesure où nous avons vraiment besoin d'un interlocuteur unique et qui appartienne au service public.

Par ailleurs, l'AFA facturera-t-elle ses prestations ? C'est admissible, mais il faut savoir dans quelles conditions et sur quels critères elle le fera. Qui seront ses correspondants et qui les rémunérera ? Qui les formera ?

Nous avons tout à l'heure parlé du personnel consulaire. Soyons clairs, celui-ci n'aura pas grand-chose à voir là dedans et, de toute façon, les consulats sont des coquilles vides, il n'y a plus d'agents et surtout pas dans les services sociaux.

Le ministère des affaires étrangères prévoit d'avoir des agents référents, aptes à vérifier la transparence des procédures et leur rigueur juridique, mais il tient absolument à séparer cette fonction de celle de l'accompagnement des familles. Il ne veut pas avoir à s'en occuper. Les correspondants de l'AFA ne seront donc pas des personnels du ministère des affaires étrangères et n'auront pas le statut diplomatique. Cela pose donc le problème de leur statut, de leur protection sociale, du lieu où ils exerceront leur mission et de leur crédibilité aux yeux du pays d'origine.

Enfin, si l'Agence française de l'adoption n'est pas mieux dotée que ne l'a été la mission de l'adoption internationale, elle ne sera ni plus efficace ni plus accueillante. La MAI a surtout pâti du manque de personnel et de la rotation trop rapide de celui-ci. Je me rappelle être allée mendier du personnel aux affaires sociales et à la justice ! Sous prétexte que les locaux de la MAI étaient situés dans le ministère des affaires étrangères, les autres ministères ne voulaient pas participer à la dotation.

Ne nous leurrons pas, il faut deux ans pour former un bon spécialiste de l'adoption internationale. Dans ces conditions, comment seront recrutés et formés les personnels de l'Agence ? Comment l'expérience et le savoir acquis par la Mission de l'adoption internationale seront-t-ils transmis à l'AFA ?

Voilà trop de questions auxquelles nous ne pouvons pas répondre parce que nous étudions à la hâte un texte trop peu élaboré et à l'orientation incertaine. Il est très difficile à amender, car nous travaillons sur une base qui n'est pas solide.

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