Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Conseil européen des 16 et 17 décembre sera principalement consacré à la mise en place d’un mécanisme permanent de gestion des crises de la zone euro.
Afin de tirer les leçons des crises, grecque hier, irlandaise aujourd’hui, et de prévenir tout risque pour la stabilité de la zone euro, il est indispensable de pérenniser le mécanisme de gestion des crises et d’aller, comme l’a souligné le président de la commission des affaires européennes, vers une véritable gouvernance économique européenne, que la France appelle de ses vœux depuis déjà plusieurs années.
Ces réformes, qui exigent une révision du traité de Lisbonne, représentent l’évolution la plus importante des règles économiques en Europe depuis la mise en place de l’euro.
Et on le constate une nouvelle fois : lorsque l’Europe avance, c’est à la suite d’un accord entre la France et l’Allemagne. Je tiens à cet égard à dénoncer ici les discours irresponsables de ceux qui n’ont de cesse de mettre en avant les risques de contagion et de faillite de la monnaie unique.
Je voudrais rappeler la solidarité dont a fait preuve l’Europe, et en premier lieu la France et l’Allemagne, à l’égard de la Grèce et de l’Irlande.
En réalité, il importe d’engager les économies européennes sur la voie du redressement de leurs finances publiques et d’éviter en particulier tout décrochage de compétitivité entre notre pays et notre voisin allemand.
Je concentrerai mon propos sur les sujets de politique étrangère, qui intéressent directement la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Si l’intégration européenne connaît actuellement d’importantes avancées en matière économique, en revanche, dans le domaine de politique étrangère et de défense, les choses progressent plus lentement, et c’est un euphémisme !
Lors du prochain Conseil européen, la Haute Représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Lady Ashton, devrait présenter un rapport sur les relations entre l’Union européenne et ses partenaires stratégiques, comme les États-Unis, la Russie et la Chine.
D’ici à une vingtaine d’années, l’Europe ne représentera plus que 6 % des habitants de la planète. Elle risque ainsi d’être marginalisée sur la scène internationale, face aux États-Unis, à la Chine et aux autres puissances émergentes.
Il est donc indispensable que l’Union européenne renforce ses relations avec ses principaux partenaires, qu’il s’agisse de ses relations diplomatiques, de ses échanges commerciaux ou de ses approvisionnements énergétiques.
Or, malgré la succession de sommets entre l’Union européenne et les pays tiers, une impression domine : l’Union ne parvient pas à définir une véritable stratégie au regard de ses principaux partenaires.
Le maigre bilan du sommet entre l’Union européenne et les États-Unis ou les timides avancées enregistrées lors du dernier sommet entre l’Union européenne et la Russie semblent confirmer ce constat. Et je pourrais faire la même observation au sujet de l’Inde ou de la Chine.
D’une manière générale, que ce soit avec ses grands partenaires ou avec les États-Unis et le Moyen-Orient, par exemple, l’Europe peine à parler d’une seule voix. Le principal défi qu’elle doit relever concerne la crédibilité. Il est donc impératif de mieux définir nos intérêts, nos priorités et la manière dont l’Union européenne devrait négocier avec ses principaux partenaires.
Avec le traité de Lisbonne, l’Union européenne dispose certes de nouveaux instruments, en particulier le poste de président stable du Conseil européen, celui du Haut Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et, désormais, le service européen pour l’action extérieure.
Toutefois, l’Union européenne ne parviendra à faire entendre sa voix, à être une puissance au regard de la mondialisation, que si une réelle unité existe entre les Européens, condition première d’une politique étrangère commune.
Comme j’ai pu le constater lors d’un récent déplacement au siège de l’Organisation des Nations unies, l’ONU, l’Union européenne a connu un sérieux revers devant l’Assemblée générale des Nations unies, puisqu’elle s’est vu refuser, le 14 septembre dernier, la possibilité, pourtant prévue par le traité de Lisbonne, de s’exprimer en tant que telle dans cette enceinte, comme le faisaient jusqu’à présent les représentants de la présidence semestrielle. Or cela aurait permis de renforcer la visibilité politique et l’efficacité de l’Union européenne au sein des Nations unies. La leçon est claire : à l’ONU, l’Union européenne n’est pas considérée comme une puissance ; elle n’inspire pas le respect.
Monsieur le ministre, de votre point de vue, quelles sont les raisons de cet échec et quelle stratégie les États membres entendent-ils suivre pour renforcer la position de l’Union européenne au sein de l’ONU ?
Je souhaite maintenant dire un mot à propos du Monténégro et de l’élargissement de l’Union européenne aux pays des Balkans occidentaux.
Le Conseil européen devrait décider s’il accorde, ou non, le statut de pays candidat au Monténégro, comme le recommande la Commission européenne. La France est-elle prête à donner son accord ? Plus généralement, quelles perspectives se dessinent actuellement à propos du processus de rapprochement des pays des Balkans occidentaux avec l’Union européenne ?
Enfin, avec la crise économique, l’on constate que la réduction des budgets de défense en Europe s’accentue, en total décalage avec les évolutions observées partout ailleurs dans le monde, notamment en Asie et au Moyen-Orient. L’effort de défense fait partie intégrante de la stratégie de puissance des grands pays émergents. Dans ces conditions, l’Europe ne risque-t-elle pas de perdre progressivement tout moyen de peser sur la scène internationale ?
À cet égard, je me félicite des récents accords franco-britanniques intervenus en matière de défense. Le renforcement de la coopération entre la France et le Royaume-Uni, pays qui représentent à eux seuls la moitié des dépenses militaires de l’Europe, constitue une avancée majeure et un exemple concret d’une coopération européenne souple et pragmatique, appuyée sur une vision commune.
Avec les commissions chargées de la défense à l’Assemblée nationale, à la Chambre des Communes et à la Chambre des Lords, nous venons d’ailleurs de créer un groupe de suivi de cette coopération bilatérale de défense.
Monsieur le ministre, quel est le point de vue de la France sur la proposition germano-suédoise visant à recenser les différentes capacités qui pourraient faire l’objet de mutualisations en Europe ? Il ne faudrait pas, en effet, que cette initiative se traduise par une simple gestion de la pénurie. Il faut au contraire qu’elle s’inscrive dans la perspective d’une réelle amélioration des capacités militaires européennes, en lien avec les ambitions d’une véritable politique de défense commune.
Je souhaite aussi connaître votre sentiment sur le suivi parlementaire de la politique de sécurité et de défense commune.
Le Sénat a adopté une résolution dans laquelle il estime indispensable que la disparition de l’assemblée de l’Union de l’Europe occidentale soit subordonnée à la mise en place d’une structure permettant aux parlements nationaux d’exercer un suivi effectif et régulier des questions de défense à l’échelon européen.
Notre conviction est que les parlements nationaux doivent avoir leur mot à dire sur les questions de défense, car ce sont eux qui votent les budgets ou qui autorisent l’envoi de troupes à l’étranger. Si nous ne parvenions pas à un accord à vingt-sept sur une structure à la fois souple et efficace, pourquoi ne pas imaginer une coopération sur une base volontaire entre les parlements qui souhaiteraient s’y associer ?
Comme nombre d’entre nous, j’ai la conviction que la politique étrangère et de la défense est un domaine dans lequel il est désormais impératif d’avancer. Les citoyens attendent une affirmation de l’Europe dans ces matières, affirmation nécessaire à l’équilibre d’un monde multipolaire.