La non-dégressivité et le non-plafonnement des aides par exploitation, ou par UTA, c'est-à-dire par unité de travail annuel, accentuent, s’il en était encore besoin, la concentration des exploitations. L’agriculture est le seul secteur économique où les pouvoirs publics subventionnent le capital au détriment du travail. Vous avez dit « emploi », monsieur le ministre ?
« La réforme de la PAC a été une affaire de boutiquiers, elle n’a pas été une affaire qui a conduit à repenser l’agriculture et sa place dans la société, à présenter l’agriculture sous un autre jour à la société » déclarait l’un des pères fondateurs de la PAC, Edgard Pisani, en conclusion du colloque mentionné précédemment, tout en soulignant : « Vous ne progresserez pas en ayant de petites idées. Vous avez à mobiliser des rêves, des espoirs, en vue de dessiner un schéma qui a un sens » !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le moment est venu de nous projeter dans l’avenir et de proposer aux agriculteurs d’Europe un contrat profondément renouvelé avec la société : arrêter la fuite en avant vers une agriculture industrielle, « chimisée » et déterritorialisée, promouvoir une agriculture paysanne, fondée sur l’agronomie et l’agroécologie, qui valorise nos terroirs, si riches de leur diversité, et refuser le leurre de la compétitivité mondiale pour choisir l’autonomie alimentaire, l’emploi, l’environnement et la qualité des produits.
Toutefois, à l'échelle nationale, nous devrons avoir le courage politique de nous affranchir enfin de ces lobbies que nous ne connaissons que trop bien et qui n’ont cessé, au nom de la « défense de la profession », de manœuvrer à tous les niveaux pour défendre leurs privilèges !
À l'échelon européen, il sera nécessaire d’oser aller au conflit au sein des instances mondiales pour sortir, enfin, l’agriculture de l’OMC. Il s’agit non pas seulement d’accroître nos possibilités de réorienter notre agriculture européenne en fonction de nos priorités sociétales internes, mais aussi de permettre aux peuples du tiers-monde de reconquérir leur souveraineté alimentaire.