Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de pouvoir m’exprimer devant vous, cet après-midi, pour préparer le Conseil européen.
Le Sénat joue un rôle majeur dans l’élaboration de la stratégie européenne, rôle qui s’est affirmé. Je tiens à rendre hommage au travail remarquable effectué par Jean Bizet, au sein de la commission des affaires européennes, et par les sénateurs particulièrement impliqués en la matière.
Je suis, en effet, convaincu de la nécessité de travailler en étroite collaboration avec le Parlement sur les sujets européens, comme le traité de Lisbonne. Il y va de l’intérêt de chacun, afin de permettre une meilleure appropriation par la représentation nationale des enjeux européens, devenus déterminants.
Lors du conseil des ministres franco-allemand qui s’est tenu vendredi dernier à Fribourg et auquel j’ai participé a été réaffirmée la force du tandem franco-allemand face à la crise.
Le Conseil européen des 16 et 17 décembre intervient également à un moment stratégique, cela n’échappe à personne, et ce pour deux raisons.
D’une part, l’Europe fait face à la crise de l’euro et aux différents tests opérés par un certain nombre de spéculateurs sur sa monnaie. Ce Conseil européen doit être l’occasion pour elle d’affirmer une nouvelle fois sa détermination et sa capacité à progresser tout en se renforçant par rapport à ces tests.
D’autre part, politiquement, il s’agit d’un moment important, qui permettra à l’Union européenne de repartir à l’offensive, de montrer qu’elle est résolument en état de marche et qu’elle a la capacité, au-delà des difficultés, à avancer et à consolider ses instruments.
De ce point de vue, les enjeux du Conseil européen sont nombreux. Ils sont principalement concentrés sur la question de la monnaie unique et sur l’amélioration des mécanismes de défense de l’euro.
Avant d’entrer dans le détail de mon propos, je souhaite m’arrêter un instant sur le chemin parcouru en moins d’un an et demi.
Depuis sa création, l’euro avait un point de faiblesse, que plusieurs observateurs avaient d’ailleurs relevé : que se passerait-t-il si une crise conduisait un pays à l’attaquer ? Aucun dispositif de défense n’était à disposition.
Lorsque la crise grecque est survenue, l’Union européenne n’avait pas d’outil adéquat pour y faire face. Elle a mis environ six mois à mettre en place un plan de réaction. Lorsque la crise est intervenue en Irlande, cette fois-ci, l’Europe était prête et, en moins de quinze jours, l’ensemble des forces composant plus spécifiquement les pays impliqués dans le domaine de l’euro ont été capables de réagir et d’élaborer un plan de défense, et ce aussi rapidement que les États-Unis.
Le Conseil européen des prochains jours permettra de donner une visibilité, au-delà de la gestion des crises les unes après les autres, à la détermination des pays de l’Union européenne.
Oui, malgré les difficultés, l’Europe avance ! En un an et demi, elle a accompli un chemin considérable.
Les enjeux du Conseil européen sont principalement concentrés sur la politique économique.
La mise en place d’un mécanisme pérenne de gestion des crises est un signal fort. Elle montre que l’Europe est prête à se doter collectivement des moyens pour se protéger. Elle indique également que l’Europe ne se contente pas de réagir aux crises les unes après les autres, mais que, crise après crise, elle tire des leçons, afin de sortir des épreuves auxquelles elle est confrontée plus forte qu’elle ne l’était antérieurement à ces dernières. Elle montre enfin que l’Europe est prête à se donner des moyens pour se protéger et pour préparer l’avenir.
Quand un pays est attaqué, comme ce fut le cas de l’Irlande, c’est aussi la monnaie de la France, de l’Allemagne, de l’ensemble des pays de l’Union européenne qui composent l’Eurogroupe qui est touchée.
L’Union européenne doit accompagner ses différents États membres en ne laissant personne au bord du chemin.
Je tiens en cet instant à saluer le rapport très prometteur, fouillé et détaillé remis par le sénateur Jean-François Humbert. Il nous permettra d’avancer sur les normes de régulation à l’échelle européenne.
Ce Conseil montrera la capacité de l’Europe à agir en amont. De ce point de vue, l’Eurogroupe a trouvé un accord le 28 novembre sur les contours du futur mécanisme européen de stabilité. Vous le savez, le Président de la République a mené d’intenses consultations pour y parvenir, en lien avec Angela Merkel. M. Herman Van Rompuy a indiqué qu’il soumettra au Conseil européen une proposition de révision du traité tenant compte des travaux de l’Eurogroupe. Cette proposition de révision sera la plus simple, la plus efficace et donc la plus rapide possible à transposer.
Par ailleurs, les travaux menés par M. Michel Barnier vont également dans le bon sens. Ils doivent nous permettre de renforcer la régulation, notamment celle du secteur bancaire.
Vous relèverez, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque ce sujet a été évoqué devant vous, que ce mécanisme européen de stabilité, sur lequel l’Eurogroupe s’est entendu, comporte également une participation des créanciers. Ainsi, à partir de 2013, chacun sera mis face à ses responsabilités.
J’en viens à la gouvernance économique, qui repose sur une conviction simple que nous sommes plusieurs à partager : l’euro ne pourra pas être une monnaie stable et durable sans un renforcement de la gouvernance économique à l’échelle européenne. Voilà seulement quelques mois, cette idée, que seule la France osait défendre, était taboue. Aujourd’hui, la très grande majorité des pays de l’Union européenne en reconnaît la nécessité absolue. Elle a fait l’objet d’échanges entre le Président de la République et Angela Merkel à Fribourg.
Le Conseil européen a repris à son compte les conclusions du groupe Van Rompuy. Il va être saisi d’un rapport sur l’état d’avancement de ces travaux. Nous attendons, pour notre part, que toutes les orientations et rien que les orientations fixées par le Conseil européen du mois d’octobre dernier soient respectées. Par ailleurs, la gouvernance économique ne doit pas se réduire à des sanctions ; elle doit rendre possible une vision à 360 degrés et ainsi, étape après étape, avancer à l’échelon européen.
J’ajouterai quelques mots sur le budget de l’Union européenne pour 2011. Ce dossier a fait partie des premiers auxquels je me suis attelé. La non-adoption de ce budget serait catastrophique pour notre pays. La bascule sur le système des douzièmes provisoires aurait, pour la France, un coût de trésorerie de 2 milliards d’euros et des conséquences sur la politique agricole commune, notamment.
Au-delà des enjeux de budget et de trésorerie, il s’agissait d’une question symbolique. Nous le ressentons tous, à l’heure actuelle, certains veulent tester l’Union européenne et noircir, en quelque sorte, sa capacité à agir et à progresser.
Il était symbolique de montrer que, dans cette période de crise, nous ne cédions pas aux différentes institutions, et que chacun était capable de faire un bout du chemin, d’assumer sa part de responsabilité, pour permettre l’adoption d’un budget pour 2011 allant dans le sens de l’intérêt communautaire.
Nous nous sommes battus pour ce budget et le rapport de Denis Badré montre bien le rôle majeur que jouent les Parlements nationaux dans son élaboration.
Là encore, en quelques mois, grâce à une mobilisation collective, un chemin important a été parcouru. Le projet a été approuvé par le Conseil le 10 décembre et j’ai bon espoir qu’il le soit par le Parlement européen le 15 décembre.
Ce budget repose sur un bon équilibre. L’Union européenne montre qu’elle prend en compte les enjeux budgétaires. Personne ne comprendrait que les efforts effectués par les États afin d’assurer une meilleure gestion de leurs finances nationales ne soient pas partagés par l’Union européenne.
L’enjeu est autre. Il s’agit de montrer que l’Europe est capable de dépenser modérément tout en étant plus efficace. Maîtriser les dépenses ne signifie pas revoir à la baisse les ambitions européennes, mais implique, au contraire, de dépenser mieux.
Après ces questions de politique économique, qui, vous le constatez, sont majeures à l’occasion de ce Conseil européen, j’évoquerai l’état des travaux conduits par Mme Ashton.
Il est crucial – et ce sujet a été évoqué lors de l’audition devant la commission des affaires européennes du Sénat –, de rester très vigilant sur les relations de l’Union européenne avec ses grands partenaires stratégiques.
Durant cette période, l’Union européenne doit nous protéger et nous permettre d’être à l’offensive dans les relations avec la Chine, la Russie et les États-Unis.
Notre travail conjoint consiste à identifier, au-delà des intérêts nationaux, des intérêts communs aux Européens qui seront, ensuite, défendus collectivement par l’Europe.
Enfin, le Conseil européen pourrait être invité à accorder au Monténégro le statut de candidat à l’Union européenne. Nous avons la conviction que les processus d’élargissement et les négociations d’adhésion doivent être conduits avec la plus grande exigence et une extrême rigueur.
Il ne s’agit pas d’outils de communication ou de variables d’ajustement pour envoyer des signaux positifs ou sympathiques à tel ou tel. Ces questions sérieuses mettent en jeu la capacité de l’Union européenne à agir et à avancer.
Ce Conseil est, pour nous, un rendez-vous décisif. Il peut être le point de bascule après cette année 2010, qui a été une année d’épreuves au cours de laquelle certains ont voulu tester l’Union européenne et ont fait preuve de scepticisme systématique.
La présente crise nous montre que, face à des pays continents comme la Chine, l’Inde ou le Brésil, face à des défis comme celui du développement durable ou face à des pressions telles que celles que peuvent exercer les marchés financiers, l’Union européenne est une question de bon sens.
Ce Conseil européen doit nous permettre de réaffirmer ce principe, tout en montrant une Union européenne en état de marche et capable, de nouveau, de repartir à l’offensive.