Intervention de François Marc

Réunion du 23 mars 2006 à 9h30
Offres publiques d'acquisition — Adoption définitive d'un projet de loi en troisième lecture

Photo de François MarcFrançois Marc :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le capitalisme financier connaît depuis quelques années des dérives qui sont dénoncées ici et là. Les auteurs de nombreux ouvrages récents en font état, qu'il s'agisse du prix Nobel de l'économie ou d'observateurs plus spécialisés dans les questions financières.

Je pense, avec M. le rapporteur général, que les autorités publiques doivent être acteurs et non seulement spectateurs de la lutte contre ces dérives. Mais chacun sait que, derrière les jeux d'acteurs, se cachent parfois des philosophies, sur lesquelles nos appréciations sont parfois divergentes.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué certaines mesures, sur lesquelles nous aurons sans doute à débattre dans les semaines qui viennent, concernant d'autres adaptations nécessaires.

Pour l'instant, je me limiterai à l'opportunité que nous offre le présent projet de loi d'apporter une réglementation et les meilleures réponses possible aux dérives que nous constatons.

De ce point de vue, l'affichage par le Gouvernement, depuis quelques mois, d'un slogan sur le patriotisme économique ne nous a pas convaincus dans la mesure où il ne répond pas vraiment à la question principale que posent les récentes OPA du type de celle de Mittal sur Arcelor.

Cette question, qui sera au coeur des enjeux politiques et économiques de demain et qui relève d'une crainte largement répandue chez nos concitoyens, est de savoir que faire quand une entreprise inscrivant sa stratégie dans une démarche hautement spéculative rachète une autre entreprise sans prendre en considération l'outil industriel, l'emploi et les équilibres des territoires ? L'omnipotence des marchés, qui s'expriment au mépris des réalités humaines et sociales, est-elle véritablement inéluctable ?

Avec le présent projet de loi, la réponse du Gouvernement et de sa majorité, dans un remarquable exercice de communication insincère, tient, me semble-t-il, du double langage : d'un côté, le patriotisme économique et, de l'autre, un projet de loi tourné exclusivement vers la valorisation de la logique actionnariale et spéculative.

Ainsi, alors que la directive laissait aux États membres la possibilité de ne pas transposer l'article 9, selon lequel, « en période d'offre publique, toute mesure de défense doit être approuvée par les actionnaires de la société cible », le projet de loi a opté pour une transposition qui consacre l'obligation de passivité des dirigeants.

Cet article impose une consultation formelle et lourde qui handicape la société et entrave sa capacité de se défendre contre les OPA hostiles.

Le projet de loi, dans la rédaction qui nous est soumise en troisième lecture, place donc les sociétés françaises en mauvaise posture pour faire face aux attaques des prédateurs mondiaux.

Lors de la deuxième lecture, cédant à la pression médiatique et à l'émoi suscité par l'affaire Mittal-Arcelor, le Gouvernement a déposé un amendement dans le but affiché de renforcer les moyens de lutte contre les OPA hostiles.

Cet amendement gouvernemental, qui érige l'émission de bons de souscription d'actions en mode de défense contre les OPA hostiles, est pourtant inefficace à nos yeux. Inspiré de dispositions du droit américain introduites il y a quelques années, ce dispositif peut jouer un rôle dans la négociation des prix des titres au profit de la logique purement spéculative et ne constitue presque jamais un mode de dissuasion efficace pour éviter les OPA. Les sociétés américaines, monsieur le ministre, ont d'ailleurs aujourd'hui largement renoncé à l'utilisation de cet instrument juridique jugé peu opérant.

Par ailleurs, la logique du capitalisme financiarisé prévaut avec ce nouveau dispositif, sans aucune prise en compte de l'intérêt général et de l'emploi. En effet, qui décidera in fine de la suite à réserver au projet d'OPA, si ce projet de loi est adopté ? Les actionnaires, et eux seulement ! Ce sont eux qui pourront ou non décider de l'émission des bons de souscription d'actions, en fonction de l'intérêt strictement financier de l'opération.

Ils sont donc les seuls à pouvoir décider de l'opportunité de l'OPA quand, pour ce type d'entreprises, d'autres critères doivent jouer. Réserver le pouvoir de décision aux seuls actionnaires exclut la prise en compte de l'intérêt général, de l'intérêt social et de l'intérêt des salariés.

Cette conception s'oppose résolument à la logique que nous défendons : un marché mieux encadré au service de l'intérêt général.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, tout au long de ce débat et au terme de trois lectures, le groupe socialiste n'a pas véritablement obtenu les améliorations qu'il aurait souhaitées pour ce projet de loi sur les OPA. Le Gouvernement et sa majorité n'ont pas su répondre, me semble-t-il, aux problèmes posés par ce capitalisme financiarisé et mondialisé.

Nous ne pouvons donc que mettre en cause les arbitrages gouvernementaux qui placent la logique de la rentabilité financière au coeur des processus de décision, favorisant ainsi les dérives du capitalisme financier au lieu d'introduire des contraintes et une meilleure régulation. Nous voterons donc contre ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion