Monsieur Alfonsi, permettez-moi d'abord de vous féliciter pour votre persévérance, puisque le texte dont nous allons débattre aujourd'hui trouve en partie son origine dans des amendements que vous avez défendus, voilà maintenant deux mois, lors de l'examen du projet de loi tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.
Mon propos sera bref pour deux raisons essentielles : d'abord, il s'agit d'une séance dont l'ordre du jour est réservé à l'initiative parlementaire et je ne voudrais pas, naturellement, brider cette initiative ; ensuite, le sujet a déjà été abordé il y a quelques semaines à peine.
Cette proposition de loi, qui a bénéficié de l'excellent travail du doyen Patrice Gélard et qui a reçu l'aval de la commission des lois, comporte, vous l'avez souligné, deux volets.
Le premier vise à modifier le mode d'élection de l'Assemblée de Corse pour ce qui concerne les seuils de fusion des listes et d'accès au second tour, ainsi que la prime majoritaire attribuée à la liste arrivée en tête.
Une liste devrait ainsi réunir 7 % des voix, contre 5 % aujourd'hui, pour pouvoir se maintenir au second tour. Par ailleurs, seules les listes ayant obtenu 5 % des voix pourraient fusionner, alors qu'aucun seuil n'existe à ce jour. Enfin, la liste arrivée en tête du scrutin se verrait attribuer une prime de six sièges, au lieu de trois actuellement.
Comme je l'avais déjà indiqué lors du débat relatif à la parité, et comme mes services ont pu le signaler au rapporteur - vous l'avez d'ailleurs un peu anticipé, monsieur Alfonsi -, le Gouvernement n'entend pas s'engager sur la voie d'une réforme des modes de scrutin à quelques mois d'échéances électorales majeures pour notre pays.
Vous le savez aussi bien que moi, tout mouvement en ce sens serait immédiatement disséqué et interprété à l'aune des prochaines échéances, ce qui ne peut être le souhait ni de la représentation nationale ni du Gouvernement. En cette matière sans doute plus qu'ailleurs, la sérénité doit toujours prévaloir.
Comprenez-moi bien : je ne prétends pas, naturellement, que le mode de scrutin actuel soit parfait. Je note toutefois qu'il a déjà fait l'objet de plusieurs modifications depuis 1991 afin de mieux prendre en compte les spécificités de la Corse. S'il est indéniable que des aménagements sont nécessaires, je suis convaincu qu'un véritable débat ne pourra s'engager qu'à partir du second semestre. Il exige, en effet, une très large concertation avec tous les acteurs concernés, en particulier l'Assemblée de Corse, afin d'assurer la « stabilité de l'Assemblée et [le] respect du pluralisme d'idées et d'opinions en son sein. »
J'ajoute que c'est aussi ce que prévoit la loi, puisque l'article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales dispose : « L'Assemblée de Corse est consultée sur les projets et les propositions de loi [...] comportant des dispositions spécifiques à la Corse ».
Ce sera au prochain gouvernement de mener ce travail en s'appuyant, bien évidemment, sur les propositions des parlementaires, en particulier sur celles que vous venez de formuler.
Le second volet comporte une série de dispositions techniques visant à améliorer le fonctionnement de l'Assemblée et du conseil exécutif de Corse.
Grâce à l'expertise juridique du doyen Patrice Gélard, le texte que nous étudions modifie quelque peu la proposition de loi que vous portiez, monsieur Alfonsi, sans perdre de vue l'objectif qui est le vôtre.
Il en ressort, d'abord, le souhait d'encadrer l'incompatibilité entre le mandat de conseiller de l'Assemblée de Corse et la fonction de conseiller exécutif.
La proposition de loi prévoit ainsi un délai d'option d'un mois à partir de la date à laquelle l'élection au conseil exécutif est devenue définitive, ce qui pourrait par exemple permettre à un conseiller exécutif de continuer à prendre part aux scrutins organisés au sein de l'Assemblée. Ce cumul pourrait d'ailleurs s'étirer dans le temps, puisque l'élection au conseil exécutif est susceptible de recours contentieux. En ce cas, la règle commune s'applique.
Dès lors, c'est le principe même de la séparation des pouvoirs qui serait ainsi mis en cause, ce qui ne paraît pas opportun. J'imagine que nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion des articles.
Il est ensuite prévu d'instaurer un délai maximal d'un mois pour remplacer les conseillers exécutifs dont le siège est vacant. Pour le président, la procédure est différente. Le Gouvernement n'a pas d'objection sur ce point et s'en remettra donc à la sagesse des sénateurs.
L'ultime proposition, qui visait à fixer au vendredi, au lieu du jeudi, la première réunion de l'Assemblée de Corse afin d'éviter toute concomitance avec la réunion des conseils généraux, n'a pas été retenue par votre commission des lois. L'actuel calendrier électoral disjoint en effet les élections régionales et cantonales et rend donc inutile cette disposition.
Tels sont les quelques éléments dont je voulais vous faire part au nom du Gouvernement.