Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi est l’aboutissement d’une réflexion engagée voilà plus d’un an, avec notre collègue Annie Jarraud-Vergnolle, sur les dysfonctionnements des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, et, plus largement, sur les améliorations à apporter à la loi Handicap du 11 février 2005.
Elle retranscrit les propositions adoptées alors par notre commission, ce qui a conduit plusieurs de nos collègues à la cosigner, ce dont je tiens à les remercier chaleureusement.
Le texte comporte deux parties : la première est consacrée au fonctionnement et au financement des MDPH ; la seconde traite plus généralement de la politique du handicap, et notamment de la prise en charge des frais de compensation, de l’emploi des personnes handicapées et de l’accessibilité.
Je traiterai donc tout d’abord du fonctionnement et du financement des MDPH.
Vous le savez, les MDPH sont confrontées à trois types de difficultés : tout d’abord, l’instabilité de leurs personnels et la diversité de leurs statuts ; par ailleurs, l’insuffisance de garanties à court terme sur leurs ressources ; enfin, certaines lourdeurs administratives concernant l’instruction des demandes.
En ce qui concerne le traitement des demandes, le texte prévoit plusieurs dispositions.
La première vise à fixer à tente-cinq heures hebdomadaires la durée minimale d’ouverture des MDPH et de leur permanence téléphonique, afin d’assurer une qualité d’accueil équivalente sur l’ensemble du territoire.
La deuxième clarifie les compétences territoriales des MDPH, en retenant la notion de domicile de secours et de continuité des droits ouverts, même en cas de déménagement.
La troisième tend à autoriser les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, les CDAPH, à statuer lorsqu’elles sont réunies en sections locales ou spécialisées.
Enfin, le texte entend favoriser une meilleure prise en compte du caractère pluridisciplinaire des décisions prises par le tribunal du contentieux de l’incapacité, le TCI, et de la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail.
J’en viens à la question sensible des financements. Chacun le sait, les MDPH rencontrent des problèmes financiers importants du fait de la compensation partielle des postes mis à disposition par l’État lorsque ceux-ci ne sont pas pourvus, mais aussi faute de trésorerie et de plan pluriannuel de financement.
Plusieurs dispositions du texte permettent de remédier à une telle situation et d’offrir aux MDPH une meilleure visibilité financière.
D’abord, le statut des MDPH est stabilisé, le choix du groupement d’intérêt public, ou GIP, ayant finalement été acté par les conseils généraux. Les maisons y voient l’avantage d’une certaine souplesse de fonctionnement et un signal positif quant au maintien de la participation financière de l’État. En outre, cette solution permet de préserver la participation des associations, qui contribuent bénévolement au fonctionnement des MDPH.
Ensuite, l’exonération des MDPH du paiement de la taxe sur les salaires, qui représente environ 1, 2 million d’euros d’économies, permettra aux GIP qui l’acquittent à l’heure actuelle de dégager des moyens supplémentaires pour employer de nouveaux personnels.
Enfin, la mise en place d’une convention triennale d’objectifs et de moyens entre chaque MDPH, l’État et le conseil général permettra de préciser les modalités de compensation des postes que l’État s’est engagé à transférer au GIP, ainsi que les moyens supplémentaires qu’il apporte en cas d’augmentation des missions assignées aux maisons. La signature de cette convention, dans chaque département, contribuera ainsi à clarifier les engagements de l’État et à donner aux maisons départementales de meilleures garanties financières.
S’agissant des personnels, le texte qui résulte des travaux de la commission comporte trois mesures visant à les stabiliser, à mieux les former et à enrichir leurs perspectives de carrière.
La première autorise le GIP à recruter des agents en contrat de droit public à durée indéterminée, afin d’offrir à ces derniers de meilleures perspectives de carrière au sein des MDPH.
La deuxième permet au Centre national de la fonction publique territoriale d’ouvrir les formations qu’il dispense généralement aux seuls fonctionnaires territoriaux à tous les personnels, quels que soient leurs statuts, et de prélever les cotisations correspondantes.
La troisième mesure adoptée par notre commission prévoit d’aménager le régime de la mise à disposition des personnels de l’État, en en portant la durée de trois à cinq ans, avec un préavis plus long de six mois, et en instaurant un système de mise à disposition contre remboursement.
Dans ce schéma, l’État demeure employeur et la MDPH lui rembourse les rémunérations des personnels effectivement mis à disposition. Parallèlement, l’État s’engage, par la convention triennale, à verser à la maison départementale une subvention de fonctionnement, qui doit couvrir au minimum les montants remboursés par les MDPH au titre des rémunérations des personnels mis à disposition et intégrer une contribution aux frais généraux. En cas de vacance de poste, la MDPH disposera alors des moyens financiers pour embaucher des personnels.
Dans ce cadre, il faudra annexer à la convention un avenant financier annuel, afin de préciser le montant de la participation des membres du groupement, ainsi que celui du concours versé par la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, au conseil général pour contribuer au fonctionnement de la maison départementale.
Vous le voyez, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la solution retenue permet de concilier tous les objectifs que nous nous étions fixés, à savoir la stabilisation des personnels et l’amélioration de leurs perspectives de carrière, des garanties financières et une plus grande souplesse de fonctionnement pour les MDPH et, enfin, la préservation du rôle de l’État dans les politiques relatives au handicap.
J’en viens aux politiques en faveur de l’emploi des personnes handicapées.
Plusieurs éléments ont modifié l’organisation et la gouvernance des politiques en faveur de l’emploi des personnes handicapées au cours des dernières années : la création du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP, en 2005, et de Pôle emploi en 2008, mais aussi la réforme de l’AAH, l’Allocation aux adultes handicapés, selon laquelle toute demande ou renouvellement de la prestation est désormais systématiquement assortie d’une évaluation par la MDPH des capacités professionnelle de la personne concernée et d’une orientation.
Il convenait de tenir compte de ces évolutions et de redéfinir et clarifier, dans ce nouveau cadre, le rôle des différents acteurs. À cet égard, le texte adopté par la commission prévoit différentes mesures.
Il s’agit, premièrement, de la signature d’une convention entre l’État et les acteurs concernés – AGEFIPH, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées, FIPHFP, Pôle emploi et CNSA –, assortie de déclinaisons régionales et locales associant les MDPH et les Cap Emploi et s’appuyant sur les plans régionaux d’insertion professionnelle des travailleurs handicapés.
Deuxièmement, la place du service public de l’emploi et de l’État est réaffirmée dans le pilotage de ces politiques.
Troisièmement, sont définies légalement les missions assignées aux organismes de placement spécialisés, tels que les Cap Emploi, qui ont démontré leur compétence spécifique en termes d’orientation, de placement et de suivi professionnel des personnes handicapées.
Quatrièmement, les modalités du partenariat des MDPH avec les autres acteurs sont définies.
Par ailleurs, la commission a adopté deux mesures nouvelles. La première autorise le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP, à financer des actions menées sur son initiative dans les trois fonctions publiques et à subventionner des organismes ou associations avec lesquels il a conclu une convention. La seconde mesure modifie les critères d’attribution des aides au poste aux entreprises adaptées.
Avant de conclure, je présenterai trois dispositions ayant pour objet d’améliorer la compensation des conséquences du handicap.
Tout d’abord, il s’agit de renforcer la prise en charge des aides humaines par la prestation de compensation du handicap, la PCH.
La couverture des frais correspondants se limite actuellement au seul cas où l’état de la personne handicapée justifie l’aide d’une tierce personne pour les actes essentiels de l’existence ou requiert une surveillance particulière. Or cette notion d’« actes essentiels de l’existence » fait l’objet d’une interprétation très restrictive qui, dans la pratique, conduit à dissocier la prise en charge de certaines aides domestiques qui leur sont liées. À titre d’exemple, alors que l’aide à la prise des repas est incluse dans le périmètre de la PCH, leur préparation et les tâches ménagères qui s’ensuivent ne le sont pas.
Cette situation explique en grande partie les hésitations des bénéficiaires de l’allocation compensatrice pour tierce personne, l’ACTP, à opter pour la PCH. Alors qu’environ 80 000 personnes perçoivent la nouvelle prestation, 110 000 ont choisi de conserver l’ancienne allocation.
Afin de rendre la PCH plus attractive, le texte prévoit d’élargir le périmètre de prise en charge des aides humaines lorsque celles-ci conditionnent le maintien à domicile.
Je connais la réticence des conseils généraux à l’égard de cette mesure qui pourrait se révéler coûteuse pour les finances départementales, encore que son coût net n’ait pas été chiffré. J’ai néanmoins souhaité ouvrir le débat sur ce sujet.
Ensuite, un mécanisme de péréquation des concours versés par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, aux conseils généraux au titre de la PCH sera mis en place à la fin de cette année, afin que ces concours soient mieux ajustés aux dépenses qu’ont réellement engagées les collectivités.
Si, dans un premier temps, l’ensemble des dépenses relatives au versement de la PCH ont été très largement couvertes par ces concours du fait de la montée en charge progressive de cette allocation, depuis 2009, on observe une dégradation du taux de couverture pour l’ensemble des départements. Cela étant, les situations sont très diverses d’un département à l’autre.
L’objectif du texte est de réduire ces écarts, selon des modalités définies par décret pris après avis du conseil de la CNSA, instance au sein de laquelle sont représentés les conseils généraux. Il s’agit d’une question sensible, qui mérite toute notre attention. Un groupe de travail étudie actuellement la pertinence des critères de répartition des concours versés aux départements, qui ne semblent plus très adaptés. Dans la mesure où l’on observe une dégradation inquiétante du taux moyen annuel de couverture des dépenses de la PCH, qui devrait avoisiner 40 % d’ici à la fin de 2010, je reconnais que la question de la péréquation peut paraître secondaire par rapport à celle de la compensation réelle des dépenses.
Dans ce contexte, madame la secrétaire d'État, pouvez-vous préciser les solutions qu’envisage le Gouvernement afin de trouver de nouvelles sources de financement pour les départements qui ne parviendront plus à faire face à ces dépenses croissantes ?
Enfin, la commission a adopté deux mesures nouvelles relatives à l’accessibilité. Il s’agit, d’une part, de favoriser la mise en accessibilité des constructions neuves en prévoyant des mesures de substitution en cas d’impossibilité avérée de remplir les exigences réglementaires et légales. Il s’agit, d’autre part, d’étendre l’obligation faite aux distributeurs de services – ADSL, câble, satellite – d’offrir gratuitement les prestations nécessaires à la diffusion des programmes audiovisuels audio-décrits destinés aux personnes aveugles ou malvoyantes.
Mes chers collègues, vous le voyez, cette proposition de loi nous a permis de balayer tout le champ des politiques en faveur du handicap et de procéder, en quelque sorte, à un audit de la loi du 11 février 2005. Nous n’avons pas à rougir des avancées que cette loi a permises grâce à notre majorité, bien au contraire !
Les améliorations que je vous propose au nom de la commission sont le fruit d’un travail approfondi d’écoute, de concertation et d’analyse. Elles permettront de résoudre les difficultés que rencontrent les MDPH, d’offrir des garanties supplémentaires aux conseils généraux, mais aussi de faire progresser la cause des personnes handicapées et d’améliorer leur quotidien. C’est ce que je souhaite de tout cœur.