Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a au moins un reproche que l'on ne pourra pas faire au Gouvernement, c'est celui de nous présenter un texte anodin, sans odeur ni saveur.
Ce projet de loi est gravé au fer rouge. Il porte la marque d'une politique qui ne cache ni son nom ni sa filiation, d'une politique clairement identifiée : c'est une politique de régression, qui utilise les peurs, les incertitudes, les angoisses de nos concitoyens. Et tout cela pour offrir comme seule perspective d'avenir la société du temps précaire, une société éclatée, fragmentée, une société dans laquelle la jeunesse semble condamnée à l'avance par les gestionnaires du présent.
Au moment où nous nous exprimons, les Français, dans leur majorité - c'est devenu une évidence -, ont compris le mauvais coup que le Gouvernement leur prépare. Cela a été très bien expliqué par M. Vanlerenberghe, membre du groupe de l'Union centriste-UDF.
Cette inquiétude, présente chez tous, est bien sûr particulièrement prégnante chez les jeunes.
Nous vivons un moment particulier où, contrairement à ce que nous avons nous-mêmes connu, les générations futures ont le sentiment qu'elles vivront moins bien que les générations précédentes.
D'ailleurs, les jeunes, aujourd'hui même, de la place d'Italie à la République, sont en train de se mobiliser, car ils perçoivent « intuitivement », dirai-je, l'injustice profonde qu'on leur prépare. Vous auriez tort, messieurs les ministres, de minimiser l'ampleur de ce mouvement, de parier sur l'indifférence, l'oubli ou l'impact des vacances. L'angoisse de ces jeunes dépasse le cadre du CPE.
Comment s'étonner des vives réactions qu'a suscitées votre annonce de l'apprentissage dès quatorze ans ? Comment concilier ce dernier avec le principe fondamental de l'école de la République de la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans ?
Comment ne pas entendre l'inquiétude de l'ensemble des associations de parents d'élèves et des enseignants des écoles des quartiers défavorisés face à votre « contrat de responsabilité parentale », qui ne fera qu'accroître le sentiment d'exclusion et de marginalisation alors que, précisément, les émeutes urbaines de l'automne ont été interprétées par tous comme un appel à une plus grande justice sociale par plus d'intégration et de sécurité sociale ?
Votre analyse est connotée politiquement, votre méthode est détestable et vos résultats sont plus que décevants.
Votre analyse est connotée politiquement, car elle repose sur l'idée qu'il faut tailler dans notre modèle social, introduire flexibilité et précarité pour donner des gages aux chefs d'entreprise, qui, d'ailleurs, ne vous en sont même pas reconnaissants.