Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, comme elle l’avait fait à l’occasion de l’examen des trois dernières lois de simplification du droit adoptées en 2003, en 2004 et en 2009, la commission des affaires sociales s’est saisie pour avis d’une trentaine d’articles de la proposition de loi qui touchent au droit du travail, à la santé publique et à la simplification des procédures applicables aux personnes handicapées.
Je remercie la commission des lois, et en particulier son rapporteur, M. Bernard Saugey, d’avoir fait confiance à notre commission et à son rapporteur pour avis pour examiner ces dispositions et émettre un avis sur les amendements portant sur les secteurs de compétence de la commission des affaires sociales. Il me paraît très positif que, grâce à la coopération organisée par la commission saisie au fond, toutes les commissions concernées aient pu être associées à l’élaboration du texte de la commission des lois aujourd’hui soumis au Sénat.
Notre commission des affaires sociales a toujours soutenu, dans son principe, la démarche de simplification du droit. La complexité et les fréquentes modifications des codes et des lois applicables dans le domaine social ne peuvent en effet que nous convaincre de la nécessité d’élaguer les textes confus ou obsolètes et de rendre la loi plus lisible et plus accessible.
Mais nous sommes également sensibles à la nécessité d’éviter deux écueils.
Il faut d’abord se garder d’oublier que la politique de simplification du droit doit aussi comporter un volet préventif. Il convient de rechercher la clarté, la concision et la rigueur dès la rédaction des projets et propositions de loi, y compris d’ailleurs des propositions de loi de simplification du droit ! Il importe donc de laisser au Parlement le temps nécessaire à un examen approfondi des textes, d’éviter la multiplication des habilitations législatives et la ratification expéditive des ordonnances. Par ailleurs, les lois de simplification du droit ne doivent pas devenir des lois « portant diverses dispositions », auxquelles on rattache des mesures qui n’ont pas trouvé place ailleurs, et qui mériteraient parfois un examen plus approfondi.
C’est dans cet esprit que la commission des affaires sociales a élaboré l’avis qu’elle a rendu sur le texte adopté par l’Assemblée nationale, et que je me prononcerai en son nom sur certains des amendements que nous examinerons au cours du débat.
Le texte transmis au Sénat comportait déjà quelque 200 articles. C’est pourquoi le premier souci de la commission des affaires sociales a été d’éviter d’y insérer des dispositions additionnelles. Elle a au contraire souhaité l’alléger.
Elle a d’abord proposé de supprimer plusieurs articles qui avaient davantage vocation à figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale ou dans une loi de finances que dans une loi de simplification du droit.
Suivant ses propositions, la commission des lois a ainsi supprimé l’article 23, relatif à la simplification des obligations sociales imposées aux employeurs étrangers, qui a été repris dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, et l’article 51, qui a trait au régime de la taxe perçue au bénéfice de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
De même, bien qu’avec quelques regrets, la commission des affaires sociales a proposé de supprimer l’article 9 bis, qui, certes, pouvait permettre une meilleure prise en compte des conjoints des bénéficiaires du RSA pour le calcul de l’allocation, mais faisait peser sur les départements des charges nouvelles non compensées, ce qui n’était pas admissible.
La commission des affaires sociales a également proposé la suppression de plusieurs articles de transposition de la directive « Services », qui avaient été repris, souvent dans une meilleure rédaction, dans le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques. Il était en effet prévu que ce projet de loi, déposé en septembre dernier sur le bureau de l’Assemblée nationale, soit adopté avant la fin de l’année.
Comme il n’a finalement pas encore été inscrit à l’ordre du jour, le Gouvernement insiste maintenant pour que ces mesures de transposition soient rétablies ou introduites dans cette proposition de loi, dans l’espoir qu’elles seront définitivement adoptées avant que la France ne soit condamnée à payer des amendes en raison du retard de transposition de cette directive.
Je regrette quelque peu cette façon de procéder, qui nous prive d’un débat approfondi et cohérent sur les enjeux de la directive et les modalités de sa transposition. Mais nous aurons l’occasion d’y revenir au moment de l’examen des articles.
Enfin, la commission des affaires sociales a aussi proposé, mais cette fois pour des raisons de fond, la suppression de diverses mesures de simplification concernant les aides aux handicapés, qui ne nous sont pas apparues très pertinentes.
Cependant, je tiens à vous rassurer, mes chers collègues, la commission a tout de même approuvé, sous réserve, pour certaines d’entre elles, d’amendements de forme ou de fond, la grande majorité des dispositions de la proposition de loi dont elle était saisie. À cet égard, je me bornerai à donner quelques exemples.
En ce qui concerne le droit du travail, on peut ainsi relever la décision d’appliquer le droit commun des congés payés aux salariés rémunérés avec le chèque emploi associatif. J’ai cependant souhaité maintenir le système actuel pour les associations les plus petites, afin de ne pas compliquer leurs formalités administratives. Il convient également de rappeler la mesure visant à la simplification des règles de tenue de compte pour les petits syndicats et celle qui tend à l’aménagement, pour les personnes morales de droit public donneurs d’ordre, du dispositif de responsabilisation en matière de lutte contre le travail dissimulé.
Dans le domaine de la santé publique, je mentionnerai la simplification du traitement des demandes d’ouverture d’établissements pharmaceutiques de gros par les associations et organismes à but non lucratif et à vocation humanitaire, le renouvellement par les pharmaciens des prescriptions de certains médicaments destinés aux malades chroniques ou de contraceptifs oraux, la simplification des textes réprimant l’usurpation de la qualité de pharmacien et, enfin, la simplification des conditions de recours aux salariés et agents publics membres de la réserve sanitaire.
Lorsque j’ai été consultée par la commission des lois sur l’adoption des amendements qui lui avaient été soumis, je me suis naturellement conformée aux orientations qui avaient déterminé les positions de la commission des affaires sociales, à savoir, notamment, le souci de ne pas transformer le texte en une « loi portant diverses mesures d’ordre social ».
J’ai donc émis des avis défavorables concernant l’intégration de dispositions sans rapport avec la simplification du droit, quel que puisse être par ailleurs leur intérêt, surtout si elles relevaient de sujets que l’on peut difficilement traiter par le biais d’un amendement ponctuel. Nous évoquerons certains de ces amendements au cours de notre débat.
En revanche, plusieurs amendements m’ont paru susceptibles d’enrichir le texte, par exemple ceux qui visent à aménager les modalités de prélèvement des contributions d’assurance chômage – article 23 bis – ou à permettre, en comblant un vide juridique, la rupture du contrat de travail à durée déterminée en cas d’inaptitude du salarié – article 27 nonies.
Une partie des mesures que je viens d’énumérer ont, certes, leur utilité. La commission des affaires sociales a toutefois le sentiment que, sur les sujets qui la concernent, l’apport de ce texte est, au final, assez modeste.
Une telle situation devrait nous inciter à réfléchir à une évolution de notre méthode de simplification du droit. Peut-être faudrait-il envisager, à l’avenir, des textes plus ciblés, précédés d’une véritable concertation avec les acteurs concernés, qui chercheraient à simplifier des législations complexes, sans dissocier la forme et le fond du droit.
Je conclus ce trop long propos en vous indiquant, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, que la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur les dispositions dont elle était saisie, telles qu’elles figurent dans le texte de la commission des lois.