Intervention de Anne-Marie Payet

Réunion du 14 septembre 2010 à 9h30
Questions orales — Utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les dom et à la réunion

Photo de Anne-Marie PayetAnne-Marie Payet :

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je souhaite aborder la question de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les DOM, en particulier à la Réunion.

Le 13 janvier 2009, les députés européens ont adopté les deux textes qui constituent la future législation européenne sur les pesticides. Après le compromis trouvé en décembre 2008 entre le Parlement européen et le Conseil, les députés se sont prononcés à une large majorité en faveur d’un règlement sur la production et l’autorisation des pesticides, et d’une directive relative à l’utilisation durable de ces produits.

Ainsi, la nouvelle législation prévoit l’interdiction d’une liste de vingt-deux substances chimiques toxiques au niveau de l’Union européenne, qui servira de base à l’autorisation de pesticides au niveau national. La directive fixe, pour la première fois au niveau communautaire, des règles tendant à rendre l’utilisation des pesticides plus sûre et à encourager le recours à la lutte intégrée et aux alternatives non chimiques. Dans les faits, l’épandage aérien sera progressivement interdit dans la sylviculture et la viticulture. Quant aux pesticides, ils seront également interdits dans les parcs, les jardins publics, les terrains de sport, les cours de récréation et les terrains de jeux. La directive devrait être mise en œuvre par les États membres au début de l’année 2011.

Les pesticides sont décriés depuis des années à cause de leur incidence sur la santé humaine. En décembre 2008, une étude mettait en exergue les effets toxiques du Roundup, l’un des herbicides les plus utilisés au monde, sur les cellules humaines ainsi que sur les OGM alimentaires. En février 2010, une étude du Centre d’immunologie de Marseille-Luminy, le CIML, a prouvé qu’il existait un lien de causalité entre l’exposition des agriculteurs aux pesticides et certains cancers du sang. Je tiens à rappeler que la France est le premier utilisateur de pesticides en Europe, et le troisième au niveau mondial.

L’exposition aux pesticides en milieu agricole est considérée depuis longtemps comme un facteur de risque accru de lymphomes. Le lymphome folliculaire est ainsi en augmentation de 3 % à 4 % par an depuis une trentaine d’années. Ce type de cancer du sang incurable représente la cinquième cause de mortalité par cancer au niveau national.

Les agriculteurs sont plus souvent victimes de cancers que les autres professionnels. Les chercheurs ont mis en évidence des biomarqueurs qui témoignent d’un lien moléculaire entre l’exposition des agriculteurs aux pesticides, l’anomalie génétique et la prolifération de ces cellules, qui sont des précurseurs de cancers. Ils ont aussi constaté que, par rapport au reste de la population, les agriculteurs exposés aux pesticides développaient dans leur génome de 100 à 1 000 fois plus de cellules anormales.

Afin de connaître les liens entre les facteurs professionnels et la survenue de problèmes de santé, l’Institut de veille sanitaire, l’InVS, a lancé le 8 février 2010, en partenariat avec la Mutualité sociale agricole, la MSA, une grande étude permettant de décrire et de surveiller l’état de santé de la population au travail dans le monde agricole. La première phase de cette étude a débuté dans cinq départements. Sont concernés les Bouches-du-Rhône, le Finistère, le Pas-de-Calais, les Pyrénées-Atlantiques et la Saône-et-Loire. Je regrette qu’elle ne soit menée dans aucun département d’outre-mer.

À la Réunion, la prise en compte du risque professionnel lié aux produits phytosanitaires n’est que récente. Les agriculteurs réunionnais n’utilisent pas de produits moins dangereux qu’en métropole ; au contraire, ils seraient même moins regardants sur leur dangerosité et sur la protection qu’ils devraient mettre en œuvre. Force est de constater que le climat chaud et humide n’incite guère à revêtir gants, masque et combinaison pour se protéger des produits traitants.

La chambre d’agriculture de la Réunion organise régulièrement des stages de prévention et de sensibilisation sur le sujet, mais aucune étude sérieuse n’a été menée localement car, dans les départements d’outre-mer, contrairement à la métropole, il n’existe pas de mutuelle sociale agricole pour collecter les cas. C’est dans le secteur du maraîchage qu’on observe le plus de problèmes.

Madame le ministre, la question de l’utilisation des pesticides n’est pas cloisonnée aux seuls départements agricoles et viticoles, ou à un territoire ultramarin en particulier. Elle nous concerne tous puisque, dans tous les aliments et boissons, on retrouve des traces de produits phytopharmaceutiques.

Vous connaissez mon attachement tant aux problématiques de santé qu’à l’équité de traitement entre la métropole et les territoires ultramarins. Je plaide pour que soit mise en place, très prochainement, une véritable enquête sur l’état de santé des agriculteurs réunionnais, et plus généralement ultramarins.

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