Intervention de Paul Blanc

Réunion du 28 avril 2009 à 21h30
Débat sur l'adoption

Photo de Paul BlancPaul Blanc, au nom de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, mesdames les secrétaires d’État, mes chers collègues, ainsi que viennent de le souligner mes deux collègues de la commission des finances, les résultats obtenus par l’AFA sont décevants et restent bien en deçà des objectifs de la réforme de 2005, comme des espoirs qu’elle a suscités. Il faut cependant les resituer dans leur contexte, celui d’une baisse généralisée du nombre d’adoptions internationales et d’une réforme qui, à notre sens, est restée inachevée.

Auguste Cazalet a souligné l’importance de l’exercice effectif de la tutelle sur l’Agence par l’autorité centrale afin de mieux piloter son action et définir sa stratégie, en complémentarité avec celle des OAA. Albéric de Montgolfier a mis en évidence la nécessité d’une redéfinition des compétences de l’Agence pour que celle-ci puisse remplir ses missions à l’égard des familles adoptantes.

Pour ma part, je m’intéresserai aux deux autres objectifs de la réforme de 2005 : l’harmonisation des conditions de délivrance des agréments et le développement de l’adoption nationale.

Force est de constater que, dans ces deux domaines, la situation ne s’est guère améliorée. Avec plus de 28 000 agréments en cours de validité, soit sept fois plus de candidats à l’adoption que d’enfants à adopter, et seulement 775 enfants adoptés en France sur les quelque 3 200 pupilles de l’État et la centaine de milliers d’enfants placés à l’aide sociale à l’enfance, il nous faut reconnaître que les pratiques ont encore trop peu évolué.

Certes, le projet de loi que vous avez présenté le 1er avril dernier devant le conseil des ministres, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, ne néglige pas ces deux aspects. Il reprend même certaines des recommandations contenues dans notre rapport, ce dont nous sommes très heureux. Il nous paraît néanmoins souhaitable d’aller plus loin.

Pour ce qui est des agréments, nous avons suggéré cinq mesures destinées à mieux en encadrer les conditions de délivrance.

Il s’agit d’abord du renforcement de l’information et de la formation des candidats à l’adoption, avant l’agrément. On observe en effet que les réunions d’information collectives organisées à titre expérimental par certains départements avant la confirmation de la demande d’agrément permettent aux familles de mûrir leur projet d’adoption et les conduisent parfois à y renoncer. Nous suggérons donc la généralisation de ce type de réunions.

Il s’agit ensuite de l’harmonisation des pratiques des conseils généraux grâce à l’élaboration, de façon concertée, d’un référentiel national d’évaluation des candidats à l’adoption. Je crois savoir que la direction générale de l’action sociale, la DGAS, envisage la mise en place, à cet effet, d’un groupe de travail associant les conseils généraux et les associations représentatives des familles. Pouvez-vous nous indiquer, madame la secrétaire d’État, si la réflexion du Gouvernement a progressé sur ce point ?

Par ailleurs, la création d’un fichier nominatif national unique des agréments accordés ou refusés nous semble souhaitable, car elle permettrait d’éviter que des candidats qui se seraient vu refuser l’agrément dans un département ne postulent dans un autre. Y seriez-vous favorable ?

Nous recommandons également un contrôle annuel plus systématique et plus rigoureux de la validité des agréments, contrôle dont le principe est d’ailleurs repris dans le texte du projet de loi puisqu’y est prévue la possibilité pour le président du conseil général de suspendre ou de retirer l’agrément des titulaires qui ne confirmeraient pas chaque année la poursuite de leur projet d’adoption.

Enfin, nous suggérons qu’une réflexion soit engagée sur l’adaptation de la législation de l’adoption aux nouvelles réalités familiales. N’est-il pas en effet singulier que des couples hétérosexuels concubins ou pacsés ne soient pas autorisés à adopter, alors que les célibataires le sont ?

J’ajoute que l’obtention de l’agrément n’exonère pas les candidats à l’adoption d’une certaine éthique dans leur démarche, conformément à l’esprit de la convention de La Haye. L’afflux de demandes exerce en effet une « pression » souvent mal ressentie par les pays d’origine et laisse supposer que le « droit des familles à adopter » primerait sur l’« intérêt de l’enfant ».

Est-il acceptable qu’une même famille puisse mener simultanément plusieurs démarches d’adoption, que ce soit individuellement, par le biais d’un OAA ou par celui de l’AFA, au risque de devoir refuser un enfant au motif qu’elle aurait déjà obtenu satisfaction par ailleurs ? Nous souhaitons que le Gouvernement puisse engager dès que possible, sur ce sujet sensible, une réflexion avec l’Agence, les OAA et les associations de familles adoptantes.

Je me dois aussi d’évoquer la question, chère à la commission des affaires sociales, du suivi des enfants après leur adoption. À cet égard, les pays d’origine ont, non sans raison, plus d’exigences qu’auparavant. Les services de l’aide sociale à l’enfance devront donc, à l’avenir, veiller avec plus de rigueur à ce que les rapports de suivi soient transmis dans les délais impartis.

Je crois également nécessaire de renforcer l’accompagnement des familles, notamment par le déploiement sur tout le territoire des consultations d’orientation et de conseil en adoption.

Enfin, on en conviendra, nous devons développer l’adoption nationale. Cela passe d’abord par une meilleure information des familles sur les voies, bien souvent méconnues, de l’adoption en France. Il faut ensuite favoriser les déclarations d’abandon lorsqu’elles sont dans l’intérêt de l’enfant.

Sur ce dernier point, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, vous proposez dans le projet de loi une piste intéressante, consistant à contraindre les travailleurs sociaux à se prononcer chaque année sur l’état d’abandon des enfants placés. Mais, vous le savez, cette disposition ne sera suivie d’effets que si la culture des professionnels de l’aide sociale à l’enfance évolue à cet égard. Cela suppose, à notre sens, un effort de formation, sur la base d’un référentiel national commun des critères objectifs de l’état d’abandon.

Nous regrettons enfin que l’adoption simple ne figure pas dans le projet de loi. Cette forme juridique, plus souple que l’adoption plénière, présente pourtant de nombreux avantages. Elle mériterait d’être réformée et développée, afin que des enfants placés puissent être accueillis plus tôt dans une famille adoptive et grandir en son sein, sans pour autant que les liens avec leur famille d’origine soient rompus. L’enfant aurait ainsi deux familles. Avec la multiplication des familles recomposées, je crois que les esprits y sont aujourd’hui mieux préparés.

Mesdames les secrétaires d’État, permettez-moi pour conclure d’émettre le vœu que notre réflexion et nos propositions contribuent utilement à inspirer votre action et à alimenter le débat sur ce sujet passionnant auquel personne ne peut être insensible.

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