Le « avec ou sans » est donc parfaitement incongru et les dispositions techniques qui en découlent dans l’article 3 sont loin de permettre la protection du faible, dans le respect du principe constitutionnel de responsabilité.
Dans le même esprit, le texte qui nous revient reste encore et toujours entaché d’une conception réductrice, minimaliste, des seuils de contamination. Je suis au regret de devoir dénoncer la confusion, volontairement entretenue, entre le seuil de détection de la présence d’OGM dans les cultures et le seuil d’étiquetage à destination des consommateurs, c’est-à-dire le fameux 0, 9 %.
En toute rigueur, la présence ou non d’OGM dans les cultures ou l’environnement – c’est bien l’objet de nos travaux de transcription de la directive – doit être évaluée scientifiquement, au niveau du seuil de détection technique reproductible, soit actuellement 0, 1 %.
Le deuxième niveau est celui du Haut conseil.
Le Président de la République soulignait, dans son discours du 25 octobre, la nécessité d’associer la société civile aux processus de décisions. Ce n’est donc pas un scientifique mais une personnalité qui doit animer le Haut conseil, une autorité morale bénéficiant d’une légitimité publique, de manière à assurer la cohésion de l’instance en toute impartialité.
De même, les avis de synthèse doivent être pris en séance plénière : c’est le seul moyen pour sortir du faux antagonisme, cultivé par certains, entre les scientifiques et la société civile.
Le troisième niveau est celui de la mise en œuvre du principe constitutionnel de responsabilité.
Ce principe, inscrit dans la Charte de l’environnement, n’est toujours pas décliné sérieusement.
Premièrement, il fait porter la responsabilité des contaminations sur le seul transgéniculteur, qui devient le fusible pour l’ensemble de la filière OGM, pourtant concernée dans sa globalité : importateurs, stockeurs, distributeurs de semences ou de produits génétiquement modifiés, semenciers, tous contribuent à la dissémination volontaire d’OGM, mais ils restent curieusement les grands « oubliés » dans le dispositif envisagé.
Deux de nos amendements visent à responsabiliser financièrement tous les acteurs de la chaîne de diffusion d’OGM, et plus particulièrement les firmes productrices : c’est le seul moyen de ne pas imputer indûment aux producteurs labellisés « sans OGM » les coûts de traçabilité de leurs produits.
Deuxièmement, les conditions de déclenchement du processus d’indemnisation – les notions de proximité et de simultanéité – restent inacceptables, car elles sont réductrices et déconnectées de la réalité.
Troisièmement, enfin, l’indemnisation du préjudice subi n’est pas recevable : il est complètement sous-évalué au niveau des différentiels de prix retenus. Quant au préjudice moral, tel que la perte de label ou de clientèle, il est ignoré, tout comme le préjudice environnemental !
Au Sénat, nous sommes aussi capables de faire prévaloir l’intérêt général sur celui des lobbies productivistes agricoles et industriels. Évitons d’ouvrir en grand les vannes des OGM dans nos campagnes et de transformer celles-ci en paillasses de laboratoire !
Il y va de notre crédibilité vis-à-vis de nos concitoyens. Nous n’avons pas le droit de les décevoir en trahissant les conclusions du Grenelle de l’environnement à l’occasion de ce premier grand texte d’application : la problématique des OGM ne se réduit pas à celle du maïs MON 810 !
Il y va également de la consolidation de nos avantages comparatifs dans la division internationale du travail agricole. Valorisons et protégeons les potentiels spécifiques de l’agriculture française, c’est-à-dire ses terroirs et ses signes de qualité reconnus à l’échelle mondiale, à l’instar de notre gastronomie ! C’est la seule stratégie qui permettra à nos producteurs agricoles, dont les structures de petite taille ne supportent pas la comparaison avec leurs concurrents étrangers d’outre-Atlantique, de continuer à travailler et de contribuer positivement à l’aménagement durable de nos campagnes.
Mais pour cela, il nous faudra, mes chers collègues, refuser certains clichés tenaces – le pro-OGM sachant et progressiste face à l’anti-OGM ignare et passéiste – et certains mythes, tel celui qui consiste à croire que le problème de la sous-alimentation dans le monde trouvera sa réponse dans la fuite en avant dans les OGM : cet argument fallacieux est asséné par ceux-là même qui font aujourd’hui la promotion des agro-carburants à l’échelle de la planète, provoquant la flambée des prix des denrées alimentaires de base et les émeutes de la faim.
Faut-il rappeler que ce sont les mêmes qui ont conduit à la famine les paysanneries du tiers-monde, d’Asie notamment, en introduisant dans ces pays, à coup de crédit, des modèles agricoles productivistes aux conséquences particulièrement dévastatrices sur le plan environnemental et sociétal ?
Il nous faut également refuser les amalgames, comme celui qui consiste à appréhender à l’identique la recherche publique ou les applications médicamenteuses des biotechnologies, qui ne souffrent pas de contestation, et le développement massif des cultures d’OGM dans nos campagnes.
Il faut, enfin, savoir dépasser les clivages politiques traditionnels pour se rassembler sur l’essentiel.
Compte tenu des incertitudes sur le long terme pour l’environnement et la santé et des certitudes quant aux risques encourus pour les spécificités qualitatives de l’agriculture française, nous devons prendre nos responsabilités et nous donner les moyens de maîtriser effectivement « la diffusion volontaire d’OGM dans l’environnement », comme nous y invite la directive 2001/18/CE. La très grande majorité des paysans de France, les consommateurs, nos concitoyens et les générations futures nous en seront reconnaissants !
Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, faisons tout simplement vivre le Grenelle de l’environnement !