J’en viens à l’article 44.
Comme chaque année, cet article fixe le montant du versement de la branche AT-MP vers la branche maladie en compensation de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles. Pour 2010 et comme en 2009, ce montant est fixé à 710 millions d’euros ; dont acte même si une fois de plus, nous rappellerons que le rapport de la commission Diricq a fixé la fourchette du poids annuel de la sous-déclaration entre 565 millions et plus de 1 milliard d’euros.
Nous sommes encore et toujours dans la fourchette basse, alors que le phénomène de sous-déclaration, même s’il ne date pas d’hier, semble prendre une ampleur nouvelle. Il est avéré que certains employeurs s’arrangent pour prendre en charge eux-mêmes tout ou partie des frais liés aux soins sans avertir la CPAM de l’origine professionnelle de certains accidents. Je vous rappelle que le 28 janvier 2008, EDF et GDF ont été condamnés à une amende symbolique pour des faits de cette nature : c’est une première. Soupçonnées de faire pression sur les salariés accidentés pour qu’ils renoncent à leurs arrêts de travail, d’autres entreprises – dont Toyota à Onnaing ou Renault Cléon – ont également été récemment montrées du doigt.
Comme vous le savez, la cotisation versée par une entreprise au titre des AT-MP est calculée en fonction des sinistres survenus au cours des trois dernières années. En moyenne aujourd’hui elle s’élève à 2, 28 % de la masse salariale. Il suffit cependant d’un accident grave sans parler d’un décès pour que ce taux monte en flèche. C’est pour limiter cet impact financier que de plus en plus d’employeurs mettent en place de nouvelles stratégies, dont certaines à la déontologie contestable.
Ainsi, mes chers collègues, monsieur le ministre, de plus en plus d’entreprises décident de contester, avec l’aide de cabinets de conseil en réduction des coûts sociaux, les décisions des CPAM ou des tribunaux des affaires de sécurité sociale, les TASS, pour vice de procédure C’est le cas par exemple d’Arkéma, qui, condamnée en 2006, pour faute inexcusable à l’encontre de salariés victimes de l’amiante, avait profité des failles dans la procédure pour s’exonérer de la facture.
D’autres contestent systématiquement l’origine professionnelle des accidents dès leur déclaration à la CPAM ; cela leur permet de gagner du temps, mais cela pénalise surtout les salariés qui ne peuvent compter que sur le taux d’indemnité journalière de la sécurité sociale et doivent avancer les frais médicaux dans l’attente de la décision du tribunal.
Selon le rapport Fouquet, de juillet 2008, le coût annuel des procédures contentieuses engagées par les entreprises auprès des CRAM ou des TASS, afin de contester le montant des cotisations AT-MP qui leur sont imputées, atteignait 200 millions d’euros en 2007 ; deux ans plus tôt, le même coût ne dépassait pas 150 millions d’euros. Il y a quinze ans encore, le contentieux de la sécurité sociale en matière d’AT-MP concernait essentiellement les recours introduits par les salariés, désireux de faire reconnaître leurs droits ; peu de TASS avaient eu à connaître des recours engagés par des employeurs. Aujourd’hui, c’est devenu monnaie courante.
Autre phénomène, encore peu connu et fortement contestable, d’autres entreprises choisissent de souscrire à des produits d’assurance visant à couvrir la surcotisation liée à une augmentation des sinistres. Le principe est simple, si j’ose dire : l’assureur recalcule le taux qu’aurait payé l’entreprise si les sinistres n’étaient pas arrivés et rembourse la différence.
Aujourd’hui, cette stratégie d’ « optimisation du taux AT-MP », bien souvent à l’initiative de leurs directions financières, est perçue par les entreprises comme un moyen parmi d’autres de réaliser des économies. Pour ma part, j’y vois là clairement un dévoiement de la philosophie de notre système de tarification.
Monsieur le président, monsieur le ministre, j’en ai terminé pour tout ce qui concerne la branche AT-MP et je considère que nous y avons consacré juste le temps qu’il faut – certainement pas plus – dans un débat qui a duré aussi longtemps.