Intervention de François Marc

Réunion du 23 mars 2006 à 9h30
Offres publiques d'acquisition — Article 10

Photo de François MarcFrançois Marc :

Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué qu'il fallait se placer dans une logique offensive, et pas seulement défensive. La meilleure défense étant l'attaque, je souscris pleinement à vos propos.

Mais c'est bien dans une stratégie de défense que l'amendement gouvernemental, introduit en deuxième lecture, s'inscrit.

Il s'appuie sur l'idée que l'émission de bons de souscription d'actions constitue une panacée pour protéger les entreprises françaises des OPA hostiles. Nous considérons au contraire que cette disposition n'est pas adaptée à l'objectif visé, et nous redoutons surtout les effets pervers qu'elle pourrait engendrer. Le présent amendement vise donc à la supprimer.

Il importe de revenir sur le mécanisme des bons de souscription d'actions : si la menace d'OPA hostile conduit le management de l'entreprise à émettre des bons de souscription d'actions attribués gratuitement à leurs actionnaires, il va s'ensuivre une surenchère du prix à la charge de l'initiateur de l'offre. Or cette surenchère ne peut qu'inciter les actionnaires à vendre leurs titres, dont le prix de cession aura été augmenté. Le résultat obtenu sera donc tout à fait inverse à ce qui était escompté.

Dans la plupart des cas, l'initiateur d'une OPA hostile est fortement motivé par l'opération, qu'il a anticipée en termes de coût. Il a même, souvent, provisionné des frais supplémentaires pour le cas où il y aurait surenchère.

En conséquence, pour que l'émission de bons de souscription d'actions soit dissuasive, son coût doit être très supérieur au prix initialement offert pour la première offre, ce qui est rarement le cas.

Ainsi, l'émission de bons de souscription d'actions aboutira à faire monter les enchères, sans pour autant écarter le risque d'OPA.

On peut même craindre un risque supplémentaire : celui de voir un certain nombre d'actionnaires tirer parti de ce gonflement artificiel du prix et se désengager un peu plus que ce qui était prévu à l'origine.

En réalité, l'objectif de cet amendement gouvernemental, comme l'a dit très clairement Thierry Breton lors de la deuxième lecture au Sénat, est de préserver le pouvoir exclusif de décision des actionnaires et de faire en sorte que ces derniers obtiennent le meilleur prix possible.

Nous ne pouvons y souscrire, car il s'agit bien d'une mesure destinée à valoriser un peu plus encore la situation des actionnaires.

D'ailleurs, les Etats-Unis, qui avaient adopté ce dispositif, l'abandonnent aujourd'hui progressivement compte tenu de son inefficacité et de ses effets pervers.

Il est inhabituel, dans cette enceinte, de dire vouloir s'inspirer des Etats-Unis. Mais, en l'occurrence, les résultats de l'expérimentation de cette mesure dans la sphère financière américaine ont été à ce point pervers que cette expérience menée outre-Atlantique doit nous donner à réfléchir.

C'est pourquoi nous suggérons d'abandonner ce dispositif et de nous intéresser de manière plus approfondie aux mesures relatives à l'action de la Caisse des dépôts et à l'actionnariat salarié, qui seront débattues durant les prochaines semaines.

Ces sujets peuvent offrir des mesures de défense autrement plus intéressantes et plus efficaces que ces bons de souscription d'actions qui, à nos yeux, devraient être supprimés.

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