Intervention de Gérard Delfau

Réunion du 7 novembre 2007 à 21h45
Chiens dangereux — Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi, amendement 58

Photo de Gérard DelfauGérard Delfau :

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, chaque élu local le sait par expérience, la cohabitation des chiens et des humains dans les quartiers et les immeubles collectifs est souvent source de conflits, parfois de violences et même de drames. Il se développa même, dans les années quatre-vingt-dix, une forme de délinquance sur la voie publique due à la prolifération de chiens dangereux dont les maîtres se servaient comme d'une arme.

À partir de 1996, plusieurs textes de loi, tout particulièrement la loi n° 99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, ont donné au maire et au préfet, ainsi qu'aux forces de sécurité, le pouvoir de contrôler la présence de ces animaux dans les lieux publics et, éventuellement, de la faire sanctionner par la justice.

Selon un avis généralement partagé, la loi de 1999 a produit des effets bénéfiques. Pourquoi donc y revenir aujourd'hui ? Parce que l'une de ses dispositions, celle qui avait pour objectif la disparition des chiens d'attaque par stérilisation des animaux existants, s'est révélée inapplicable. Il est vrai que le dispositif reposait sur un classement fort peu scientifique des catégories de chiens en fonction de leur dangerosité, ainsi que sur le bon vouloir, voire la prise de conscience, de leurs propriétaires.

Une seconde raison justifie qu'on légifère à nouveau : si les morsures de chiens sur la voie publique se sont raréfiées, les accidents survenant au domicile ou dans les lieux privés ont eu tendance à augmenter, au point d'inquiéter à juste titre la population, d'autant qu'ils frappent à 80 % des enfants et des personnes âgées. Depuis deux ans, des drames à répétition ont été abondamment relayés par la presse ; d'où ce projet de loi.

Comme le soulignent nos rapporteurs, ce texte a le mérite de faire un pas de plus vers la maîtrise de ce fléau dans la mesure où il met l'accent sur la responsabilité directe du propriétaire ou du détenteur de l'animal domestique. Et, ne se contentant pas d'aggraver les sanctions, il institue pour tous les détenteurs de chiens dangereux l'obligation de suivre une formation chez un spécialiste agréé pour apprendre comment « vivre avec » ce type d'animal sans risque. Il améliore aussi le traitement judiciaire des plaintes en réunissant entre les mains du même juge les délits relatifs à la garde et à la circulation sur la voie publique des chiens dangereux.

Les deux innovations majeures de ce texte sont les suivantes : « l'obligation faite aux propriétaires de chiens dangereux d'obtenir une attestation d'aptitude à la détention de ces animaux ainsi qu'une évaluation comportementale et l'élargissement de la notion de dangerosité à tous les chiens. Un chien qui a mordu, quelle que soit sa race, devra être signalé à la mairie. »

Évidemment, des objections peuvent être faites : comment appliquer ce dispositif progressivement à la fraction dangereuse des quelque 8 millions de chiens possédés par les Français ? À l'article 4, l'obligation de déclarer en mairie toute morsure est une mesure pertinente. S'y ajoute celle de l'article 6, qui impose un bilan sanitaire et comportemental en cas de cession ou d'acquisition. Mais encore faut-il que ces dispositions soient respectées...

La seconde difficulté découle de cette mesure même. Voilà les maires, y compris ceux des petites communes, chargés d'une nouvelle mission et, une fois de plus, sans compensation financière, évidemment !

Notons au passage que nombre de maires de petites et moyennes communes ne disposent même pas de la force municipale nécessaire - je ne parle pas de la gendarmerie, qui ne veut pas se mêler de ces questions - pour faire respecter aux propriétaires de chiens l'obligation, inscrite dans la loi, de faire porter une muselière à leurs animaux quand ils sont sur la voie publique.

Bref, les objectifs de la loi sont louables, mais, comme pour l'intervenante précédente, ils me paraissent assez largement décalés par rapport à la réalité. De plus, je m'inquiète que les moyens fassent défaut.

Malgré ces réserves, et compte tenu de la gravité des faits qui ont motivé votre projet de loi, madame le ministre, j'approuve, comme nos deux rapporteurs, les principales dispositions de ce texte, qui va dans le bon sens.

J'exprimerai toutefois un désaccord. Pour moi, l'amendement n° 58, déposé par le Gouvernement, est inacceptable en l'état et déséquilibre complètement ce projet de loi en en déplaçant radicalement le centre de gravité. Ce texte, plutôt de formation, de prévention, vous l'avez dit vous-même tout à l'heure, devient tout à coup, avec une telle disposition, un texte de répression, d'inquisition, susceptible de s'abattre sur des catégories de Français qui sont très loin de se poser les questions que nous nous posons ce soir.

Cela étant dit, je suis confiant dans la capacité qu'aura notre Haute Assemblée de faire évoluer cet article additionnel et je pense que le Gouvernement voudra entendre le point de vue du Sénat. Par conséquent, je ne me prononcerai sur le texte de loi qu'à l'issue du débat, tout particulièrement en considération de cet article additionnel dont j'ai dit tout le mal qu'il fallait penser de l'insertion dans un texte pourtant assez bienvenu par ailleurs.

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