Intervention de Laurent Béteille

Réunion du 24 juin 2010 à 15h00
Recours collectif — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Laurent BéteilleLaurent Béteille, rapporteur :

Tout d’abord, le recours collectif tel qu’il est conçu ici – encore que le texte ne soit pas toujours très clair sur ce point -, concerne tout litige entre un consommateur et un professionnel, ce qui est potentiellement très vaste, d’autant que le domaine d’application n’est pas défini, pas plus que le type de dommage. Aucun caractère expérimental, avec clause de rendez-vous, n’est prévu, à la différence de ce que nous proposons.

Ensuite, le recours collectif est initié par une association agréée, certes locale, mais sur la base de mandats sollicités auprès des consommateurs par voie de publicité : la logique du mandat propre à l’action en représentation conjointe, pourtant cause de l’échec de cette procédure, avec sa lourdeur et ses responsabilités, est donc conservée. En outre, cette publicité organisée pour la collecte des mandats peut porter atteinte à l’image de l’entreprise, alors même qu’aucune décision sur sa responsabilité n’a été rendue.

Cette collecte des mandats est également prévue par voie de démarchage par des avocats, ce qui remet en cause la déontologie de la profession.

Une fois la responsabilité du professionnel reconnue par le juge, après un éventuel recours qui n’apporte pas les meilleures garanties en termes de droits de la défense, la publicité destinée à informer les victimes potentielles pour leur permettre de se joindre au groupe est à la charge de l’association, ce que nous avons précisément voulu éviter. Le démarchage par avocat est encore prévu à ce stade, ce qui représente autant de coûts supplémentaires imposés à l’association.

Enfin, les modalités d’indemnisation après la constitution du groupe ne sont pas très cohérentes : le juge fixe le montant des dommages et intérêts dus à chaque victime, alors que le groupe n’est pas encore constitué, à charge ensuite pour l’association qui reçoit du professionnel la globalité des dommages et intérêts de les répartir entre les consommateurs, dans un délai fixé à trois ans. On pourrait dire que la procédure, après avoir commencé par un opt in, s’achève sur un opt out !

Le problème du financement du recours collectif n’est donc pas clairement résolu, mais l’exposé des motifs de la proposition de loi évoque les honoraires au résultat pour les avocats, ce qui est à rapprocher, là aussi, de la pratique américaine, avec tout ce que l’on peut en penser.

À mon sens, une procédure d’action de groupe véritablement à la française doit respecter deux impératifs, tout en demeurant prudente : d’une part, mettre en place une voie de droit efficace pour le traitement des petits litiges ; d’autre part, préserver la compétitivité de nos entreprises, a fortiori dans le contexte actuel de crise économique.

Or, force est de le constater, l’impératif de mise en place d’un accès à une voie de droit efficace n’est pas pleinement respecté, en raison notamment de la logique du mandat et de la mise à la charge des associations de dépenses supplémentaires. L’impératif de préservation de la compétitivité des entreprises n’est pas mieux respecté : absence de définition précise du litige, champ trop large, publicité portant atteinte à la réputation, insuffisance des voies de recours, modification des pratiques de la profession d’avocat…

Compte tenu de ces divergences, et alors même qu’elle est aujourd’hui favorable à l’action de groupe, la commission, je le dis très clairement, n’a pas pu émettre un avis favorable sur les dispositions de cette proposition de loi.

Sur un sujet aussi sensible pour nos entreprises, nous avons, mes chers collègues, besoin d’un certain temps pour concevoir un texte, en poursuivant avec toutes les parties intéressées, ainsi qu’avec les administrations compétentes, le dialogue initié par le groupe de travail. Les délais qui nous ont été imposés par l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour ne nous ont pas permis de réaliser ce travail, loin de là.

J’affirme néanmoins à cette tribune que je souhaite présenter un texte sur la base de nos conclusions communes, conjointement avec Richard Yung s’il le désire, afin de rouvrir cette discussion.

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