Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 15 novembre 2009 à 22h00
Financement de la sécurité sociale pour 2010 — Article 43

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Les victimes de l’amiante sont les grandes oubliées du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Monsieur le ministre, il n’est aujourd’hui plus possible d’ignorer l’ampleur de ce drame sanitaire. L’exposition à l’amiante a déjà provoqué 35 000 décès et 60 000 à 100 000 autres décès sont attendus d’ici à 2030.

Depuis plusieurs années, les rapports et les propositions de réforme se succèdent sans qu’aucune suite n’y soit jamais donnée. Les rapports du Sénat, en 2005, et de l’Assemblée nationale, en 2006, ont ouvert la voie à une évolution des dispositifs de prise en charge des maladies liées à l’amiante, non sans considérer leur coût financier.

L’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, la Cour des comptes, le groupe de travail présidé par M. Jean Le Garrec et le Médiateur de la République ont souligné les carences des dispositifs de préretraite – le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA – et d’indemnisation des victimes – le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA.

En ce qui concerne l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, l’ACAATA, la disparité des règles entre les différents régimes d’assurance maladie et leur manque de coordination aboutit à traiter de manière très inéquitable les victimes de l’amiante, voire à les priver de toute indemnisation, parce qu’elles relèvent d’un régime ne prévoyant pas cette allocation ou parce qu’elles dépendent d’entreprises sous-traitantes, alors même qu’elles exercent leur activité dans une entreprise listée. Ce n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres.

Chaque année, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement restreint le traitement de cette question à son aspect purement financier. Or les règles de l’irrecevabilité financière – l’article 40 de la Constitution – nous empêchent, nous parlementaires, de proposer par amendement les évolutions positives attendues par les milliers de salariés qui ont été confrontés à l’amiante. Comme nous le verrons à l’article suivant, hormis la demande de rapports, notre marge de manœuvre est inexistante. Cela veut dire qu’en matière d’amiante, seul le Gouvernement peut aujourd’hui prendre une initiative. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement d’appel.

Monsieur le ministre, j’espère vraiment que vous allez vous emparer de ce dossier – ce que n’ont pas fait vos prédécesseurs –, que vous allez vous décider à agir afin de rendre tout à la fois plus justes les conditions d’attribution des « allocations amiante » et pérennes les modalités de financement des « Fonds amiante ».

C’est à vous de prendre l’initiative. Mais faites-le devant la représentation nationale et non par décret. Car c’est bien par décret que vous vous apprêtez, s’agissant de l’ACAATA, à réduire l’assiette servant de base de calcul à la préretraite spéciale accordée aux salariés exposés à l’amiante. Ce faisant, vous allez contre un arrêt rendu en 2007 par la Cour de cassation, stipulant que tous les éléments de rémunérations, y compris les indemnités pour des jours de congés payés, pour des RTT non pris ou pour des jours cumulés sur des comptes épargne-temps devaient être pris en compte dans l’assiette de calcul de l’allocation.

Si ce projet de décret devait aboutir, ce serait une véritable double peine pour les victimes de l’amiante.

Monsieur le ministre, lorsque nous avons abordé tout à l’heure les bonifications de retraite pour les femmes, vous avez indiqué vouloir suivre l’avis de la Cour de cassation. J’ai alors fait observer que, pour ce qui concernait la fiscalisation des indemnités journalières, vous n’aviez pas été dans le sens de la Cour de cassation. Et je constate que, pour les salariés de l’amiante, vous n’allez pas non plus dans le sens de la Cour de cassation.

Il est bien difficile de comprendre quand la Cour de cassation a raison et quand elle a tort, quand il faut légiférer pour aller contre ses arrêts et quand doit-on se plier à ses jugements, qui n’ont d’ailleurs aucun caractère obligatoire ni définitif.

Toutes les victimes de l’amiante espèrent que l’arrêt de la Cour de cassation sera respecté. Je vous supplie, monsieur le ministre, de ne pas revenir sur cet arrêt, de ne pas amputer par décret les conditions de fixation de l’ACAATA. Et si une décision doit être prise, faites-le après discussion avec la représentation nationale, et non par décret.

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