Intervention de Nicolas Alfonsi

Réunion du 13 février 2007 à 16h10
Fonctionnement de la collectivité territoriale de corse — Adoption des conclusions du rapport d'une commission

Photo de Nicolas AlfonsiNicolas Alfonsi :

Toutefois, je tiens à dissiper tout malentendu, et je m'adresse en particulier à M. le ministre : il ne faut voir aucune malice de ma part dans le dépôt de cette proposition de loi ; j'ai bien pris soin de préciser, dans l'exposé des motifs, qu'il ne fallait pas considérer ces quelques modifications techniques comme une nouvelle réforme institutionnelle ; il faut donc chasser cette idée de notre esprit.

Sans doute partagez-vous mon point de vue à cet égard, monsieur le ministre, et, en l'absence de réponse de votre part, je considérerai que cela vaut approbation : il n'y aura pas de réforme institutionnelle en Corse au cours de la prochaine mandature.

Cette proposition de loi est le fruit de l'expérience d'une vingtaine d'années ; je pense être la mémoire de la collectivité territoriale de Corse. Si l'on étudie d'un point de vue historique les textes des vingt dernières années concernant la Corse, on observe qu'ils sont tantôt en avance, tantôt en retard sur les textes nationaux.

Ainsi, quand le statut Defferre a été adopté, dans l'attente des textes sur la régionalisation, nous étions en avance, monsieur le ministre. On avait alors inventé un système électoral qui n'existait nulle part ailleurs. Dans une décision interprétative, le Conseil constitutionnel avait considéré que le mode de scrutin prévu pour la Corse devait impérativement être adapté au futur mode de scrutin national. Cela a été fait en 1985 par Pierre Joxe, alors ministre de l'intérieur, qui était alors revenu au droit commun, sans que personne ne s'en émeuve.

En 1991, le nouveau « statut Joxe » ne fixait aucun seuil aux listes pour pouvoir fusionner avec d'autres listes au second tour. Le texte que je vous présente prévoit la possibilité de fusionner pour les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. Il s'agit donc bien d'une modification technique.

À ce stade, je ferai deux observations complémentaires pour bien éclairer le débat.

Tout d'abord, les mesures sur le mode de scrutin de l'élection de l'Assemblée de Corse auront un effet neutre. À l'évidence, il serait vain de donner tous les dix ans des pouvoirs, des compétences supplémentaires, des moyens financiers, etc., à l'Assemblée de Corse si aucun dispositif efficace ne lui permet d'exercer ses compétences et de mettre en oeuvre les moyens mis à sa disposition.

Ensuite, les droits des citoyens en Corse doivent être au moins égaux à ceux des citoyens des autres régions françaises. Pour quelle raison seraient-ils pénalisés par un mode de scrutin ne permettant généralement pas de dégager une majorité claire ?

Quel que soit le résultat du vote, cette proposition de loi aura eu au moins le mérite de nous permettre de revenir sur l'histoire des vingt dernières années.

Les dispositions que je propose sont simples ; dans son rapport, dont je salue la qualité, M. le rapporteur propose de les adopter. Il s'agit d'instituer un seuil, fixé à 5 % des suffrages exprimés, à partir duquel les listes pourront fusionner entre les deux tours et de porter à 7 % le seuil permettant à une liste de se maintenir au second tour ; j'avais suggéré de fixer ce dernier seuil à 7, 5 %, mais nous ne sommes pas à une décimale près. Il s'agit également d'augmenter la prime accordée à la liste arrivée en tête.

À l'échelon national, en vertu de la loi de 2003, le seuil permettant à une liste de se maintenir au second tour est fixé à 10 % et celui permettant à une liste de fusionner est fixé à 5 %. En Corse, ces seuils sont de 5 % pour se maintenir et de 0 % pour fusionner. Par ailleurs, alors que la prime à la liste arrivée en tête est de 25 % à l'échelon national, elle est de 5, 80 % en Corse, soit trois sièges.

L'expérience prouve que l'on est généralement très près de la majorité absolue, mais que l'on ne l'atteint pas souvent, tout simplement parce qu'il manque quelques sièges.

Je propose donc non pas de revenir au droit commun, c'est-à-dire aux seuils de 10 % pour le maintien et de 5 % pour la fusion, mais d'adopter ce que M. le rapporteur a qualifié de « solution équilibrée », à savoir un seuil de 7 % pour le maintien et de 5 % pour la fusion.

Aujourd'hui, la démographie étant ce qu'elle est - chaque consultation électorale mobilise 120 000 électeurs -, un conseiller à l'Assemblée de Corse - je rappelle qu'un conseiller à l'Assemblée de Corse n'est pas un conseiller territorial, comme on le dit parfois - est le « produit », si j'ose dire, de 3 000 ou 4 000 suffrages. Dans ces conditions, l'environnement local, la faible démographie, le peu de prix que l'on attache au suffrage, le fait que tout individu se croie investi d'un destin et que, par conséquent, il prenne l'initiative de déposer une liste, quitte à donner ensuite ses suffrages au plus offrant s'il n'a recueilli que 3 % des voix, conduit à un grand nombre de situations extraordinairement perverses, comme l'a montré la dernière élection en 2004.

On a même dit que la gauche était majoritaire, et presque tout le monde avait fini par le croire. En fait, dès le lendemain de l'élection, de nombreuses listes qui avaient recueilli 2 % ou 3 % des suffrages avaient fusionné avec des listes de gauche pour y retrouver leur famille d'esprit. Cela explique le trouble permanent de l'opinion, qui a de quoi être découragée.

Cette proposition de loi contient par ailleurs d'autres dispositions techniques.

Certains prétendront que ce n'est pas le moment de modifier le mode de scrutin ; je pense en particulier au Gouvernement, bien que je ne connaisse pas sa position, car je me suis dispensé de la lui demander.

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