Intervention de Catherine Troendle

Réunion du 7 novembre 2007 à 21h45
Chiens dangereux — Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi

Photo de Catherine TroendleCatherine Troendle :

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le maire, en sa qualité de responsable de la police municipale, de l'administration et des services publics communaux, se trouve au coeur des dispositifs publics appelés à être mis en oeuvre, s'agissant des aspects les plus concrets relatifs à la présence des chiens sur le territoire de leur commune.

D'une façon générale, il dispose de pouvoirs d'intervention à l'égard de tous les phénomènes susceptibles de porter atteinte aux conditions fondamentales de la vie en société.

Son inaction face aux menaces et aux dangers est de nature à engager la responsabilité juridique de la commune.

Au fil des ans, la loi a confié au maire des pouvoirs de police plus précis dans différents domaines, notamment à l'égard des animaux. La loi du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux a considérablement étendu et précisé ses responsabilités.

Quatre élus sur cinq estiment que cette loi constitue une amélioration par rapport à la situation antérieure.

Si cette loi a produit des effets au regard de l'usage des chiens, notamment des pitbulls, utilisés comme armes dans un contexte de délinquance, les événements qui ont marqué les années 2006 et 2007 sont d'un tout autre ordre. Or les dispositions de la loi de 1999 ne répondent pas à l'évolution que traduisent les faits qui ont marqué l'actualité.

Oui, madame le ministre, il était urgent et pertinent de compléter les lois en vigueur par de nouvelles mesures qui permettront de gérer le risque lié aux chiens mordeurs. Il s'agit, en effet, de réduire significativement le nombre d'accidents par morsures en France et d'améliorer la sécurité de nos concitoyens.

Il faut se rendre à l'évidence : en répertoriant certaines races comme « dangereuses », la loi de 1999 a contribué à faire naître un faux sentiment de sécurité auprès de la population, alors même que la dangerosité d'un chien n'est pas liée à son appartenance raciale, puisque les données qui ont pu être recueillies attestent que les morsures connues, constatées, sont majoritairement le fait de races de chiens autres que celles qui sont cataloguées par la loi de 1999, notamment les bergers allemands et les labradors.

Par ailleurs, les événements récents s'inscrivent dans la sphère privée, au domicile des particuliers, et les animaux sont généralement connus des victimes. Ces aspects-là ne sont pas couverts par le champ de la législation de 1999.

En outre, dans la plupart des cas, la victime est un enfant.

Tous ces éléments confirment la pertinence du texte qui est soumis, ce jour, en première lecture au Sénat. Cependant, le projet de loi appelle de ma part plusieurs observations.

Tout d'abord, l'article 5 prévoit que la détention des chiens de première catégorie nés postérieurement au 7 janvier 2000 est interdite : cette disposition conduira à l'euthanasie de tous ces chiens. Or, faute d'une application rigoureuse de la loi du 6 janvier 1999 - il faut le reconnaître -, de nombreux chiens issus des pitbulls sont nés après cette date, mais ce sont souvent des chiens parfaitement équilibrés, détenus en toute bonne foi par des personnes parfaitement responsables. L'euthanasie de ces chiens conduirait à des situations dramatiques. Aussi, je ne peux y adhérer.

De plus, je le rappelle, la classification des chiens, telle qu'elle résulte de la loi de 1999, a favorisé l'émergence de nombreux chiens proches morphologiquement des chiens dangereux, mais présentant l'avantage pour les propriétaires d'échapper à la loi de 1999.

Par ailleurs, le bon équilibre d'un chien exige la réunion de plusieurs facteurs.

Tout d'abord, il importe de se préoccuper des conditions d'élevage. L'activité de l'éleveur, même amateur ou occasionnel, ne supporte pas l'approximation. Les conditions d'élevage et de socialisation du chiot sont primordiales pour l'équilibre du futur chien. Le certificat de capacité est un dispositif encourageant, mais il devrait être étendu à tous les éleveurs, même occasionnels.

Ensuite, l'éducation donnée au chien par le maître est indispensable. D'ailleurs, de nombreux possesseurs de chiens reconnaissent ne plus maîtriser le comportement de leur animal. Remédier à cette situation suppose l'apprentissage par les maîtres des conditions de détention et de vie d'un chien. L'attestation d'aptitude sanctionnant une formation des propriétaires de chiens de première ou de deuxième catégorie et de tous les chiens mordeurs est une très bonne disposition.

La loi ne pouvait en aucun cas l'étendre à tous les propriétaires de chiens, mais cette responsabilisation pourrait être mise en oeuvre par les collectivités locales, en partenariat avec des acteurs incontournables que sont, par exemple, les sociétés canines, susceptibles d'animer des séances d'éducation canine.

De surcroît, une véritable information du public sur le comportement du chien permettrait également d'éviter bon nombre d'agressions et de morsures. Les victimes les plus vulnérables devraient être prioritairement la cible d'une campagne d'information ; je pense tout particulièrement aux enfants et aux personnes âgées.

Des clips télévisés pourraient être réalisés et diffusés ou, plus humblement, des séances d'information organisées dans les écoles, toujours en collaboration avec les sociétés canines, les sociétés de protection des animaux ou encore la gendarmerie nationale, sur l'initiative des élus locaux par exemple, ou, mieux, sous l'impulsion du ministère de l'éducation nationale.

Madame le ministre, l'extension à tous les chiens mordeurs de l'évaluation comportementale introduite par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007, est une disposition qui sera efficace, et ce d'autant plus qu'elle pourra être complétée par une formation obligatoire du maître du chien mordeur.

Cependant, je m'interroge sur les moyens. Le nombre de vétérinaires comportementalistes sera-t-il suffisant pour faire face avec efficacité, c'est-à-dire dans de brefs délais après la morsure ?

Enfin, en matière de formation, s'il me paraît en effet indispensable de soumettre les agents de surveillance et de gardiennage à une formation obligatoire sanctionnée par l'attestation d'aptitude, je m'interroge également sur les conditions de détention et de vie des chiens au domicile de ces agents.

Avant de conclure, je souhaiterais féliciter le rapporteur, M. Jean-Patrick Courtois, et le rapporteur pour avis, M. Dominique Braye, pour l'excellent travail de fond réalisé sur ce texte. Nos deux collègues ont ainsi été conduits à susciter et à soutenir le dépôt de plusieurs amendements qui viennent compléter parfaitement le projet de loi et qui apportent une réponse à quelques-unes de mes interrogations.

Madame le ministre, ce texte va assurément dans le sens d'une meilleure prévention et, surtout, d'une responsabilisation des propriétaires de chiens dangereux, toutes races confondues. Il gagnerait à être accompagné d'une réelle campagne nationale d'information. Il appartient aux élus locaux d'en relever le défi avec leurs partenaires, au premier rang desquels l'État.

Il va sans dire que je voterai ce texte.

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