Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je regrette également qu'une telle proposition de loi, dont on connaît la sensibilité politique, soit examinée en fin de législature.
Pour accéder au deuxième tour de l'élection territoriale, une liste de candidats doit actuellement obtenir 5 % des suffrages exprimés au premier tour, alors que ce seuil est fixé à 10 % dans l'Hexagone. M. Alfonsi proposait de porter ledit seuil de 5 % à 7, 5 % ; la commission a opté pour 7 %.
Pour fusionner entre le premier et le deuxième tour, aucun minimum n'est aujourd'hui exigé en Corse. Ainsi, une liste qui a obtenu 1 % des suffrages peut fusionner avec une liste qui a franchi le seuil de 5 %, alors que, dans l'Hexagone, le droit commun prévoit un seuil de 5 % pour pouvoir fusionner. La proposition de loi vise également à fixer pour la Corse le seuil de 5 % à l'issue du premier tour pour qu'une liste puisse fusionner avec une liste ayant franchi le seuil de 7 % des suffrages.
La liste arrivée en tête à l'issue du second tour bénéficie aujourd'hui, en Corse, d'une prime de trois élus, alors que, dans l'Hexagone, une prime de 25 % est attribuée à la liste arrivée en tête. Le présent texte tend à ce que la prime passe de trois à six élus en Corse en faveur de la liste arrivée en tête.
Il n'y a pas lieu de s'attarder sur les autres modifications proposées par M. Alfonsi. Je m'en tiendrai donc à celles que je viens de mentionner, car elles requièrent une analyse de fond.
Il s'agit tout d'abord de considérations d'ordre général propres au principe de l'exercice de la démocratie.
Je le rappelle, les Verts sont par principe favorables à la proportionnelle intégrale, qui, par définition, peut traduire au mieux les aspirations de tout corps électoral.
En effet, la proportionnelle intégrale offre, de fait, un cadre d'expression au maximum de courants d'idées qui traversent une société. Elle constitue également une véritable école de la responsabilité citoyenne, car elle met les acteurs en présence dans l'obligation d'élaborer des compromis afin de gérer la cité. C'est ainsi que peuvent se mettre en place de véritables dynamiques. In fine, un maximum d'électeurs se sentiront partie prenante en fonction de l'aptitude à construire ensemble.
Nous sommes nombreux à penser qu'il y a matière à expliquer en bonne partie la désaffection grandissante de l'électorat à l'égard des urnes par le fait que les partis politiques ayant le plus d'électeurs mènent aujourd'hui le jeu avant le premier tour, et même après. On ne tient en effet pas compte des aspirations de l'électorat des formations de moindre importance, qui semblent souvent n'avoir aucun poids : plus les seuils exigés sont élevés, plus nombreux sont les électeurs qui se sentent exclus du champ de la démocratie. En outre, une forte prime à la liste arrivée en tête aggrave considérablement cette situation.
Il s'agit ensuite de considérations propres à la situation particulière de la Corse, qui, il faut le dire, nécessite la reconnaissance politique de cette question et une solution politique.
La proposition de loi ne constitue pas une bonne réponse à la situation de l'île, d'autant que le seuil actuel de 5 % se situe déjà bien au-dessus du seuil de la proportionnelle intégrale. Cependant, le législateur de 1991 a considéré, à juste titre, qu'il fallait favoriser au mieux l'expression de la diversité politique dans une île où il apparaissait essentiel d'encourager la participation active d'un maximum de Corses au débat public en dérogeant au droit commun des régions en la matière.
Les Verts, quant à eux, sont attachés depuis toujours à la prise en considération de la spécificité de la Corse. Est-il nécessaire de rappeler que les autres îles. de l'Union européenne sont dotées de véritables compétences législatives, ce qui est loin d'être le cas de la Corse ?
Aussi comprenons-nous très mal que, tout en affirmant qu'il ne faut plus toucher aux institutions de l'île, M. Alfonsi veuille réduire très fortement les possibilités d'expression de la diversité politique de la Corse.
Pour notre part, nous considérons que l'efficacité politique commande de favoriser les meilleures conditions possibles d'écoute des aspirations locales dans leur diversité. Nous ne pensons pas que le fait de casser le thermomètre puisse supprimer la fièvre.
Nous avons confiance en la capacité des Corses à construire leur avenir en élaborant un véritable projet de société. Les Verts voteront donc contre les modifications proposées en ce qui concerne tant les seuils que l'augmentation de la prime majoritaire.
Pour conclure, je dirai simplement qu'il nous faut très vite avoir le courage de rouvrir le dialogue concernant l'évolution institutionnelle de la Corse.