Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 15 novembre 2009 à 15h30
Financement de la sécurité sociale pour 2010 — Article 38

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Le montant moyen de la retraite des femmes représente 62 % de celle des hommes ; 50 % des femmes à la retraite touchent moins de 900 euros, ce qui n’est le cas que pour 20 % des hommes ; trois femmes sur dix doivent attendre soixante-cinq ans pour bénéficier d’une carrière complète ; enfin, il a été établi que le montant des pensions diminue avec le nombre d’enfants.

Les femmes sont donc victimes de discriminations indirectes.

De ce point de vue, la loi du 27 mai 2008 reconnaît les discriminations indirectes, à la suite de la transposition des directives européennes.

Dans sa décision du 14 août 2003, le Conseil constitutionnel admet l’attribution aux mères d’avantages sociaux liés à l’éducation des enfants, afin de prendre en compte les inégalités de fait dont les femmes ont, jusqu’à présent, été l’objet.

Pour ce qui est de la demande d’extension aux hommes de la MDA, le Conseil constitutionnel répond que « la mesure demandée ne ferait, en l’état, qu’accroître encore les différences significatives déjà constatées entre les femmes et les hommes au regard du droit à pension ».

L’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales interdit les discriminations directes, mais aussi indirectes. La Cour a précisé que « peut être considérée comme discriminatoire une politique ou une mesure générale qui a des effets préjudiciables disproportionnés sur un groupe de personnes même si elle ne vise pas spécifiquement ce groupe ».

Dans un premier arrêt, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation avait, en 2006, rendu possible l’extension du dispositif uniquement aux hommes ayant élevé seuls un enfant ; on peut effectivement considérer, dans ce cas, qu’ils ont assumé seuls la charge de l’éducation du ou des enfants.

Cependant, l’arrêt de février, qui remet en cause cette jurisprudence et semble consacrer une extension générale du dispositif à tous les hommes, n’est qu’un arrêt parmi de nombreux autres.

Par conséquent, nous nous étonnons de la précipitation du Gouvernement. En tout état de cause, la décision du Conseil constitutionnel est supérieure à l’arrêt de la Cour de cassation, qui pourrait très bien être remis en cause par une jurisprudence ultérieure.

Il me semble que l’on pouvait maintenir la MDA en changeant simplement de fondement juridique, afin de ne pas fragiliser le dispositif.

Au regard de la réalité concrète que vivent les femmes de notre pays, nous souhaitons le maintien de ce droit dans son intégralité, c’est-à-dire huit trimestres par enfant, sans condition d’interruption de l’activité. Pour cela, il suffit simplement de rattacher la bonification des trimestres non pas à l’éducation des enfants – ce qui implique un partage possible entre le père et la mère –, mais bien à la grossesse, à l’accouchement et à la maternité.

La libre répartition du bénéfice de la MDA entre conjoints telle que vous la proposez n’est ni applicable, car elle sera source de contentieux, ni socialement satisfaisante.

Tant que le marché du travail, les écarts de salaires et les différences de pensions seront ce qu’ils sont, maintenons cet avantage acquis pour les femmes. Sous couvert d’égalité, n’aggravons pas la situation des femmes de notre pays. Ainsi que Mme Terrade l’a dit, n’ajoutons pas l’injustice à l’injustice. Ne revenons pas sur une bonne mesure.

Monsieur le président, mon temps de parole est presque épuisé, mais permettez-moi de poser une question à M. le ministre et de lui faire part de mon étonnement.

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