Intervention de François Marc

Réunion du 23 mars 2006 à 9h30
Offres publiques d'acquisition — Article 11

Photo de François MarcFrançois Marc :

Cet amendement est fondamental.

Comme il est indiqué dans l'excellent rapport de M. Marini, le projet de loi repose sur l'effectivité de la clause de réciprocité. En effet, « le recours obligatoire à l'article 9 de la directive, c'est-à-dire à l'approbation ou à la confirmation des mesures de défense par les actionnaires, apparaît acceptable, dès lors que les sociétés ont l'assurance de pouvoir invoquer la réciprocité en cas d'offre initiée par une entité non vertueuse ». Mais les sociétés ont-elles l'assurance de pouvoir invoquer la réciprocité ? Non, je ne le crois pas.

Nous avions évoqué cette question lors de l'examen en deuxième lecture. Pour les spécialistes de droit boursier européen, la transposition de l'obligation de passivité de l'article 9, que vous avez adopté, exclut l'applicabilité de la clause de réciprocité. La réciprocité ne se justifie que dans un cas : lorsque les entreprises, plus vertueuses que les États, ont choisi d'appliquer le droit communautaire en l'absence de transposition nationale. Ce n'est que si vous n'aviez pas choisi l'option de transposition de l'article 9 que cette réciprocité pouvait avoir sa pleine et entière efficacité.

Quoi qu'il en soit, et quelle que soit l'issue des débats de doctrine en cours sur ce sujet, une chose est sûre : l'incertitude règne en la matière. Les sociétés savent aujourd'hui qu'elles ne peuvent s'appuyer sur la réciprocité sans risque de contentieux communautaire. Et ce n'est pas parce qu'au cours d'une réunion la Commission n'a pas remis en cause les choix de transposition des pays qui ont prévu une application obligatoire de l'article 9 et/ou de l'article 11 et une mise en oeuvre de la clause de réciprocité que ces choix sont juridiquement pertinents ! Seule la Cour de justice des Communautés européennes pourrait, en cas de recours, formuler un avis qui ait une valeur juridique et qui soit opposable !

Si je vais jusqu'au bout de ma démonstration, je tiens à vous préciser, en reprenant les termes du rapport, que, pour les sociétés n'ayant pas l'assurance de pouvoir invoquer la clause de réciprocité, le recours à l'article 9 de la directive est inacceptable.

Le même raisonnement peut être tenu à propos des bons de souscription d'actions. Vous présentez l'article 11 du projet de loi comme un recours en cas d'OPA hostile. Sauf que l'efficacité de l'article 11 est subordonnée à la clause de réciprocité. Pour mettre en oeuvre l'article 11 sans avoir à convoquer une assemblée générale extraordinaire statuant - c'est une nouvelle bizarrerie juridique qui ne manquera pas de créer des contentieux juteux - dans les conditions d'une assemblée générale ordinaire, les sociétés cibles doivent démontrer que l'attaquant n'est pas vertueux.

Ainsi, les sociétés cibles ne pourront pas utiliser la pilule empoisonnée prévue, les bons de souscription d'action, en s'appuyant sur la clause de réciprocité sans prendre un risque certain en termes de contentieux communautaire.

Voilà, mes chers collègues, les arguments juridiques quelque peu complexes qui nous semblent devoir être retenus pour l'adoption de cet amendement. Il clair qu'à nos yeux, et aux yeux de beaucoup de juristes spécialistes du droit européen aujourd'hui, cette réciprocité ne pourra pas être invoquée avec une très grande assurance des initiateurs ou des chargés de défense, car il y a véritablement des désaccords profonds, une controverse, une incertitude. Dans ces conditions, il est clair que, pour la sphère financière, cette incertitude est source d'inaction. Par conséquent, il est préférable que cet amendement soit adopté et que l'article 11 soit supprimé.

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