Intervention de Jacques Muller

Réunion du 19 octobre 2010 à 21h30
Réforme des retraites — Article 32 bis C

Photo de Jacques MullerJacques Muller :

Il convient de resituer dans leur contexte les dispositions de cet article 32 bis C. Je dénonce ici les fondements de ce projet de loi, car ils traduisent en fait une vision archaïque de l’économie d’aujourd’hui et la volonté politique inavouée de sauver les riches !

En effet, accentuation du déséquilibre entre actifs et inactifs oblige, la refondation nécessaire de notre système de retraites par répartition, élaboré consensuellement par le Conseil national de la Résistance, ne saurait faire fi d’une réalité macroéconomique structurelle, à savoir l’envolée historique des dividendes versés aux actionnaires. Autrement dit, la nécessaire solidarité intergénérationnelle ne peut plus reposer sur la seule taxation du travail.

Permettez-moi de m’appuyer sur un certain nombre de données chiffrées tirées des comptes de la Nation, établis par une institution incontestée, l’INSEE.

Sur la longue période, la progression du salaire mensuel net moyen, inflation déduite, est restée modeste : entre 1970 et aujourd’hui, il est passé de 1 850 euros à 2 200 euros, soit une augmentation de 14 % du pouvoir d’achat en quarante ans, ou de 0, 4 % par an. Ces chiffres moyens ne doivent pas occulter une explosion des inégalités salariales, entraînée par la dérégulation systématique du marché du travail. En effet, le néolibéralisme a sévi, multipliant les emplois précaires, les contrats à durée déterminée, l’intérim, le temps partiel non choisi et, le plus souvent, mal payé.

Dès lors, comment financer nos retraites, dans un contexte démographique aussi déséquilibré ? Le Gouvernement essaie de nous faire croire qu’il n’y aurait pas de solution de rechange à son projet de loi. Ce faisant, il ignore délibérément la progression exponentielle des dividendes versés aux actionnaires : ils sont passés, en euros constants, c’est-à-dire inflation déduite, de quelque 20 milliards d’euros, en 1970, à 230 milliards d’euros aujourd’hui !

De plus, depuis 2003, ces dividendes prélevés sur la valeur ajoutée des entreprises dépassent l’excédent net d’exploitation : autrement dit, les dividendes pèsent directement, aujourd’hui, sur l’investissement économique et l’emploi, dans la mesure où les entreprises s’endettent désormais pour payer leurs actionnaires.

Il nous faut donc mettre à contribution ces dividendes colossaux, essentiellement versés aux ménages les plus riches, en rompant avec la logique qui prévaut depuis maintenant un demi-siècle. Il faut cesser de construire la nécessaire solidarité intergénérationnelle sur des prélèvements limités aux seuls revenus du travail. Il faut oser innover et mettre à contribution, enfin, les revenus du capital.

Cela relève, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, d’une « ardente obligation » ! Mais le Gouvernement s’y refuse, il préfère s’arc-bouter sur ses positions, en continuant de faire reposer le financement du système sur les seuls salariés et en n’hésitant pas à sacrifier, au passage, les plus précaires et les femmes, qui seront les grands perdants !

S’agit-il de conservatisme ?

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