Intervention de Jean-Claude Carle

Réunion du 27 juin 2011 à 10h30
Développement de l'alternance et sécurisation des parcours professionnels — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Claude CarleJean-Claude Carle :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, les jeunes ont été particulièrement touchés durant la crise économique, ce qui n’a fait que mettre en lumière les difficultés d’insertion professionnelle et l’inadéquation de la formation par rapport à l’emploi.

Depuis trente ans, notre pays consacre une part importante de ses dépenses publiques à l’emploi des jeunes. Cependant, l’enjeu aujourd'hui est non pas nécessairement l’accroissement de ces dépenses, mais plutôt la création et l’évaluation de nouveaux dispositifs.

Ainsi, l’apprentissage est une voie d’avenir puisque plus de huit jeunes apprentis sur dix trouvent un emploi dans l’année qui suit l’obtention du diplôme. En outre, pour un même diplôme, un jeune formé par apprentissage a davantage de chances de trouver rapidement un emploi qu’un jeune resté sur la voie scolaire.

Pourtant, à ce jour, seuls 7 % des jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans ont la chance de bénéficier de ce type de formation. Cela n’est pas satisfaisant !

La question de l’insertion des jeunes est d’autant plus préoccupante que leur situation est comparativement moins bonne en France que dans de nombreux pays européens. Regardons ce qui se passe en Allemagne, où trois fois plus de jeunes sont en apprentissage. Autre culture, autres résultats, me direz-vous. Mais pourquoi ne ferions-nous pas aussi bien que nos voisins ?

Pour construire des parcours professionnels valorisants et juguler le nombre de demandeurs d’emploi, l’apprentissage et l’alternance constituent un levier performant ; l’Allemagne l’a bien compris.

La France figure, de manière récurrente, au triste palmarès des nations de l’OCDE où le chômage des jeunes est parmi les plus élevés, oscillant entre 17 % et 23 %. Outre-Rhin, le chômage des jeunes dépasse rarement 10 %, du fait essentiellement de l’essor d’un système de formation dual et d’un fléchage vers les filières d’apprentissage dès le collège.

La formation en alternance est un modèle de réussite en Allemagne mais pas encore en France ; je le regrette, car, chaque année, 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme ou qualification et 80 000 étudiants quittent l’université au cours de la première année.

Voilà pourquoi le Président de la République a annoncé un plan de mobilisation pour l’emploi le 1er mars dernier, en vue de développer l’alternance, avec 800 000 contrats, dont 600 000 apprentis d’ici à 2015, contre 420 000 à ce jour.

L’emploi des jeunes doit être un objectif national partagé par l’ensemble des acteurs de notre pays, qu’il s’agisse des chefs d’entreprise, des partenaires sociaux, des régions mais aussi de l’État !

Bien que l’apprentissage dans la fonction publique connaisse un développement depuis quelques années, les employeurs publics n’ont pas été suffisamment présents sur le terrain de la formation et de l’insertion de notre jeunesse. De nombreux jeunes engagés dans la voie professionnelle, soit sous statut scolaire, soit en apprentissage, peinent à trouver un employeur prêt à les accueillir. Aussi je souhaite que non seulement l’État, mais aussi les collectivités ne se défaussent pas de leurs responsabilités et s’investissent dans la formation professionnelle pour accueillir des stagiaires en lycée professionnel et des apprentis.

L’apprentissage dans le secteur public est extrêmement peu développé. Seuls 8 000 nouveaux contrats d’apprentissage y ont été conclus en 2009, contre près de 300 000 dans le secteur marchand. Les communes ont conclu près de 60 % des nouveaux contrats, contre à peine 7 % pour les services de l’État, soit seulement 600 contrats !

Avec plus de 5 millions d’agents, le secteur public, premier employeur de France, est appelé à jouer un rôle décisif dans le développement de l’emploi et de la formation des jeunes. À l’instar de l’effort consenti par les branches professionnelles, l’État doit se mobiliser pour augmenter son potentiel d’accueil en alternance.

Les freins à l’alternance dans les services de l’État sont bien identifiés. La culture de l’apprentissage dans le secteur public est encore limitée, mais cela doit changer ! Je souhaite, donc que l’État se montre exemplaire. Le Gouvernement a réaffirmé sa volonté de développer la formation en alternance. Force est de constater que cette volonté, largement partagée, a des difficultés à se concrétiser.

La mise en place, en 2009, de la réforme pleinement justifiée du baccalauréat professionnel a provoqué dans le même temps une baisse structurelle des contrats d’apprentissage de niveau V – 26 000 apprentis de moins qu’en 2008, soit une diminution de 16 % en un an – à laquelle s’ajoute une baisse de 12 000 contrats de professionnalisation du même niveau.

Quatre raisons expliquent cette situation.

La première concerne la famille, pour qui l’orientation d’un enfant en CFA est encore vécue comme un échec.

La deuxième raison touche à l’éducation nationale, toujours aussi réticente à voir l’entreprise entrer dans un domaine qu’elle considère comme réservé.

La troisième raison est liée au fait que les conseils régionaux préfèrent souvent remplir, pour la préparation d’un même diplôme, les lycées professionnels que les CFA. Bien sûr, ils ont beaucoup investi dans les premiers, mais les seconds, comme l’a montré une récente étude du Centre d’études et de recherches sur les qualifications, présentent des taux d’insertion dans l’emploi de dix points supérieurs. Dans cette affaire, seul l’intérêt des jeunes devrait pourtant compter.

Enfin, la quatrième raison est que les employeurs hésitent à signer un contrat sur trois ans.

Notre proposition de loi apporte plusieurs réponses fortes à ce problème, et je m’en réjouis.

La première est le dispositif d’initiation aux métiers en alternance, le DIMA, qui prévoit que les CFA peuvent accueillir pour un an, sous statut scolaire, les jeunes âgés de quinze ans pour leur faire découvrir l’apprentissage en approchant plusieurs métiers d’une même filière.

La loi du 24 novembre 2009 indiquait explicitement que les élèves de seconde pouvaient bénéficier du DIMA, mais, malheureusement, une circulaire du ministère de l’éducation nationale est venue limiter ce dispositif à la troisième, faisant ainsi obstacle à la volonté du législateur. Que les fonctionnaires se permettent ainsi de détourner la loi n’est pas acceptable !

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