Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, depuis la fin du XVIIIe siècle et jusqu’à récemment, le droit français a représenté un modèle dont s’inspiraient de nombreux États dans le monde. Il constituait alors un ensemble cohérent, intelligible, rédigé dans une langue claire, dense et précise.
Force est de constater que, aujourd’hui, ces caractéristiques se sont pour le moins altérées, et cela pour diverses raisons : l’importance des normes européennes et internationales que nous devons transposer dans notre ordre juridique interne ou encore le transfert de compétences de l’État aux collectivités territoriales.
Le droit positif de notre pays assure l’unité de celui-ci. Il est l’indispensable garant de l’égalité entre tous ; c’est la raison pour laquelle il doit être accessible à chacun. Or l’accumulation de textes, dont nous sommes d’ailleurs les premiers responsables, a conduit à le complexifier et à l’éloigner quelque peu de nos concitoyens.
Alors que l’intelligibilité et l’accessibilité du droit ont valeur constitutionnelle, notre droit est paradoxalement devenu si complexe et obscur que nos concitoyens s’y perdent. Notre pays souffre aujourd’hui d’un trop-plein de lois et de règlements. Comment le principe selon lequel nul n’est censé ignorer la loi peut-il s’appliquer réellement dans ces conditions ?
Cette complexité est lourde de conséquences, ainsi que l’a régulièrement souligné le Conseil d’État depuis 1991. La loi doit être claire, intelligible, stable et cohérente. Trop difficile à comprendre, la règle est souvent mal appliquée ou pas appliquée du tout.
Le second risque inhérent à cette complexité est celui de la fragilité de la règle édictée : il y va de la sécurité juridique des actes et décisions, donc du bon fonctionnement de la démocratie.
Le groupe UMP se félicite par conséquent de cette initiative législative et de l’important travail fourni afin de supprimer de nombreuses dispositions incohérentes ou inutiles.
Il ne s’agit pas, pour autant, de fustiger une éventuelle boulimie législative ou réglementaire : nul ne peut pointer du doigt un législateur dont l’intention est d’apporter une solution concrète à tel ou tel problème. Mais, bien souvent, les lois sur un même sujet se succèdent et viennent brouiller le message.
Notre droit peut donc quelquefois ressembler à un enchevêtrement de mesures, à un imbroglio juridique au sein duquel les justiciables et les administrés sont trop souvent perdus. Il est de notre responsabilité d’aider les Français à y voir plus clair dans ce que beaucoup considèrent encore comme un capharnaüm.
Pour la troisième fois sous cette législature, il nous est proposé de nous prononcer sur une proposition de loi visant à simplifier notre droit. Celle-ci s’inscrit entièrement dans l’esprit des deux précédents textes, de 2007 et de 2009. Elle est issue d’une très large concertation avec les professionnels concernés.
Enfin, comble de la légitimité, ce texte est le premier à avoir été soumis par l’Assemblée nationale au Conseil d’État, lequel a émis un avis favorable à la proposition de loi sous le bénéfice d’observations et de suggestions de rédaction.
L’ambition qui sous-tend cette proposition de loi est résumée par le titre de celle-ci : elle vise à simplifier et à améliorer la qualité de notre droit. Il s’agit, plus particulièrement, d’abroger un grand nombre de textes désuets, de clarifier bien des pans de notre législation, d’alléger les procédures, de corriger des erreurs de rédaction et de simplifier, voire de supprimer, certaines démarches administratives qui pèsent sur nos concitoyens.
Enfin, de nombreux articles tendent à conformer notre droit aux exigences européennes, avec la transposition de plusieurs dispositions de la directive Services simplifiant l’exercice de certaines professions.
Nous sont ainsi proposées des mesures concrètes qui concernent l’ensemble de la société. Certaines d’entre elles simplifieront réellement la vie des Français. Je prendrai deux exemples parlants pour les élus que nous sommes, nous qui sommes régulièrement confrontés à ce genre de remarques.
Premièrement, les administrations auront désormais l’obligation d’échanger entre elles les pièces justificatives nécessaires aux démarches des usagers, lorsque ce sont elles qui les détiennent, afin que les usagers n’aient plus à produire à nouveau des justificatifs qu’ils ont déjà adressés à une administration.
Deuxièmement, les autorités administratives devront désormais informer de leur erreur les citoyens qui ont produit une demande comportant un vice de forme et leur indiquer quelle démarche poursuivre.
Ces mesures permettront de continuer l’effort engagé afin d’améliorer le service rendu au public par nos administrations.
Sans entrer dans le détail, certaines mesures témoignent d’une volonté de cohérence et d’allégement des procédures : meilleur traitement des informations par les autorités administratives, traitement plus humain de certains cas de handicap, simplification dans le domaine de la santé, chasse aux rapports inutiles ou facilitation de la lutte contre la corruption ; autant de mesures décisives qui aideront les particuliers, les professionnels ou même les collectivités territoriales.
De nouvelles dispositions permettront une simplification dans la gouvernance des entreprises. Ainsi les petites entreprises soumises au régime simplifié d’imposition pourront-elles utiliser une annexe comptable très simplifiée, selon un modèle qui sera fixé par l’Autorité des normes comptables. Ces entreprises pourront également tenir leur comptabilité en cours d’exercice, selon des règles simplifiées. Il en résultera une réduction non négligeable des coûts, sans pour autant que la fiabilité de la comptabilité et de l’information financière y perde.
Les groupements d’intérêt public, objet d’un chapitre entier, se voient enfin dotés d’un statut qui est cohérent et souple ; il sera donc utilisé davantage et permettra à des personnes morales de droit public, et même de droit privé, de travailler ensemble. Les collectivités territoriales disposeront ainsi d’un outil amélioré.
Les administrations elles-mêmes ne sont pas oubliées. Nous le savons bien, les assemblées votent régulièrement des dispositions impliquant la remise d’un rapport qui n’est pas toujours justifié. L’article 34 a été modifié par la commission des lois pour continuer de mettre en œuvre la logique de « chasse aux rapports », qui a longtemps prévalu, avec l’abrogation automatique de tout rapport au Parlement au bout de cinq ans.
En outre, les autorités administratives pourront être plus efficaces dans leurs consultations préalables à la prise d’une décision affectant des organismes ou des administrés, grâce à la possibilité nouvelle qui est offerte d’utiliser Internet ou tout autre moyen pour organiser des consultations ouvertes auprès des personnes concernées.
Enfin, un certain nombre de commissions administratives inutiles seront supprimées.
Il nous est également proposé, au travers de ce texte, d’abroger quarante-quatre lois ou articles devenus désuets ou obsolètes et de tirer les conséquences du défaut d’adoption de textes d’application.
Il est vrai que cette proposition de loi, longue de deux cent six articles après le vote de l’Assemblée nationale, comporte des mesures extrêmement hétérogènes.
Par définition, les textes de simplification du droit couvrent un champ extrêmement large et des notions très différentes y sont abordées : dispositions relatives aux fichiers de police, articles relatifs à la protection de l’identité, aux groupements d’intérêt public, à l’urbanisme... Le texte sur lequel nous avons eu à travailler était dense et manquait parfois de clarté et de concision.
Je souhaite remercier le rapporteur et les rapporteurs pour avis de leur travail minutieux et décisif, car ils nous présentent aujourd’hui un texte plus cohérent, indispensable à la bonne compréhension du droit.
Je ne reviendrai pas sur les autres points brillamment développés par nos rapporteurs. Toutefois, je tiens à saluer cet effort essentiel du Sénat pour recentrer le texte sur son objet simplificateur.
Ainsi, mes chers collègues, vous avez souhaité supprimer les articles relatifs à la réforme du droit de préemption, en distinguant notamment le droit de préemption urbain de celui qui s’applique en matière de périmètres d’aménagement – une réforme d’ampleur, insérée dans le texte lors des débats à l’Assemblée nationale. Nous nous réjouissons de cette suppression.
Vous nous proposez également de supprimer l’article 40, qui donnait, à titre expérimental, aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d’appel une mission consultative sur les actes administratifs auprès des collectivités territoriales. En raison de cet article, en effet, le respect de délais de jugement raisonnables risquait d’être mis en cause.
Mes chers collègues, nous faisons aujourd’hui œuvre utile. Simplifier le droit est un acte essentiel et nécessaire, non seulement afin d’assurer une plus grande sécurité juridique, de garantir, au nom de l’économie, une plus grande souplesse et de rationaliser le travail des services publics, mais aussi afin d’améliorer le fonctionnement de nos institutions.
Les observations régulièrement formulées sur la nécessité de légiférer moins pour légiférer mieux apparaissent totalement fondées lorsque l’on constate tout le travail que nous devons fournir a posteriori.
C’est un fait : le champ de la proposition de loi est très large. Le travail de nos commissions a cependant permis de recentrer le texte sur son objet initial. Les mesures qui y sont prévues constituent ainsi des avancées concrètes et utiles pour atteindre notre objectif commun, largement partagé sur toutes les travées de cet hémicycle.
L’attente était forte chez nos concitoyens : entrepreneurs, élus locaux, juges et fonctionnaires. Nous nous devions d’agir avec résolution, afin de permettre à tous de comprendre les règles qui régissent notre vie en société. Pour cette raison, le groupe UMP adoptera avec conviction cette proposition de loi.