Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’examen de ce texte nous replace dans le contexte que nous avons connu il y a quelques mois : les réactions dans notre hémicycle en sont la preuve.
Nous voilà en effet en train de débattre, une fois encore, de la mise en place d’un élu dont nous savons pertinemment que la création est un non-sens : le conseiller territorial.
En première lecture, le Gouvernement et sa majorité avaient délibérément choisi d’ignorer les arguments qui, déjà, plaidaient en défaveur de cet élu « nouvelle formule » : ceux-ci étaient pourtant très nombreux, et même trop nombreux…
Comme cela a déjà été dit, l’un d’entre eux, particulièrement fondé, suffisait, à notre sens, à justifier l’abandon de la réforme envisagée : il s’agit du constat d’une inflation disproportionnée des conseils régionaux et d’un écart entre les nombres des élus dans les différents départements.
Le Conseil constitutionnel n’a entendu cet argument que de façon très partielle. C’est pourquoi nous nous trouvons aujourd’hui saisis d’un tableau de répartition différant seulement à la marge de celui qui nous fut proposé en première lecture. Les deux sont souvent identiques à un ou deux postes près, ce que notre ami Collombat a excellemment exposé.
Aussi rien n’est-il résolu sur le fond : pas davantage aujourd’hui qu’hier, la légitimité, la nécessité et l’utilité du conseiller territorial ne sont avérées. (
Le statut de cet élu demeure identique. Il s’agira d’un élu hybride : ni vraiment régional, ni vraiment départemental, il sera un peu les deux sans être pleinement ni l’un ni l’autre.
Cette situation posera évidemment un problème de gouvernance. À cet égard, j’attends toujours que l’on m’explique comment un élu représentant à la fois deux collectivités s’y prendra pour articuler et hiérarchiser les intérêts propres à chacune d’elles…
Peut-être la création de cet élu annonce-t-elle une « super-cantonalisation » des régions ? En vérité, nul ne le sait aujourd’hui – c’est bien là que réside le problème.
Pour moi, il est tout à fait inconséquent de créer un nouvel élu sans avoir préalablement réfléchi à sa pertinence, ni surtout sans avoir déterminé précisément son rôle et le champ de sa compétence. En réalité, comme cela a déjà été dit, vous créez ex nihilo un élu hors sol, en espérant que son existence suffira à justifier son utilité : je doute pour ma part qu’il s’agisse d’une raison suffisante…
Je suis en revanche certain que la création du conseiller territorial manifeste l’incompréhension par le Gouvernement du fait territorial, voire sa volonté de le nier.
Les Français ont soif de proximité : ils veulent des élus proches d’eux, et la possibilité d’agir en s’investissant dans l’action publique au quotidien.
Les collectivités locales ont su répondre à cette attente. Pourtant, le Gouvernement n’a qu’un seul objectif : éloigner les centres de décision des Français, en accord avec la doxa imposée par la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Nous avons déjà vu les effets de cette politique avec la création des agences régionales de santé, puis la recentralisation des réseaux consulaires à l’échelle régionale. La création du conseiller territorial en constitue une expression supplémentaire.
Au lieu de rapprocher le citoyen de ses représentants, vous voulez l’en éloigner ; ce qui était, hier, la force des collectivités risque de devenir, demain, la faiblesse des départements et des régions. On tourne ainsi le dos à trente années de décentralisation, au nom d’une loi de circonstance dont l’unique objectif consiste à stigmatiser les collectivités ainsi qu’à les opposer pour mieux les affaiblir !