Intervention de Thierry Breton

Réunion du 23 mars 2006 à 9h30
Offres publiques d'acquisition — Adoption définitive d'un projet de loi en troisième lecture

Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis ce matin pour la dernière lecture d'un projet de loi dont l'actualité de ces dernières semaines est venue illustrer l'importance.

Les règles que nous avons élaborées ensemble contribuent à l'équilibre de la vie économique de notre pays sur au moins deux terrains. D'abord, elles sont le moyen de promouvoir à la fois l'intérêt des actionnaires, et j'y suis très sensible - ce droit est du reste destiné à les protéger -, et les intérêts industriels et sociaux des entreprises concernées, point également très important pour le Gouvernement. Ensuite, elles sont l'un des outils qui permettent à nos entreprises de voir clair sur leur actionnariat à long terme. J'ai souvent eu l'occasion de m'exprimer sur ce sujet. J'estime qu'il est important de donner à nos entreprises la possibilité d'avoir des actionnaires qui les accompagnent sur le long terme, qui soient associés à leur projet et qui le soutiennent, à condition, bien sûr, qu'ils l'estiment créateur de valeur.

Le débat de ce matin marque une étape dans la politique que nous menons en faveur de la stabilisation de l'actionnariat des groupes français. Mon objectif est de mettre tous les atouts du côté du dynamisme de nos entreprises et de permettre à celles-ci de développer une base actionnariale à la fois large et stable. C'est là, me semble-t-il, le meilleur moyen de s'assurer qu'elles investissent et croissent, et que leurs centres de décision restent indépendants et, évidemment, demeurent implantés sur le territoire national.

Dans cet esprit, le Premier ministre m'a demandé d'examiner avec la Caisse des dépôts et consignations comment augmenter les placements en actions de cette institution. Elle doit veiller aux intérêts de long terme dont elle a la charge : je pense ici à sa mission de financement du logement social et à son rôle de garant de la liquidité de l'épargne réglementée. Cependant, compte tenu de l'horizon de long terme de ses placements, il nous semble également possible qu'elle aille plus loin qu'aujourd'hui dans les placements en actions.

De même, nous sommes déterminés à prendre des mesures en faveur de la participation et de l'actionnariat salarié. Je me suis souvent exprimé devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs : la participation est une idée que le Gouvernement estime éminemment moderne et parfaitement adaptée à une économie plongée dans la mondialisation. Plus spécifiquement, la participation et l'actionnariat salarié présentent un triple mérite : ils orientent vers le patrimoine des Français les bénéfices de la « mondialisation » ; ils impliquent encore davantage les salariés dans la vie de l'entreprise, ce qui oeuvre en faveur du dynamisme de nos industries ; ils renforcent le capital des entreprises françaises et son ancrage.

Nous partons d'une tradition bien établie en la matière, puisqu'elle fut lancée sous l'impulsion du général de Gaulle. Notre capacité de progrès est néanmoins réelle. En effet, seuls 1, 2 % des Français déclarent détenir des actions de leur entreprise, et pas plus de 8 sociétés du CAC 40 comptent plus de 5 % d'actionnaires salariés dans leur capital : c'est bien, certes, mais cela ne me semble pas assez.

Comme le Premier ministre l'a indiqué la semaine passée lors de la séance du Conseil supérieur de la participation, Gérard Larcher et moi-même avons préparé un projet de loi de relance de l'actionnariat salarié et de la participation. Ce texte va faire l'objet d'un examen par le Conseil supérieur de la participation avant d'être soumis à la concertation. Il sera ensuite adressé au Conseil d'État avant d'être présenté au Parlement. C'est là, je crois, une politique efficace et équitable en faveur du développement de l'actionnariat dans notre pays.

Le projet de loi dont la discussion nous réunit aujourd'hui, qui vise à la transposition de la directive « OPA », s'inscrit dans cette même perspective.

La deuxième lecture nous avait permis de donner au texte son impulsion finale. Je rappelle que vous aviez retenu le principe d'une transposition ouverte de la directive, suivant en cela les propositions du rapport Lepetit. Nous avons beaucoup travaillé en collaboration avec la commission des finances et, en particulier, avec son rapporteur, que je remercie.

Nous avions ainsi permis aux entreprises françaises de jouer « à armes égales » et de ne pas être pénalisées par nos règles de droit pour leur développement à l'étranger. Nous leur avions aussi offert la possibilité de bénéficier de la clause de réciprocité, qui autorise à choisir les options les plus attractives pour les actionnaires tout en retenant un principe de défense dans le cas où l'attaquant est lui-même protégé.

Enfin, nous avions traité de la « substance de la réciprocité », qui nous a beaucoup occupés, et nous avions choisi de permettre aux entreprises faisant l'objet d'une offre hostile d'émettre des bons de souscription d'actions spécifiques pour se défendre.

Très concrètement, il s'agit de prévoir que les assemblées générales puissent autoriser l'émission, en période d'offre, de bons de souscription d'actions, ces « BSA » donnant aux actionnaires le droit d'acquérir des actions nouvelles à un prix préférentiel.

La question s'est posée au cours du débat au Sénat, puis à l'Assemblée nationale, de savoir si ces bons devraient être adoptés par l'assemblée générale extraordinaire ou par l'assemblée générale ordinaire, et à quelle majorité.

Comme je vous l'avais indiqué, mon objectif est de rendre le dispositif efficace et crédible, donc de faire en sorte qu'il puisse être adopté par les entreprises selon des modalités assez simples. Dans ce cadre, il m'a semblé nécessaire que les conditions de quorum et de majorité soient celles de l'assemblée générale ordinaire, tout en respectant le bon ordre juridique. Pour cette dernière raison, je m'en étais remis à la sagesse du Sénat sur l'amendement que vous aviez proposé, monsieur le rapporteur - en indiquant au demeurant que je considérais que votre initiative allait dans le bon sens -, et que la Haute Assemblée avait adopté.

L'Assemblée nationale a perfectionné le texte et a retenu un dispositif, que je crois équilibré, précisant les intentions qui ont guidé le vote du Sénat sans les dénaturer.

C'est donc une assemblée générale extraordinaire qui sera convoquée pour décider ou déléguer des BSA : nous sommes bien là, et c'était important, dans le droit commun des augmentations de capital, ce qui permet de respecter la cohérence du droit. Néanmoins, et pour aller dans le sens du Sénat, la décision de décider ou déléguer des BSA sera prise aux conditions de quorum et de majorité de l'assemblée générale ordinaire, c'est-à-dire à la majorité simple. L'ensemble me paraît constituer un bon compromis entre la cohérence du droit et les intentions qu'avait exprimées le Sénat.

Je souhaite, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous puissiez aujourd'hui valider ce dispositif, ainsi que les autres ajustements, d'ordre essentiellement juridique, qu'a adoptés l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

Vous le constatez, j'ai choisi de mettre tous les atouts du côté du dynamisme de nos entreprises et de permettre à celles-ci de développer une base actionnariale large et stable qui soit en mesure de servir leurs projets, que nous voulons ambitieux pour elles et pour la France.

Avec ce projet de loi, qui est d'une très grande technicité, nous sommes parvenus à trouver des voies de progrès réelles, concrètes et, surtout, opérationnelles.

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