Séance en hémicycle du 7 juin 2011 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Par lettre en date du 6 juin 2011, le Gouvernement a demandé l’inscription à l’ordre du jour de la séance du jeudi 9 juin 2011 de la suite de l’examen de la proposition de loi relative au gaz de schiste.

Acte est donné de cette demande.

L’ordre du jour des jeudi 9 et vendredi 10 juin 2011 s’établit donc comme suit :

Jeudi 9 juin

À 9 heures 30, à 15 heures, après les questions d’actualité au Gouvernement, et le soir :

1°) Suite de la deuxième lecture du projet de loi relatif à la bioéthique ;

2°) Suite de la proposition de loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches.

Éventuellement, vendredi 10 juin

À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :

- Suite de l’ordre du jour de la veille.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Conformément aux dispositions de l’article 71-1 de la Constitution, M. le Premier ministre, par lettre en date du 3 juin 2011, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente sur le projet de nomination de M. Dominique Baudis aux fonctions de défenseur des droits, qui doit intervenir après application du dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président du Sénat a reçu de M. Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers, le huitième rapport annuel de cet organisme établi pour l’année 2010 en application de l’article L. 621-19 du code monétaire et financier.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Ce rapport a été transmis à la commission des finances. Il est disponible au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

J’informe le Sénat que la question orale n° 1289 de Mme Françoise Férat est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. Mes chers collègues, il m’est particulièrement agréable de saluer la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation du groupe d’amitié du Conseil national de la République slovaque conduite par sa présidente, Mme Jana Zitnanska, et accompagnée de l’ambassadeur de Slovaquie, M. Marek Estok.

M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Cette délégation, accueillie par le vice-président du groupe, notre collègue Robert del Picchia, s’intéresse particulièrement à notre système de protection sociale et de politique familiale. Elle sera reçue ce jeudi dans l’Oise par notre collègue André Vantomme, président du groupe d’amitié.

Les liens d’amitié historiques unissant nos deux peuples se sont ces dernières années renforcés de partenariats économiques et culturels dynamiques.

En notre nom à tous, je veux dire à nos hôtes combien nous sommes heureux de les recevoir.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région (projet n° 500, texte de la commission n° 552, rapport n° 551).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010, longuement débattue au Sénat à l’automne dernier, a institué le conseiller territorial.

Ce nouvel élu est appelé à remplacer, à compter de 2014, les 3 900 conseillers généraux et 1 757 conseillers régionaux concernés par le périmètre de la réforme.

La loi portant réforme des collectivités territoriales, notamment son volet relatif à la dynamique communale et intercommunale, est d’ores et déjà en phase d’application, comme l’a souhaité le Parlement.

Le volet relatif à la création du conseiller territorial doit, quant à lui, faire l’objet d’un ajustement.

En effet, le Conseil constitutionnel, qui a validé la quasi-totalité des innovations de cette réforme, a toutefois considéré dans sa décision du 9 décembre 2010 que le tableau de répartition des conseillers territoriaux ne prenait pas suffisamment en compte les équilibres démographiques dans six des quatre-vingt-seize départements concernés. Ces six départements, appartenant à autant de régions différentes, sont l’Aude, le Cantal, la Haute-Garonne, la Mayenne, la Meuse et la Savoie.

La Haute Juridiction a considéré que les écarts de représentation des conseillers territoriaux des départements d’une même région par rapport à la moyenne régionale devaient se situer dans une stricte fourchette de plus ou moins 20 %, étant entendu que l’appréciation de ces écarts devait être portée sans prendre en compte les départements dans lesquels le seuil minimum de quinze conseillers territoriaux est appliqué – je rappelle que ce seuil a été retenu pour assurer une représentation minimum des territoires et qu’il a été validé par le Conseil constitutionnel.

Au regard de ce mode de calcul des écarts, il a estimé que les effectifs attribués aux six départements que j’ai cités méconnaissaient le principe d’égalité devant le suffrage.

Il a donc censuré l’article 6 de la loi adoptée définitivement par le Parlement le 17 novembre 2010, qui fixait, à partir de mars 2014, les effectifs des conseils généraux et des conseils régionaux.

Le texte qui est aujourd’hui soumis à votre examen, mesdames, messieurs les sénateurs, a pour unique objet de tirer les conséquences des exigences formulées par le Conseil constitutionnel.

Le nouveau tableau des effectifs annexé au projet de loi est donc inchangé dans seize des dix-sept régions n’ayant pas fait l’objet de remarques de la part de la Haute Juridiction, et se borne à modifier de façon minimale les effectifs au sein des régions pointées du doigt par le Conseil constitutionnel afin de respecter le « tunnel » de plus ou moins 20 % d’écart par rapport à la moyenne régionale.

Le nouveau tableau des effectifs reprend donc ceux qui ont été validés par le Conseil constitutionnel et procède à un ajustement spécifique pour la Guadeloupe.

En effet, dans sa décision du 9 décembre 2010, le Conseil constitutionnel a validé non seulement le principe de la création du conseiller territorial, mais aussi la répartition des effectifs dans seize régions.

La répartition précédemment retenue doit être analysée à la lumière des derniers chiffres de population des départements authentifiés par le décret du 30 décembre 2010. Toutefois, ces chiffres ne modifient qu’à la marge les écarts de représentation des conseillers territoriaux des départements des régions en cause par rapport à la population moyenne régionale, de sorte que le « tunnel » de plus ou moins 20 % est toujours respecté.

C’est la raison pour laquelle vous retrouvez dans le tableau annexé au projet de loi des effectifs de conseillers territoriaux qui sont exactement les mêmes que ceux que vous avez examinés et adoptés à l’automne dernier.

Le Gouvernement propose par ailleurs un ajustement spécifique à la Guadeloupe, souhaité par les élus de cette collectivité et autorisé par la décision du Conseil constitutionnel.

Dans cette région monodépartementale, le nombre des futurs conseillers territoriaux est porté de 43 à 45, pour mieux tenir compte des réalités démographiques d’un archipel constitué de plusieurs îles et assurer une représentation satisfaisante de ses 32 communes.

Cette légère correction, justifiée par cette situation très particulière, permettra d’atténuer la très forte réduction du nombre des élus régionaux et départementaux qu’entraînait, par rapport à la baisse constatée au niveau national, le nombre de 43 retenu en novembre 2010 par le Parlement, qui se traduisait par une diminution 48, 8 % du nombre de sièges.

Pour les six départements dont les effectifs ont été invalidés, le projet de loi se limite à des corrections au plus juste, destinées à répondre aux exigences du Conseil constitutionnel.

Le Gouvernement a en effet souhaité que les ajustements à opérer soient les moins pénalisants possibles pour les territoires concernés.

C’est ainsi qu’une correction limitée à un seul siège est suffisante dans les régions Auvergne, Languedoc-Roussillon, Pays-de-la-Loire et Midi-Pyrénées, ce qui porterait le nombre de sièges à 20, au lieu de 21, pour le Cantal, à 26, au lieu de 27, pour l’Aude, à 18, au lieu de 19, pour la Mayenne et à 90, au lieu de 89, pour la Haute-Garonne.

Dans les régions Lorraine et Rhône-Alpes, l’ajustement touche plusieurs départements, mais toujours dans des proportions que le Gouvernement a souhaité minimiser.

En Lorraine, pour que les écarts de représentation restent dans le « tunnel » de plus ou moins 20 %, il faut diminuer de quatre sièges les effectifs de la Meuse, en les ramenant de 19 à 15 sièges. Cette correction, sur laquelle nous reviendrons au travers de l’amendement de M. Claude Léonard, nous est imposée par la décision du Conseil constitutionnel.

Mais cela ne suffit pas à respecter le « tunnel » de plus ou moins 20 % pour les autres départements de la région. Il faut donc diminuer de deux sièges les effectifs des Vosges, qui passent de 27 à 25 sièges, mais également augmenter de deux sièges ceux de la Moselle, pour les porter de 51 à 53 sièges. L’effectif du conseil régional se trouve ainsi ramené de 134 à 130 membres.

Dans le même esprit, dans la région Rhône-Alpes, il faut attribuer 24 sièges au lieu de 25 à la Savoie, et un siège de plus à l’Ain – 34 au lieu de 33 – et à la Drôme – 28 au lieu de 27.

Mesdames, messieurs les sénateurs, grâce aux ajustements ainsi apportés, validés par le Conseil d’État, adoptés par l’Assemblée nationale le 10 mai et votés par la commission des lois du Sénat le 25 mai dernier, les exigences de représentativité formulées par le Conseil constitutionnel sont pleinement satisfaites.

Au total, le nouveau tableau annexé au projet de loi compte un effectif total de 3 493 conseillers territoriaux, soit trois de moins que le tableau censuré.

Il s’écarte en partie de ce dernier, dans dix départements des six régions concernées et en Guadeloupe, en raison du nouveau recensement de population.

Aucun des quatre-vingt-seize départements qui figurent dans le nouveau tableau ne présente, conformément aux exigences du Conseil constitutionnel, un écart de représentation de plus de 20 % par rapport à la moyenne régionale, à l’exception de quatre départements comptant 15 sièges, conformément au seuil minimal que nous avions adopté à l’époque.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

M. Philippe Richert, ministre. Permettez-moi un dernier mot : les dernières élections régionales et cantonales, qui ont donné lieu à des taux d’abstention très élevés, si ce n’est records, me renforcent dans la conviction profonde que le conseiller territorial est une bonne réponse à la désaffection croissante de nos concitoyens pour la politique, y compris locale, celle-là même qui concerne le plus leur quotidien.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Le conseiller territorial, par sa lisibilité, son ancrage et la cohérence qu’il va générer dans l’articulation entre le conseil général et le conseil régional, est de nature à renforcer la confiance de nos concitoyens dans la démocratie locale.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

En écho aux conclusions du rapporteur, Jean-Patrick Courtois, dont je salue l’engagement constant en faveur de la réforme territoriale, je vous invite donc à confirmer votre vote de l’automne et à donner ainsi au conseiller territorial, point central de la réforme territoriale, l’ultime impulsion nécessaire à sa création.

Il est question aujourd’hui non plus de débattre de la mise en place du conseiller territorial, qui a été validée par la loi

Marques de désaccord sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

, mais tout simplement de répondre à l’exigence du Conseil constitutionnel, en faisant en sorte que la représentation des conseillers territoriaux par département ne dépasse pas de plus ou moins 20 % la moyenne régionale. Notre seul objectif, à travers ce texte, est de répondre aux exigences constitutionnelles.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. -- Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après nous être prononcés sur la répartition des conseillers territoriaux par département et par région à l’occasion de nos débats sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, nous sommes aujourd’hui amenés à examiner une nouvelle fois cette question à la suite de la censure du Conseil constitutionnel intervenue le 9 décembre dernier.

En effet, dans sa décision sur la loi de réforme des collectivités territoriales, le Conseil constitutionnel a confirmé que la création des conseillers territoriaux et le mode de scrutin retenu pour leur élection étaient conformes à la Constitution.

Plus précisément, le juge constitutionnel a considéré que la mise en place d’une nouvelle catégorie d’élus siégeant à la fois au département et à la région était conforme tant au principe de la libre administration des collectivités territoriales qu’à celui de la liberté de vote ; de même, il a validé le choix d’un scrutin uninominal majoritaire à deux tours, en estimant que celui-ci ne portait pas « atteinte à l’objectif d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Toutefois, dans la même décision, le Conseil constitutionnel a censuré la répartition des conseillers territoriaux, dont il a estimé qu’elle était contraire au principe d’égalité des électeurs devant le suffrage.

Tout d’abord, je rappelle que le juge constitutionnel a considéré que la mise en place d’un « plancher » de quinze conseillers territoriaux dans chaque département n’encourait aucune censure, puisqu’elle visait un objectif d’intérêt général : « assurer le fonctionnement normal d’une assemblée délibérante locale ». Néanmoins, le Conseil a jugé que l’écart du quotient électoral départemental par rapport à la moyenne régionale était « manifestement disproportionné » dans six départements, où il était supérieur à 20 % : tel était ainsi le cas dans la Meuse, dans le Cantal, en Haute-Garonne, dans l’Aude, en Mayenne et en Savoie. Cet argument a poussé le Conseil à censurer le tableau dans son intégralité, puisqu’il a estimé que les dispositions relatives à la répartition des conseillers territoriaux étaient indissociables les unes des autres.

Tirant les conséquences de cette décision, le présent projet de loi reprend à l’identique les dispositions adoptées par le Parlement en décembre 2010, sauf dans les six régions qui ont justifié la censure du Conseil constitutionnel et sauf en Guadeloupe.

Ainsi, les modifications envisagées par le Gouvernement toucheraient dix départements. Le nombre de conseillers territoriaux passerait : de 21 à 20 dans le Cantal ; de 27 à 26 dans l’Aude ; de 89 à 90 en Haute-Garonne ; de 19 à 18 en Mayenne ; de 19 à 15 dans la Meuse ; de 27 à 25 dans les Vosges ; de 53 à 51 en Moselle ; de 25 à 24 en Savoie ; de 33 à 34 dans l’Ain ; de 27 à 28 dans la Drôme.

Comme vous le pourrez le constater, les changements prévus par le Gouvernement sont marginaux : le nouveau tableau serait aussi proche que possible de celui que nous avions adopté en décembre dernier et les corrections apportées viseraient seulement à tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel. À cet égard, je relève que le tableau établi par le Gouvernement ne laisserait subsister aucun écart de plus de 20 % entre le quotient départemental et la moyenne régionale, comme l’ont confirmé les trois professeurs de droit que j’ai entendus pour préparer mon rapport, à savoir Mme Anne Levade, MM. Didier Maus et Jean-Claude Colliard. Ce texte est donc conforme à la jurisprudence constitutionnelle.

En conséquence, la commission des lois a adopté le présent projet de loi sans modification.

Toutefois, monsieur le ministre, mes chers collègues, nul d’entre nous n’ignore que la réforme des collectivités territoriales charriait de très nombreux enjeux et qu’elle n’était pas limitée – tant s’en faut ! – à la création des conseillers territoriaux : on peut facilement le constater, d’ailleurs, en analysant le contenu des amendements déposés sur le présent projet de loi et dont deux seulement concernent effectivement la répartition des conseillers territoriaux par département et par région...

Il ne saurait donc être question, pour la commission des lois, de reproduire à l’identique les discussions qui ont eu lieu il y a quelques mois, lors de l’examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, et de balayer tous les sujets qui avaient été abordés au travers de ce texte. Ainsi, il est clair que les amendements relatifs, par exemple, à la réforme de la carte intercommunale, qui sont nombreux, constituent des cavaliers et qu’ils ne peuvent pas être intégrés au présent projet de loi sous peine d’être ensuite censurés par le Conseil constitutionnel, auquel je ne doute pas que ce texte sera soumis.

Pour autant, notre hémicycle doit rester un lieu de débats et l’examen du nouveau « tableau » de répartition des conseillers territoriaux doit, pour la Haute Assemblée, être l’occasion de faire le point sur le déroulement de la réforme des collectivités territoriales dans toutes ses composantes. Ce n’est, en effet, qu’en procédant à de tels « retours d’expérience » et en nous faisant l’écho des difficultés rencontrées sur le terrain que nous assurerons la bonne marche de la réforme et que nous ferons en sorte que les élus locaux, que nous représentons, soient réellement écoutés et entendus.

C’est dans cet esprit d’ouverture, monsieur le ministre, que je souhaite soulever trois questions, auxquelles je vous remercierai de bien vouloir répondre.

En premier lieu, je voudrais vous interroger sur la fixation du seuil de passage au scrutin de liste pour les élections municipales, que le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, toujours pendant devant le Sénat, prévoit d’établir à 500 habitants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

… et ne serait-il pas préférable que le scrutin de liste ne concerne que les communes de plus de 1 000 ou 1 500 habitants, ma préférence allant vers 1 500 habitants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Quelles sont les intentions du Gouvernement sur ce dossier, tant sur le fond qu’en termes de calendrier ?

Ensuite, je voudrais poser deux questions sur la rationalisation de la carte intercommunale.

Premièrement, quel sera le sort du bureau des établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, formés, avant 2014, par une fusion entre plusieurs EPCI préexistants ? Pour éviter de créer des frictions inutiles entre les communes membres des établissements fusionnés et pour garantir la représentativité des organes exécutifs intercommunaux, §ne pourrait-on pas envisager que le bureau du nouvel EPCI soit la simple réunion, le regroupement des bureaux antérieurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Deuxièmement, il ne me semble pas légitime que des fusions d’EPCI puissent avoir lieu lorsque les organes délibérants de tous les EPCI concernés expriment, par exemple par le biais d’une délibération, leur opposition à ce projet. Monsieur le ministre, pouvez-vous vous engager à ce que des directives claires soient données aux préfets afin que, dans un tel cas, il ne soit pas procédé à des fusions « de force » qui pourraient porter atteinte au caractère consensuel de la dynamique intercommunale et mettre à mal la coopération territoriale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Telles sont les interrogations que je voudrais porter à la connaissance du pouvoir exécutif, bien qu’elles soient dépourvues de lien direct avec le sujet qui nous occupe aujourd’hui, je vous l’accorde : il convient, en effet, que le Gouvernement prenne la mesure des inquiétudes et des incertitudes…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. … qui ont pu apparaître dans les territoires – notamment dans nos communes – et qui doivent désormais être apaisées.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un ouvrage à paraître prochainement, Pierre Joxe, revenant sur les neuf années qu’il vient de passer au Conseil constitutionnel, note qu’il s’y est souvent trouvé – cela ne vous étonnera pas – minoritaire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

… sinon « solitaire ».

« Ces votes, écrit-il, portaient parfois sur une question purement juridique, presque technique. Dans certains cas, la question de droit tranchée contre mon opinion couvrait un choix politique explicite, mais dont le développement juridique pouvait légitimement prendre différentes formes. Par contre, dans une vingtaine de circonstances, c’est une question politique majeure, posant des problèmes constitutionnels évidents, qui a reçu contre mon gré sa réponse politique, revêtue d’un costume juridique plus ou moins élégant, mais taillé sur mesure. »

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

C’est exact !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

C’est ce que le professeur Jean Rivero résumait avant lui d’une formule inspirée de l’Évangile selon saint Matthieu 23, 24 : « la jurisprudence du Conseil constitutionnel […] “filtre le moustique et laisse passer le chameau”. »

En l’espèce, deux gros chameaux au moins ont passé le chas de l’aiguille.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Le premier a pour nom « tutelle d’une collectivité sur une autre », au moins dans les trois régions composées de deux départements.

Le Conseil constitutionnel juge que, dans ce cas non plus, il n’y a pas tutelle de la région sur les départements. Peut-être, mais le problème est non pas celui de l’éventuelle tutelle de la région sur les départements, mais de la tutelle du plus gros des deux départements sur la région. Contrairement à ce que l’on a pu entendre ici ou là, nous ne sommes ni dans la situation d’avant 1982, où le conseil régional était composé de délégués des conseils généraux, ni dans celle d’aujourd’hui où assemblées départementales et régionales sont élues selon des modalités très différentes tant par le mode de scrutin que par la circonscription de référence.

Nous serons dans la situation totalement nouvelle où, pour reprendre les mots de l’un des théoriciens de la réforme, Hervé Fabre-Aubrespy : « L’assemblée régionale est formée fondamentalement de la réunion des conseils généraux ».

Cela signifie que les conseillers généraux du Bas-Rhin seront automatiquement majoritaires au conseil régional d’Alsace, ceux du Nord au conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, ceux de la Seine-Maritime au conseil régional de Haute-Normandie. Si cela ne s’appelle pas une tutelle du principal département sur la région, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

… qu’est-ce que c’est ? Une appropriation peut-être !

En revanche, le problème ne se pose pas, bien sûr, dans les régions monodépartementales d’outre-mer et cessera de se poser en Alsace, si votre projet aboutit, monsieur le ministre, en raison de la fusion des deux collectivités qui composent cette région. Il y a donc un moyen de réduire un peu l’inconstitutionnalité.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Ce serait bien, merci !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Second chameau : la validation par le Conseil constitutionnel d’un nombre minimum de quinze conseillers territoriaux par département, au nom du « minimum [nécessaire] pour assurer le fonctionnement normal d’une assemblée délibérante locale », mais en méconnaissance des principes sacrés de l’élection sur une base essentiellement démographique et de l’égalité des suffrages.

Ce n’est évidemment pas parce que cette décision arrange bien le Gouvernement que les élus ruraux dont je fais partie s’en plaindront ; censurer ce seuil aurait rendu la gestion des territoires ruraux – déjà très difficile à quinze – totalement impossible.

Mais qu’on le veuille ou non, la fusion du conseiller régional et du conseiller général en un seul conseiller territorial ne permet pas de respecter simultanément le principe d’égalité des suffrages et les impératifs de gestion de vastes territoires peu denses, sauf évidemment pour le Gouvernement et le Conseil constitutionnel chargé de tailler sur mesure le costume juridique destiné à habiller la décision. Pour sauver les apparences et éloigner les soupçons d’arbitraire, celui-ci devra prendre la forme d’une règle censée s’imposer dans tous les cas. Là est le vrai génie politique du Conseil constitutionnel.

Cela commence par la définition d’un ensemble de critères hétéroclites, allant de la fixation d’un plancher minimum par département et d’un plafond maximum par région de conseillers territoriaux à un nombre maximum pour la France, en passant par « une représentation moyenne des habitants par les conseillers territoriaux du département ne s’écartant pas de plus de 20 % par rapport à la représentation moyenne des habitants par les conseillers territoriaux de la région ».

Pourquoi quinze conseillers au minimum et non pas dix-sept, vingt, voire vingt-cinq, si assurer « le fonctionnement normal des assemblées délibérantes locales » est un objectif constitutionnellement recevable ?

Pourquoi 310 conseillers territoriaux, soit 150 % de l’effectif actuel du conseil régional d’Île-de-France ? L’augmentation des effectifs dans la quasi-totalité des conseils régionaux est tellement délirante, comme on le verra, que l’on n’en est pas à vingt ou trente de plus…

Surtout, pourquoi un « tunnel » de 20 % et non de 25 % ou de 30 % ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

La manœuvre commence donc, comme je l’ai dit, par la définition de critères et cela se poursuit avec une règle qui permettra de ne pas les respecter. Le tableau finalement proposé ne respecte pas partout, en effet, le fameux « tunnel ». Plus exactement, il y parvient grâce à un artifice : l’exclusion des départements à quinze conseillers territoriaux du calcul de la moyenne.

Je cite la décision du Conseil constitutionnel : « il revient au Conseil constitutionnel de procéder à l’examen des écarts de représentation au sein d’une même région sans prendre en compte les départements dans lesquels le nombre de conseillers territoriaux a été fixé, en raison de leur faible population, en application de ce seuil ; »

Voila pourquoi la ventilation des sièges de conseillers territoriaux entre les départements de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, par exemple, n’a pas été sanctionnée, ce dont pour ma part je me félicite, bien qu’un conseiller des Hautes-Alpes représente 42 % de la moyenne régionale et trois fois moins d’habitants qu’un conseiller des Bouches-du-Rhône.

En revanche, le tableau initial a été rejeté pour la Lorraine où les écarts étaient moindres : un conseiller de la Meuse y représentait 59 % de la moyenne régionale et deux fois moins seulement – contre trois – qu’un conseiller du département le plus peuplé de la région, la Moselle.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Les régions Lorraine, Auvergne, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Pays-de-la-Loire et Rhône-Alpes, dont les effectifs ont été censurés, sont les moucherons nécessaires pour faire croire à l’indépendance du Conseil constitutionnel et à l’objectivité quasi mathématique de ses décisions. C’est tellement clair que je ne m’y attarderai pas.

Le Gouvernement est donc parvenu au terme de la partie législative de son projet de reconquête des départements et des régions. Reste le plus difficile : la partie pratique et politique lors des prochaines échéances.

Pour nous en tenir au débat de ce jour, la conclusion qui s’impose est celle d’un immense gâchis.

Les élus de proximité seront plus rares là où ils seraient les plus utiles, en zone rurale, et plus nombreux encore dans les zones urbaines, où ils ne seront pas plus proches de leurs électeurs après la réforme que ne le sont les conseillers généraux et régionaux d’aujourd’hui. S’ils sont élus d’une métropole, ils ne pourront même pas intervenir dans les domaines de compétence départementale ou régionale transférés, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes. Et que l’on ne vienne pas me dire que les territoires ruraux gagneront en représentation régionale ce qu’ils perdent en représentation départementale !

Tout d’abord, la collectivité qui compte le plus pour ces territoires, c’est le département et non la région. Or, s’il y a plus de conseillers régionaux de départements ruraux qu’actuellement, il y aura, en revanche, moins de représentants des territoires ruraux au conseil général, sinon au conseil régional. En effet, le redécoupage des cantons favorisera les parties les plus urbaines des départements, qu’ils soient ruraux ou urbains, où se concentre l’essentiel de la population.

Ensuite, le fait de prétendre que, plus nombreux, ils pourront mieux se faire entendre dans des assemblées régionales pléthoriques est pour le moins contestable. C’est d’ailleurs là que se pose le deuxième problème pratico-politique : il suffit de regarder le tableau qu’on nous demande d’adopter pour prendre peur !

Dans toutes les régions, soit les effectifs augmentent soit ils explosent.

Avant la réforme, six conseils régionaux métropolitains présentaient des effectifs inférieurs à 50 membres, onze d’entre eux avaient des effectifs compris entre 50 et 100 membres et trois d’entre eux des effectifs compris entre 100 et 200 membres, l’Île-de-France, avec 209 membres, étant la seule région à dépasser ce plafond.

Après la réforme, aucun conseil régional ne présentera des effectifs inférieurs à 50 membres : dans trois conseils régionaux, les effectifs seront compris entre 50 et 100 et, dans treize d’entre eux, ils seront compris entre 100 et 200. Les effectifs des cinq conseils régionaux les plus importants s’échelonneront de 211 à 308 membres.

Et, cerise sur le gâteau, malgré la baisse globale des effectifs des conseillers généraux, ceux-ci voient leurs effectifs augmenter dans treize départements, et parfois de manière importante, comme en Haute-Garonne, avec une augmentation de 70 %, dans les Bouches-du-Rhône, avec une augmentation de 31, 5 %, dans le Rhône, avec une augmentation de 27, 8 %, ou encore en Gironde, avec une augmentation de 25, 4 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

M. Jean-Louis Carrère. Pour autant, ils ne gagneront pas l’Aquitaine ! Ni les Landes d’ailleurs !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Certes, la réforme n’améliorera pas, tout le monde en conviendra sans doute, la qualité du débat démocratique et du travail fourni, mais les économies substantielles à réaliser au bout du compte justifient, nous dit-on, cette réforme.

Malheureusement, à y regarder de plus près, tel n’est vraiment pas le cas.

Selon l’étude d’impact, l’économie se limiterait à 44, 9 millions d’euros, contre 70 millions d’euros initialement prévus, soit 0, 6 ‰ – je dis bien 0, 6 ‰ ! – des dépenses réelles de fonctionnement des départements et régions.

Toutefois, prudemment, l’étude d’impact ignore l’augmentation prévisible des frais de déplacement et, surtout, des frais de fonctionnement dus à l’explosion des effectifs des conseillers régionaux. Cette même étude ne semble pas non plus avoir intégré que les 108 conseillers généraux parisiens supprimés ne disparaîtront pas. En effet, ils continueront à être indemnisés comme conseillers municipaux de Paris, sauf à créer deux catégories de conseillers parisiens.

À ces études d’impact bidon, nous préférons celles des intéressés, lesquels prévoient, avec la réforme, une forte croissance des dépenses de fonctionnement. Ainsi, selon le président de la région Midi-Pyrénées, celles-ci seraient multipliées par trois pour sa région.

De plus, il reste aussi à financer les constructions ou aménagements d’hémicycles, la construction de nouveaux bureaux, de salles de réunion et de parkings rendus nécessaires par l’explosion des effectifs des conseillers régionaux. Coût prévisionnel : 1 milliard d’euros ! Certes, c’est une bonne nouvelle pour le BTP, mais quel coût !

Chers collègues de la majorité, vous êtes aujourd’hui conviés à boire la lie du calice au motif que la messe est dite depuis décembre 2010 et qu’il est urgent de passer à autre chose. Nous pouvons vous comprendre : certes, c’est vrai, mais seulement provisoirement, car la prétendue « réforme » des collectivités territoriales, qu’il conviendrait plutôt d’appeler une « déforme », si le mot existait, posera de tels problèmes d’application qu’il faudra nécessairement y revenir, que vous le vouliez ou non, et ce quelle que soit l’issue de la prochaine élection présidentielle.

Pour notre part, aujourd’hui pas plus qu’hier, nous ne cautionnerons la mise en pièces des institutions territoriales qui assurent la présence de la République et du service public sur l’ensemble de notre territoire, qui réalisent 70 % de l’investissement public, et dont le niveau d’endettement ne peut que faire rêver l’État !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Et je ne veux pas que mon nom soit associé à une réforme qui a pour première conséquence de multiplier le nombre de conseillers régionaux.

Alors même que notre pays cherche à maîtriser ses coûts de fonctionnement, il augmente le nombre des conseillers régionaux ! Dans ma région, le nombre des conseillers régionaux passe de 49 à 138 ! Qu’allons-nous dire à nos concitoyens ?... Oui, nous voulons maîtriser la dépense publique, mais nous allons augmenter le nombre des conseillers régionaux, car cela coûtera beaucoup moins cher !

Vous pouvez avancer toutes les explications que vous voudrez, il n’y a pas un seul pays démocratique qui suive cette voie ! Et chacun d’entre nous devrait prendre conscience des effets de la mesure que l’on nous demande de voter. Pour ma part, je ne veux pas entrer dans les annales de l’histoire de la République pour avoir voté une telle réforme !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Jacqueline Gourault applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Si encore les objectifs de la réforme, telle la maîtrise de la dépense publique, étaient atteints… Mais nous savons tous que celle-ci coûtera beaucoup plus cher que prévu compte tenu des frais de déplacement, des nouvelles salles de réunion à aménager, du coût de fonctionnement des partis politiques et du coût des personnels administratifs.

Et qu’en sera-t-il de la parité, de l’équilibre entre les hommes et les femmes, au moment même où le débat fait rage ? Ce texte va réduire considérablement la présence des femmes dans les assemblées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

M. Philippe Adnot. À mon avis, dans un tel contexte, on devrait vraiment s’interdire aujourd'hui de voter ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

On nous dit qu’il y aura une meilleure coordination. Mais enfin, avec 138 conseillers régionaux au lieu de 49 dans ma région, ce sera évidemment la foire d’empoigne ! Je ne vois pas comment ce pourrait être plus simple, plus fonctionnel, plus rationnel !

On nous dit également que les responsabilités seraient mieux partagées. Mais ce sera tout le contraire !

En fait, cette réforme a été conçue pour détruire la décentralisation au niveau des régions et des départements, avec la suppression de la clause de compétence générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Monsieur le ministre, en tant que président du conseil général de l’Aube, je suis actuellement le maître d’ouvrage de la réalisation d’une université, qui m’a été confiée par l’État et la région. Avec ce texte, ce ne sera plus possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Je vous le dis très clairement, cette réforme, c’est la fin du droit à l’initiative ! C’est la fin de l’originalité des territoires !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

M. Philippe Adnot. Nous n’avons pas envie de nous ridiculiser. Ne pas voter ce texte, c’est stopper cette réforme et dire très clairement à l’ensemble de la nation que nous avons un devoir d’assistance à organisation territoriale en danger !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la création du conseiller territorial par la loi du 16 décembre 2010 fut, c’est le moins que l’on puisse dire, un accouchement dans la douleur. Or, six mois plus tard, cet enfant mal-né n’est toujours pas viable en dépit des tentatives de réanimation pourtant nombreuses...

Les radicaux de gauche, comme tous les opposants à cette funeste réforme, n’ont pourtant eu de cesse de dire à vos prédécesseurs, monsieur le ministre, à quel point la création de ce nouvel élu hybride et « hors sol » ne répondait à aucun impératif démocratique, ni à aucune nécessité pour le bon fonctionnement des collectivités.

Pis encore, le débat au Parlement, et plus spécialement au Sénat, a été marqué par un véritable passage en force qui en dit long sur la réelle volonté de concertation et la capacité d’écoute du Gouvernement…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

… sur un sujet pourtant essentiel pour l’ensemble de nos concitoyens.

Je ne m’appesantirai pas sur les conditions, disons-le, véritablement ubuesques dans lesquelles la commission mixte paritaire a eu à se prononcer sur ce texte, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

… notamment sur un amendement destiné à arracher à certains sénateurs leur vote sur l’ensemble du projet de loi dans des conditions plus que discutables.

Hélas, le Sénat a fini par céder, et ce pour le plus grand malheur des collectivités.

Et que dire du mode de scrutin dont il ne fallait pas parler initialement, mais qui, soudainement, a été intégré au texte, renvoyant le projet de loi n° 61 au cimetière des belles paroles ?...

Que dire aussi de la répartition des compétences, un sujet fondamental, tant l’organisation institutionnelle des collectivités est devenue, au fil des lois, une usine à gaz, qui risque de paralyser l’action publique locale ?...

Que dire encore de la répartition des conseillers territoriaux par département et par région introduite subrepticement par le Gouvernement au travers d’un amendement déposé nuitamment lors de la première lecture à l’Assemblée nationale, sans même que la commission des lois, contrairement à toute tradition, ait pu l’examiner au préalable ?

Si l’on reproche parfois aux parlementaires de faire un usage excessif de leur droit d’amendement, on peut dire que, en l’espèce, le Gouvernement a complètement détourné le sien de sa finalité, en contournant l’article 39 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

C’est donc bien tout le Parlement qui a été mis devant le fait accompli, pour ne pas dire plus exactement « le fait du prince », …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

… face à une réforme mal conçue dès l’origine, car dogmatique et partisane.

Pourtant, s’il est un sujet qui impose la concertation et la recherche du consensus, c’est bien celui qui touche à nos collectivités territoriales, elles qui œuvrent quotidiennement pour renforcer le lien social et faire fonctionner les services publics.

Monsieur le ministre, les radicaux de gauche étaient à l’origine, vous le savez, ouverts à une remise à plat de la décentralisation, et avaient même salué en leur temps les conclusions de la mission Belot.

Oui, nous étions prêts à discuter de nombreux points : la simplification de la structuration des collectivités, l’intégration des communes isolées, la rationalisation et l’achèvement de la carte intercommunale et celle des syndicats, le développement de la mutualisation des moyens, la mise en place d’une réelle péréquation, ainsi qu’une fiscalité locale plus juste.

Mais l’entêtement du Gouvernement à créer coûte que coûte le conseiller territorial a fini de démontrer que le dialogue n’avait pas sa place dans cette réforme.

Évidemment, on nous opposera – vous le ferez vraisemblablement tout à l’heure ! – que, dans sa décision du 9 décembre dernier, le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel de la réforme. La seule disposition qui a été déclarée inconstitutionnelle concerne précisément la répartition des conseillers territoriaux par département et par région dont nous sommes aujourd’hui saisis. Il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire sur la composition du Conseil et le mode de nomination de ses membres, la question ayant récemment fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité !

Surtout, c’est peu dire que nous n’avons pas été convaincus par les arguments exposés par le Conseil constitutionnel pour donner un quasi-quitus au Gouvernement ; mais c’était prévu et nous n’avons pas été surpris. Il ne s’est finalement préoccupé ni de l’égalité de représentation des citoyens, ni de la parité, ni de la façon dont devront fonctionner des conseils régionaux pléthoriques et des conseils généraux souvent réduits à peau de chagrin, les territoires ruraux étant en particulier les grands perdants de cette réforme, alors qu’ils subissent chaque jour le désengagement de l’État et le démantèlement des services publics !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

M. Jean-Michel Baylet. Au final, l’objectif poursuivi par la création du conseiller territorial est bien dérisoire au regard des besoins urgents des collectivités. Les 3 493 conseillers territoriaux, trois de moins que le tableau censuré, remplaceraient les 5 657 conseillers généraux et conseillers régionaux actuels, pour réaliser une économie d’à peine plus de 60 millions d’euros par an, à comparer – cela vient d’être excellemment dit – au coût de l’agrandissement des hémicycles des conseils régionaux estimé à un milliard d’euros et surtout aux 22 milliards d’euros de dépenses sociales que les départements ont dû financer en 2010 du fait du désengagement de l’État et de son refus d’honorer ses propres engagements.

Bravo ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Monsieur le ministre, la véritable urgence est de rendre enfin aux collectivités les moyens financiers d’une autonomie de décision assumée, et non de les entretenir dans une dépendance maquillée et surtout désastreuse pour nos territoires.

De plus en plus de conseils généraux sont au bord de la faillite ; dans une étude d’avril dernier, l’agence de notation Standard & Poor’s a même estimé que, face à la pression des dépenses sociales qui pèse sur les conseils généraux, le Gouvernement n’a pour le moment apporté que de « simples pansements budgétaires ». En clair, le fonds d’urgence et le fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux n’empêcheront pas « une détérioration des performances financières, voire une impasse budgétaire pour certains départements ».

En conséquence, les radicaux de gauche manifesteront une fois de plus leur opposition en votant contre ce texte, ...

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

C’est dommage !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

M. Jean-Michel Baylet. ... qui, s’il était malheureusement adopté, consacrerait définitivement la création du conseiller territorial.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Marie-France Beaufils. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne doute pas que le Gouvernement se serait bien passé de ce nouveau projet de loi sur la répartition des conseillers territoriaux. Je pense même que, s’il avait pu éviter de soumettre au Sénat cette modification imposée par la décision du Conseil Constitutionnel, il n’aurait pas hésité un instant, tant il doit avoir en mémoire les débats qui se sont déroulés dans notre hémicycle à propos de la création de ce conseiller territorial.

Il doit se souvenir qu’il n’avait pas de majorité pour supprimer les conseillers généraux et régionaux, pour créer ces conseillers hybrides qui finiront par perdre leurs deux têtes, faute de savoir vers quel horizon se tourner, ou par laisser l’une d’entre elles s’atrophier au profit de celle qui embrassera la plus grande vision !

Ainsi, sans une révision constitutionnelle, telle que la préconisait d’ailleurs le rapport du comité Balladur, les départements vont dépérir, s’évaporer. Ils deviendront les administrations déconcentrées des régions, grâce à la mise en place, dès 2014, des schémas d’organisation des compétences et de mutualisation des services entre les départements et la région.

La réforme de l’intercommunalité instituera également une nouvelle répartition des compétences et réduira les pouvoirs des départements. Les élus deviendront peu à peu de simples administrateurs exécutant des politiques publiques nationales de solidarité et des politiques régionales dans les domaines qui leur seront dévolus.

D’ailleurs, avec la diminution de plus de 400 conseillers généraux siégeant dans les assemblées départementales, et des réductions fortes de près de 50 % dans certaines d’entre elles, les élus départementaux ne disposeront plus des moyens nécessaires à la mise en œuvre des politiques publiques de proximité, au plus près des préoccupations de leurs concitoyens.

De surcroît, siégeant aussi à la région, ces élus ne disposeront plus du temps nécessaire à l’écoute et aux montages concertés des solutions à apporter aux besoins et aux attentes exprimés par les habitants de leur département.

En éloignant les élus départementaux de leurs concitoyens, l’objectif affiché par le Gouvernement est, bien entendu, de réduire les dépenses publiques, quitte à réduire la démocratie locale. La proximité incite en effet les élus à mieux répondre aux besoins qui s’expriment. Il est, bien sûr, plus difficile de dire « non », les yeux dans les yeux, à des citoyens forts de leurs attentes et de leurs arguments, que de leur répondre par l’intermédiaire d’un personnel territorial en charge d’assurer la mise en œuvre des politiques définies et n’ayant pas le pouvoir d’amender ces dernières et encore moins d’y déroger.

Mais cette disparition progressive de nos départements ne va pas pour autant renforcer nos régions.

Leurs élus, ces futurs conseillers territoriaux, ne seront plus des élus régionaux, élus sur des programmes d’action de dimension régionale ; ils seront des représentants de cantons.

L’article 5 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales précise que le conseil régional est dorénavant « composé des conseillers territoriaux qui siègent dans les conseils généraux des départements faisant partie de la région. ». C’est clair !

Ainsi, nous revenons sur les lois de décentralisation de 1982, qui transformèrent nos régions en collectivités locales de plein exercice, alors qu’elles avaient été instituées sous la forme d’établissements publics, gérés par des assemblées composées, entre autres, de représentants des départements.

Le même article de la loi de réforme des collectivités territoriales renvoie à l’article 4131-1 du code général des collectivités territoriales qui prévoit que « les régions sont administrées par un conseil régional élu au suffrage universel direct. »

Mais le fait que ceux qui siégeront au conseil régional représenteront désormais les départements crée une réelle ambiguïté juridique entre les deux alinéas de l’article 5 de la loi du 16 décembre 2010 et fait peser un doute sur la compatibilité entre les notions d’élu au suffrage universel direct et de représentant des conseils généraux.

Pour lever cette ambiguïté, il suffira alors de biffer le premier alinéa de l’article L. 4131-1 du code général des collectivités territoriales.

Ainsi, on le voit, la création et le mode d’élection de ce conseiller territorial constituent, en fait, une machine de guerre contre la décentralisation. Elle a pour vocation non seulement de réduire l’action des départements, mais aussi de transformer nos assemblées régionales en limitant leur représentation de la souveraineté populaire.

Si l’on ajoute à cela l’encadrement des compétences des départements et des régions, leur spécialisation et la suppression de leur compétence générale, hormis quelques exceptions comme pour la culture et le sport, on aboutit à la mise en place d’établissements publics territoriaux, véritables administrations déconcentrées qui seront certes gérées par des assemblées d’élus, mais qui ne disposeront que du pouvoir de mettre en œuvre des politiques décidées ailleurs !

Cette recentralisation autoritaire entraînera, de facto, un amoindrissement de la démocratie locale. En effet, en supprimant l’élection à la proportionnelle pour les assemblées régionales, le pouvoir UMP tente de réduire la présence des diverses sensibilités politiques en opposition à sa politique qui existent dans notre pays, afin de favoriser le pouvoir d’un homme et de son parti. Il espère ainsi reprendre les directions régionales que les citoyens lui ont retirées par leur vote.

De plus, chacun reconnaît que ce mode de scrutin est un puissant frein à la présence des femmes parmi les futurs élus.

Pour le Conseil Constitutionnel, rien dans cette loi n’interdit aux femmes de se présenter et d’être élues. De ce fait, la lettre du deuxième alinéa de l’article 1er de la Constitution semblerait ne pas être remise en cause. Mais chacun sait qu’avec cette loi le plafond de verre qui freine l’accession des femmes à des postes de responsabilités électives sera renforcé. Ne pas le reconnaître est hypocrite. Ainsi, l’esprit de notre loi fondamentale est, sans contestation possible, largement ignoré.

Pour finir, permettez-moi de revenir sur le principal argument avancé par le pouvoir pour justifier la création de ce conseiller territorial. Je veux bien entendu parler de cette billevesée qu’est l’annonce d’une prétendue baisse des dépenses grâce à la réduction du nombre d’élus !

Selon l’étude d’impact, la baisse ne représenterait que 0, 5 % des dépenses de fonctionnement. Outre le fait que c’est peu, c’est faire fi d’autres réalités !

En effet, cette baisse relative cache en fait une hausse considérable des coûts pour les régions, qui verront leur nombre d’élus doubler, puisqu’il y aura désormais, avec cette loi, 3 493 conseillers régionaux au lieu de 1 757 actuellement. Quand on sait qu’avec la réforme des finances locales les régions ne lèvent plus d’impôts, on comprend que cette hausse aura des incidences non négligeables sur leur budget et, par conséquent, sur leurs projets.

Mais l’étude d’impact manque de sérieux car, outre les frais d’investissement nécessaire pour construire les nouveaux hémicycles qui accueilleront les nouveaux élus, il faudra aussi d’autres locaux de réunion, d’accueil, et des bureaux.

Il y aura aussi de fortes hausses des frais de fonctionnement qui ne sont pas mentionnées dans l’étude d’impact : coûts de secrétariat, de télécommunications et de déplacements, sans compter les défraiements pour les suppléants dont il a été question lors de nos débats sur la réforme des collectivités locales.

A minima, il y a donc mensonge par omission de la part du Gouvernement sur le coût de cette réforme !

Aussi, après la volonté affichée de réduction du millefeuille institutionnel sous-tendant artificiellement cette réforme, qui s’est finalement soldée par la création de nouvelles strates institutionnelles, voici que la recherche d’économies sur les dépenses d’élus va se solder par des dépenses en hausse !

Ainsi, la preuve est faite que là n’était pas l’objectif de cette réforme ! L’objectif du Gouvernement est clair : c’est la casse de nos institutions locales et de nos services publics locaux, la recentralisation, la réduction de la dépense publique, l’ouverture au privé de nouveaux secteurs d’activité et la mise à mal de la démocratie locale, laquelle fonde pourtant notre République. Les élus l’ont bien compris et, monsieur le ministre, vous en avez d’ailleurs été témoin dernièrement sur le terrain.

Aussi, vous comprendrez pourquoi nous sommes vent debout contre cette réforme des collectivités territoriales, et plus précisément contre ce texte qui fera disparaître les conseillers généraux et régionaux.

En le rejetant, le Sénat rendrait possible une autre réforme. Il n’y a aucune urgence à légiférer, encore moins avec engagement de la procédure accélérée ! Et si en 2012, demain, une autre majorité se rassemble à gauche, nous agirons pour l’abrogation pure et simple de l’ensemble de cette réforme...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun sait ici que je me suis toujours opposée au mode de scrutin pour l’élection des conseillers territoriaux. D’ailleurs, tout à l’heure, la manière dont ce mode de scrutin a été introduit dans le débat par l’Assemblée nationale a été rappelée.

Ce mode de scrutin présente trois désavantages qui ont été rappelés. Le premier est l’inflation des conseillers territoriaux. Le deuxième est la diminution évidente du rôle et du nombre de femmes élues. Enfin, le troisième est selon moi la disparition pure et simple de la notion, de l’esprit, de l’idée même de région !

C’est la raison fondamentale pour laquelle je me suis opposée à la loi de réforme des collectivités territoriales.

Aujourd’hui, nous débattons de la répartition par département et région des conseillers territoriaux, à la suite de l’annulation par le Conseil constitutionnel d’une partie de cette loi. Je ne reviendrai pas sur le détail du texte, d’autres l’ayant fait avant moi. J’ai par ailleurs un trop mauvais souvenir des discussions de marchands de tapis qui se sont tenues au cours des deux lectures.

Il me paraît toutefois souhaitable de rappeler deux points importants à mes yeux.

D’abord, je regrette que, au moment fatidique du vote de la loi de réforme des collectivités territoriales, il n’y ait pas eu plus de voix pour s’y opposer. À mon avis, il est trop tard maintenant pour s’affoler !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Il n’est jamais trop tard pour bien faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Vous pouvez tout de même déplorer une telle situation !

Ensuite, je regrette que cette réforme n’ait pas fait l’objet de deux textes distincts, l’un relatif à l’intercommunalité et l’autre, au conseiller territorial.

Nous le savons bien, si le Gouvernement a choisi de réunir ces deux sujets, c’est parce qu’il savait que la création du conseiller territorial, seule, ne passerait pas. Je rappelle à cet égard que M. Marleix lui-même avait préparé un texte sur l’intercommunalité, et ce depuis fort longtemps.

Par ailleurs, je souhaite évoquer une question dont il n’a guère été question jusqu’à maintenant. Mais peut-être n’ai-je pas prêté une attention suffisante ! Je fais ici allusion au fameux découpage des territoires dans le cadre de l’élection des conseillers territoriaux, à propos duquel nous n’avons reçu aucune information. Le bon sens, en l’occurrence le bon sens paysan, voudrait qu’on tienne compte de l’intercommunalité qui va se mettre en place.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

J’espère que le Gouvernement – vous ne serez pas forcément celui qui tiendra la paire de ciseaux, monsieur le ministre ! – respectera les bassins de vie dont il a lui-même défendu l’existence au cours de l’examen de ce projet de loi, dans le cadre du découpage des futures circonscriptions que seront les circonscriptions territoriales.

À l’instar de M. le rapporteur, je profite de cet instant, monsieur le ministre, pour vous poser deux ou trois questions concernant, de façon plus générale, la réforme territoriale.

D’abord, j’évoquerai le projet de loi n° 61 relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, qui fixera le seuil pour le panachage ou le scrutin de liste.

Comme je l’ai déjà dit au cours de mon intervention dans le cadre des questions d’actualité du 12 mai dernier, et pour reprendre les propos tenus tout à l’heure par M. le rapporteur, si deux communautés souhaitent fusionner avant 2014, la loi leur impose de limiter leur nombre de délégués communautaires et de vice-présidents. Cette contrainte nous avait échappé au cours de l’examen du texte !

M. Dominique Braye proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Il est vrai que vous aviez déposé, monsieur Braye, au cours des deux lectures, des amendements tendant à reporter après 2014 l’application d’une telle mesure.

Il faut bien se rendre compte, monsieur le ministre, qu’une telle évolution constitue un obstacle à la fusion des communautés. Bien évidemment, certaines d’entre elles ne sont pas concernées, puisque le nombre de leurs conseillers communautaires et de leurs vice-présidents est inférieur à la limite imposée. Dans les autres communautés, il est particulièrement difficile de demander à certains élus occupant des fonctions exécutives de renoncer à leur mandat, alors qu’ils travaillent bien, et ce pour permettre à une autre personne de prendre leur place.

J’évoquerai enfin certains bruits qui circulent.

Premièrement, monsieur le ministre, quand examinerons-nous le projet de loi n° 61 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

M. Didier Guillaume. Après l’élection présidentielle !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Deuxièmement, nous avons entendu dire que toutes ces questions pourraient être traitées dans le cadre de la proposition de loi déposée par notre collègue Bernard Saugey.

Quoi qu’il en soit, nous avons besoin de réponses précises sur ces questions ! Je vous rappelle en effet que les élus devront, avant le 31 juillet prochain, avoir pris leur décision concernant d’éventuels changements de périmètre ou fusions. Il convient donc de les rassurer sur ces sujets, et notamment sur les contraintes que je viens de rappeler.

Monsieur le ministre, je vous remercie d’avance de nous donner, sur ces différents points, des réponses extrêmement précises. §

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici aujourd’hui rassemblés pour rediscuter, à la suite d’une censure du Conseil constitutionnel, d’un sujet que nous avons déjà longuement évoqué il y a quelques mois, à savoir les conseillers territoriaux, dont nous avons majoritairement adopté le principe.

La création du conseiller territorial est, quoi que nous ayons pu entendre jusqu’à maintenant, l’une des grandes innovations de la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010, dont le Conseil constitutionnel a d’ailleurs validé les autres dispositions. Elle est l’originalité même de cette grande réforme, que nous avons voulue et soutenue.

Dans son principe, la création du conseiller territorial avait fait l’objet de critiques, notamment du point de vue de sa constitutionnalité. Or, dans sa récente décision, le Conseil constitutionnel a rejeté tous les griefs qui prétendaient remettre en cause l’existence même du conseiller territorial.

Le Conseil a ainsi considéré que cette réforme est conforme au principe de libre administration des collectivités territoriales, puisqu’elle ne porte pas atteinte à l’existence de la région et du département ou à la distinction entre ces collectivités, …

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

M. François-Noël Buffet. … et n’institue pas de tutelle de la région sur le département.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Cette réforme est également conforme au principe de liberté de vote : ce principe ne saurait avoir pour effet d’interdire au législateur de confier à un élu le soin d’exercer son mandat dans deux assemblées territoriales distinctes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Les grands électeurs vous répondront ! Vous aurez leur réponse ! Continuez ainsi !

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

M. François-Noël Buffet. De la même manière, le juge constitutionnel a validé le mode de scrutin que nous avons retenu, à savoir le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, relevant notamment que sa mise en place ne portait pas, par lui-même, atteinte à l’objectif d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je rappelle que ce mode de scrutin renforce la légitimité de l’élu sur un territoire déterminé, …

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Ainsi, ni la création des conseillers territoriaux ni ses modalités d’élection ne posent donc de problème d’un point de vue juridique et constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Cependant, le tableau des effectifs des conseillers territoriaux, auquel renvoyait l’article 6 de la loi de réforme des collectivités territoriales, n’a pas été validé.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Tout en admettant la constitutionnalité d’un minimum de quinze sièges attribués à tous les départements, le Conseil constitutionnel a jugé que les effectifs dont bénéficiaient six d’entre eux méconnaissaient le principe d’égalité devant le suffrage, en raison des écarts disproportionnés de représentation qu’ils entraînaient pour les conseillers régionaux dans leurs régions respectives.

Le projet de loi que vous nous proposez aujourd’hui, monsieur le ministre, a donc pour objet de redéfinir les effectifs des conseillers territoriaux par département et par région, en ne touchant qu’aux régions ayant été invalidées.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’essentiel, mon cher collègue, c’est que la cuisine soit bonne, petite ou grande !

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Lors de l’examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, la répartition du nombre de conseillers territoriaux avait été déterminée en fonction de plusieurs principes directeurs, qui n’ont pas été remis en cause, ce dont nous nous félicitons, par le Conseil constitutionnel.

Ces principes étaient les suivants : dans chaque région, le nombre total de conseillers territoriaux était significativement inférieur au nombre actuel des conseillers généraux et régionaux ; dans chaque région, l’effectif des conseillers territoriaux par département ne pouvait conduire à ce qu’un département plus peuplé dispose d’un nombre de sièges inférieur ou égal au nombre de sièges d’un département moins peuplé ; un maximum de 310 conseillers territoriaux par région avait été retenu ; la carte cantonale était prise en compte, puisque, dans le département le moins peuplé de chaque région, la diminution du nombre de conseillers territoriaux était limitée, autant que possible, au quart de l’effectif actuel, de façon à permettre une fusion deux par deux des cantons concernés, situés le plus souvent en zone rurale ; un minimum de quinze conseillers territoriaux devait être attribué à chaque département ; la représentation moyenne des habitants par les conseillers territoriaux du département ne devait pas s’écarter de plus ou moins 20 % par rapport à la représentation moyenne des habitants par les conseillers territoriaux de la région.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

En d’autres termes, afin de respecter au mieux l’égalité des citoyens devant le suffrage, le ratio entre la population départementale et le nombre de conseillers territoriaux du département devait être compris dans un « tunnel » de plus ou moins 20 %, par rapport au ratio entre la population régionale et le nombre total de conseillers territoriaux de la région.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Qui lui a écrit ce texte ? Il est très mauvais !

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur le ministre, vous avez fait en sorte que les rapprochements démographiques fonctionnent dans le cadre non seulement départemental, mais aussi régional, afin que l’élu le plus familier à nos compatriotes après le maire, à savoir le conseiller général, puisse être à la fois le gestionnaire respecté du département, parce que représentant des assises démographiques comparables, et, pour les domaines de compétence de la région, l’élu qui représente les territoires au sein de l’ensemble régional.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

À l’issue de la mise en œuvre des différents principes directeurs évoqués, le tableau adopté en décembre 2010 comportait 3 496 conseillers territoriaux, à comparer aux 5 657 conseillers régionaux et généraux actuellement élus, ce qui représente – faut-il le rappeler ? – une diminution de plus de 38 %.

Le Conseil constitutionnel a jugé que le rapport entre le nombre de conseillers territoriaux d’un département et la population de celui-ci s’écartait de la moyenne régionale dans une mesure « manifestement disproportionnée » dans six départements, qui ont été rappelés : l’Aude, le Cantal, la Haute-Garonne, la Mayenne, la Meuse et la Savoie.

La nouvelle répartition est donc effectuée, comme vous nous l’avez rappelé, monsieur le ministre, sur la base des chiffres relatifs à la population des départements applicables au 1er janvier 2011.

Ainsi, dans seize des dix-sept régions n’ayant fait l’objet d’aucune critique de la part du Conseil constitutionnel, les effectifs de conseillers territoriaux adoptés par le Parlement dans le tableau censuré sont repris sans aucun changement.

J’évoquerai rapidement la région monodépartementale de Guadeloupe, pour laquelle les modifications proposées renforceront la représentation de la population.

Je ne reviendrai évidemment pas, vous l’aurez compris, sur la volonté de fixer dans la loi le rôle et la fonction du futur conseiller territorial. Certes, il est beaucoup raillé et contesté.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Toutefois, sur le terrain, les élus locaux comprennent, lorsque nous le leur expliquons, sa création et les motifs de cette évolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Piras

Ils ne comprennent pas et ne sont pas d’accord ! Écoutez-les !

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je souhaite insister sur un point qui, de mon point de vue, reste majeur, monsieur le ministre. C’est un constat irréfutable, les dernières élections, quel que soit leur résultat, l’ont encore montré, …

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

M. François-Noël Buffet. Le conseiller régional reste éloigné du territoire, méconnu principalement de la population.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Le conseiller territorial sera un candidat connu des électeurs et responsable devant eux, comme l’était le conseiller général, mais non le conseiller régional. Il disposera d’un territoire délimité et précis. Une telle évolution ne peut pas être considérée comme une régression. C’est un progrès.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La régression, c’est d’éloigner systématiquement l’électeur de celui qui est censé le représenter. Le mandat doit être direct, c’est ainsi que la légitimité est la plus forte.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

M. François-Noël Buffet. Dans ces conditions, monsieur le ministre, le groupe UMP votera avec conviction le texte que vous nous proposez.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir faciliter la tâche du président de séance, en vous rappelant que la démocratie suppose l’écoute…

La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’examen de ce texte nous replace dans le contexte que nous avons connu il y a quelques mois : les réactions dans notre hémicycle en sont la preuve.

Nous voilà en effet en train de débattre, une fois encore, de la mise en place d’un élu dont nous savons pertinemment que la création est un non-sens : le conseiller territorial.

En première lecture, le Gouvernement et sa majorité avaient délibérément choisi d’ignorer les arguments qui, déjà, plaidaient en défaveur de cet élu « nouvelle formule » : ceux-ci étaient pourtant très nombreux, et même trop nombreux…

Comme cela a déjà été dit, l’un d’entre eux, particulièrement fondé, suffisait, à notre sens, à justifier l’abandon de la réforme envisagée : il s’agit du constat d’une inflation disproportionnée des conseils régionaux et d’un écart entre les nombres des élus dans les différents départements.

Le Conseil constitutionnel n’a entendu cet argument que de façon très partielle. C’est pourquoi nous nous trouvons aujourd’hui saisis d’un tableau de répartition différant seulement à la marge de celui qui nous fut proposé en première lecture. Les deux sont souvent identiques à un ou deux postes près, ce que notre ami Collombat a excellemment exposé.

Aussi rien n’est-il résolu sur le fond : pas davantage aujourd’hui qu’hier, la légitimité, la nécessité et l’utilité du conseiller territorial ne sont avérées. (

Le statut de cet élu demeure identique. Il s’agira d’un élu hybride : ni vraiment régional, ni vraiment départemental, il sera un peu les deux sans être pleinement ni l’un ni l’autre.

Cette situation posera évidemment un problème de gouvernance. À cet égard, j’attends toujours que l’on m’explique comment un élu représentant à la fois deux collectivités s’y prendra pour articuler et hiérarchiser les intérêts propres à chacune d’elles…

Peut-être la création de cet élu annonce-t-elle une « super-cantonalisation » des régions ? En vérité, nul ne le sait aujourd’hui – c’est bien là que réside le problème.

Pour moi, il est tout à fait inconséquent de créer un nouvel élu sans avoir préalablement réfléchi à sa pertinence, ni surtout sans avoir déterminé précisément son rôle et le champ de sa compétence. En réalité, comme cela a déjà été dit, vous créez ex nihilo un élu hors sol, en espérant que son existence suffira à justifier son utilité : je doute pour ma part qu’il s’agisse d’une raison suffisante…

Je suis en revanche certain que la création du conseiller territorial manifeste l’incompréhension par le Gouvernement du fait territorial, voire sa volonté de le nier.

Les Français ont soif de proximité : ils veulent des élus proches d’eux, et la possibilité d’agir en s’investissant dans l’action publique au quotidien.

Les collectivités locales ont su répondre à cette attente. Pourtant, le Gouvernement n’a qu’un seul objectif : éloigner les centres de décision des Français, en accord avec la doxa imposée par la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Nous avons déjà vu les effets de cette politique avec la création des agences régionales de santé, puis la recentralisation des réseaux consulaires à l’échelle régionale. La création du conseiller territorial en constitue une expression supplémentaire.

Au lieu de rapprocher le citoyen de ses représentants, vous voulez l’en éloigner ; ce qui était, hier, la force des collectivités risque de devenir, demain, la faiblesse des départements et des régions. On tourne ainsi le dos à trente années de décentralisation, au nom d’une loi de circonstance dont l’unique objectif consiste à stigmatiser les collectivités ainsi qu’à les opposer pour mieux les affaiblir !

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

À propos de la RGPP, permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que je trouve particulièrement infondé l’argument économique par lequel vous avez défendu la création du conseiller territorial.

C’est ainsi qu’en Aquitaine – Jean-Louis Carrère connaît bien cet exemple – il est prévu de passer de quatre-vingt-cinq élus régionaux à deux cent onze conseillers territoriaux. Pour quel résultat ? Comme on ne peut pas pousser les murs du conseil régional, on va les abattre pour pouvoir accueillir deux fois et demie plus de conseillers… Quelle belle économie !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

C’est cela : le palais Rohan…

De manière encore plus fondamentale, la création du conseiller territorial soulève un grave problème dans le cas des régions qui comprennent seulement deux départements.

Vous savez qu’en pareil cas, monsieur le ministre, un déséquilibre risque d’apparaître au profit du département le plus peuplé ; il en résultera une véritable départementalisation de la région au profit d’un seul département.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Les conséquences de la réforme pour la parité méritent également d’être soulignées : la mise en place du conseiller territorial va conduire à une régression inédite sur le plan de l’égalité entre les hommes et les femmes. Le mode de scrutin actuellement en vigueur pour l’élection des conseillers régionaux a représenté un puissant vecteur de féminisation de la vie politique française. Le mode de scrutin retenu pour l’élection des conseillers territoriaux viendra briser net cet élan, et conduira à une régression.

Cela est d’autant plus préjudiciable que la parité n’est pas seule remise en cause. Le scrutin proportionnel l’est aussi, qui avait rendu possible la féminisation du corps régional, mais aussi son rajeunissement et une meilleure représentation de la diversité. Sans doute, certains partis avaient fait, plus que d’autres, le pari de l’ouverture… En tout état de cause, des résultats avaient déjà été obtenus, et ce pari était en passe d’être gagné. La mise en place du conseiller territorial va entraîner un retour en arrière sur le plan de la représentativité des élus : ce n’est pas là le moindre des reculs démocratiques auxquels cette réforme va conduire !

Je souhaite enfin m’attacher à ce que je crois être l’erreur ontologique de ce projet de loi : comme nous le savons tous, représentants des territoires, cette réforme territoriale n’est ni ce que les élus locaux demandaient, ni ce qu’ils souhaitaient.

La manière dont, ici même, nos débats se sont déroulés l’an dernier a bien montré combien le projet du Gouvernement était coupé des réalités du terrain. Sa réforme a été conduite sans les élus locaux, et contre eux. Elle est animée par une volonté de stigmatisation et n’a pas d’autre horizon que les besoins de l’instant. Au total, elle aura seulement réussi à complexifier et à rendre illisible l’organisation territoriale de notre pays.

Je terminerai donc en disant que, si tout n’était pas parfait, ce qui existait était préférable à ce qui va exister.

Sachez, monsieur le ministre, que votre contre-réforme territoriale constitue un appel pressant en faveur d’un véritable « acte III » de la décentralisation ; nous, socialistes, ne manquerons pas de le mener à bien avec les collectivités territoriales, pour elles et à leurs côtés !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il aura fallu la décision du Conseil constitutionnel du 9 décembre 2010 pour que nous examinions à nouveau l’une des dispositions les plus symboliques de la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales. Il aura fallu la censure prononcée par le Conseil constitutionnel pour que nous soyons conduits à réviser le tableau fixant la répartition par département des conseillers territoriaux.

Cette révision intervient dans le cadre d’une procédure accélérée. Elle a d’abord été soumise à l’Assemblée nationale quand, traditionnellement, il appartient à la Haute Assemblée d’examiner en premier lieu les textes relatifs aux collectivités territoriales.

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Je ne veux pas, monsieur le ministre, m’appesantir indéfiniment sur les conditions dans lesquelles la loi du 16 décembre 2010 a été votée ; on n’aura pas manqué de vous dire que nous fûmes nombreux à nous émouvoir de l’état dans lequel cette loi était sortie de la navette parlementaire : malmenée, et peu respectueuse d’engagements pris par le Gouvernement

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Le fait est que cette loi existe. Je ne doute pas que, les uns et les autres, nous nous attachions à l’expliquer dans nos départements, afin que ses dispositions soient mises en œuvre aussi harmonieusement qu’il est possible.

Je me dois de vous dire quel écho elle a reçu dans mon département.

Il y a quelques semaines, le président Gérard Larcher est venu présider le congrès départemental de l’association des maires de l’Aveyron. S’il était parmi nous, il pourrait témoigner de l’inquiétude que ressentent les élus d’un département essentiellement rural.

La création des métropoles ne résoudra pas le problème du millefeuille administratif, présenté comme la cause de la réforme. De surcroît, elle ne sera pas sans effets sur nos campagnes. Chacun des élus locaux mesure en effet clairement le risque qui pèse sur les collectivités locales qui ne seront pas rattachées aux futures métropoles, à Toulouse, par exemple pour ce qui concerne les élus de l’Aveyron. Les petites communes redoutent les difficultés auxquelles elles vont être confrontées pour se faire entendre.

Se faire entendre : c’est la préoccupation et le désir des élus locaux. Or ceux-ci ont le sentiment d’avoir en face d’eux un gouvernement autiste. En vérité, il leur faut une force et une conviction peu ordinaires pour faire comprendre ce dont leurs communes ont un besoin vital, afin seulement de fonctionner de manière solidaire.

La création des conseillers territoriaux revêt, à cet égard, une importante valeur symbolique. On aurait souhaité qu’elle apportât un nouveau souffle et une nouvelle cohérence aux politiques départementales et régionales. Mais ne nous leurrons pas : les obstacles sont nombreux, et le chemin difficile.

Il y a d’abord les obstacles matériels, et la nécessité d’offrir aux nouveaux élus départementaux et régionaux toutes les facilités utiles à l’accomplissement de leur mandat : il faut pour cela réorganiser les assemblées et leurs hémicycles, et assurer le financement des nouvelles charges qui vont leur échoir.

Il y a aussi les obstacles comportementaux, que me laisse entrevoir ce que j’observe aujourd’hui. Quel est en effet le conseiller général qui considère l’intérêt général avant celui propre à son petit canton ? Les futurs conseillers territoriaux sauront-ils faire primer les nécessités de la stratégie régionale sur celles des stratégies départementales et locales ? En accroissant le nombre des conseillers territoriaux en milieu urbain, et en réduisant corrélativement leur nombre en milieu rural, ne risquons-nous pas d’exaspérer encore ce mouvement naturel et d’éloigner un peu plus nos élus de leurs concitoyens ? La notion sacro-sainte de proximité deviendrait alors de plus en plus aléatoire…

La crainte est forte parmi les élus locaux de n’être plus que des outils administratifs, des calculettes fixant des budgets de plus en plus serrés, des ordinateurs voués à remplir chaque jour des formulaires multiples.

Par ces propos, monsieur le ministre, j’ai simplement voulu faire écho aux états d’âme de celles et ceux que je côtoie chaque jour et que secouent les études actuellement en cours pour redessiner les périmètres des intercommunalités. Ces élus s’interrogent : devant la détermination du Gouvernement, qui commande le comportement des préfets et fait fort peu de cas des avis émanant du terrain, comment est-il possible d’accepter les nouvelles dispositions relatives aux conseillers territoriaux ?

Comment comprendre que, après avoir soutenu l’absolue nécessité de fixer un nombre impair de conseillers territoriaux, le Gouvernement nous propose aujourd’hui, dans le tableau révisé, d’attribuer un nombre pair de conseillers à quatre départements : le Cantal, l’Aude, la Haute-Garonne et la Mayenne ?

Comment encore ne pas avoir envie de remettre en cause la disposition léonine ayant consisté à relever de 10 % à 12, 5 % des électeurs inscrits le seuil de maintien au second tour des candidats au mandat de conseiller territorial ? Cette disposition privera les plus petits groupes politiques d’une représentativité qui fait aujourd’hui la force et l’honneur des territoires, en particulier des territoires ruraux.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Mme Anne-Marie Escoffier. Comment enfin ne pas souligner que le mode de scrutin choisi va éloigner la gent féminine de responsabilités qu’elle a montré savoir exercer aussi bien que la gent masculine ?

Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Je reprends volontiers à mon compte les questions soulevées par notre collègue Jacqueline Gourault. Celles-ci auraient dû recevoir une réponse dans ce projet de loi, trop hâtivement préparé par le Gouvernement.

Je veux enfin souligner, après que Jean-Michel Baylet l’a déjà excellemment fait, que ce projet de loi vient ruiner l’exercice des responsabilités locales, déjà mises à mal par une fiscalité incohérente, injuste, et dont les conséquences futures demeurent aujourd’hui incertaines.

Une invention diabolique, un fouillis médiéval : voilà ce qu’est cette réforme telle que certains d’entre nous l’ont analysée !

Mme Françoise Laborde approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Vous vous honoreriez, monsieur le ministre, d’accepter certains des amendements qui ont été présentés ce matin en commission des lois, amendements écartés d’un revers de main au motif qu’ils étaient des « cavaliers législatifs ».

Comme si nous n’avions pas été amenés à accepter, contre notre volonté, certains « cavaliers » qui, aujourd’hui, font partie intégrante du texte !

Je veux croire, monsieur le ministre, que vous aurez entendu nos sages objections et saurez les intégrer à ce projet de loi. Aujourd’hui, néanmoins, mes amis et moi-même ne pouvons qu’être défavorables à celui-ci.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Mme Jacqueline Gourault applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

(Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.) Eh oui ! Le découpage des cantons donne lui aussi lieu à des magouilles !

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai trouvé tout à fait pertinente la création du conseiller territorial, en lieu et place du conseiller général et du conseiller régional ; de même, j’ai trouvé tout aussi pertinent le mode de scrutin pour l’élection de ces nouveaux conseillers. Pour autant, je suis fermement décidé à voter contre ce projet de loi, qui s’inscrit dans la logique des épouvantables magouilles qui ont caractérisé le découpage des circonscriptions législatives. §

Alors même que la loi n’est pas encore votée, il est tout de même incroyable que l’on sollicite l’avis de certains députés UMP sur le découpage des futurs cantons ! C’est invraisemblable ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

M. Dominique Braye. C’est scandaleux, en effet… !

Sourires et marques d’ironie sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Scandaleux, en effet !

D’ailleurs, plus extraordinaire, ce gouvernement pratique la ségrégation parmi les députés UMP : il consulte les uns, mais ne consulte pas les autres !

J’ai le triste privilège d’être élu d’un département sur le projet de redécoupage des circonscriptions législatives duquel tant la commission de contrôle du redécoupage électoral que le Conseil d’État avaient émis un avis négatif. Ensuite, c’est le seul département de France pour lequel la commission des lois de l’Assemblée nationale, estimant qu’il y avait là matière à scandale, avait adopté un amendement tendant à introduire un tant soit peu de morale et à limiter l’ampleur des magouilles. Enfin, avec le Tarn, la Moselle est l’un des deux départements de France pour lesquels le Conseil constitutionnel a estimé, pour schématiser, que les magouilles auxquelles avait donné lieu le redécoupage dépassaient la limite de ce qui était acceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

M. Jean-Louis Carrère. C’est l’Union pour la Magouille Populaire !

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Si le Conseil n’a pas censuré les articles visés, c’est uniquement parce qu’il ne se prononce jamais sur le principe d’un redécoupage, mais vérifie uniquement que celui-ci ne contrevient pas au principe d’égalité devant le suffrage.

Lorsque nous avons voté la loi de réforme des collectivités territoriales, en décembre dernier, M. Marleix, sous ses dehors de jésuite, nous disait : « Ne vous inquiétez pas, je consulterai tout le monde. » Or qu’a fait M. Marleix ? Tout comme il s’était assis sur les avis qu’il avait recueillis préalablement à l’examen de son projet de redécoupage des circonscriptions législatives, avis dont il n’avait que faire, il a continué à procéder de la même manière odieuse lorsqu’il s’est agi de créer les conseillers territoriaux.

M. Dominique Braye s’exclame vivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Avant que le Conseil constitutionnel ne censure cette disposition, la Moselle, par le fait de M. Marleix, était, à population comparable, sous-représentée de 40 % par rapport au département de la Meuse, situation unique en France. C’est scandaleux !

On ne peut qu’espérer que des gens qui se comportent de cette façon seront emportés d’un coup de balai en 2012 !

Exclamations amusées et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Quand il parle de magouilles, M. Masson s’exprime en expert !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi n’est pas un projet comme les autres. Il vient devant nous, aujourd’hui, après que l’article 6 de la loi portant réforme des collectivités locales eut été déclaré inconstitutionnel.

La décision du Conseil constitutionnel d’invalider le tableau fixant le nombre des conseillers territoriaux dans chaque département et dans chaque région doit être, à notre avis, saisie par le Sénat, représentant des collectivités, comme une possibilité de se pencher une nouvelle fois sur cette question.

Cette occasion s’offre à nous comme une deuxième lecture, laquelle nous avait été refusée par les manœuvres et les arguties de l’époque.

Rappelons-nous, le Sénat avait été bafoué dans ses prérogatives en se voyant refuser par le Gouvernement tout débat sur le mode de scrutin et le nombre de conseillers territoriaux.

Il faut dire que, malgré les négociations de couloir, le Gouvernement ne disposait pas de majorité pour entériner la création de ces conseillers territoriaux, appelés à prendre place dans les assemblées départementales et régionales.

Aussi, il évita de dire quels étaient ses objectifs en ce domaine et fit adopter un amendement centriste, que nous pourrions qualifier d’amendement de dupes puisqu’il s’empressa de le faire supprimer à l’Assemblée nationale.

Aujourd’hui, donc, le Sénat peut reprendre la main. Il peut d’autant mieux le faire que cette réforme du mode de désignation et d’élection des conseillers territoriaux peut être éclairée par les méthodes utilisées par les préfets pour la mise en œuvre des premières étapes de cette réforme, avec la mise en place des schémas départementaux de coopération intercommunale.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Chacun peut le constater aujourd’hui, la concertation n’a pas été à l’ordre du jour dans de très nombreux départements.

L’information préalable a certes été mise en place, ici ou là, mais il n’y a pas eu de véritable négociation. Ainsi, la loi s’applique aujourd’hui de façon différente suivant les départements.

Ici, les préfets s’en sont tenu à inscrire dans une intercommunalité les communes orphelines ou à réduire le nombre d’intercommunalités de moins de 5 000 habitants.

Ailleurs, les préfets, que certains qualifient de « volontaristes », ont été beaucoup plus loin, redessinant l’ensemble des intercommunalités et réduisant leur nombre de façon significative.

Ce faisant, le nombre de communautés d’agglomération progresse sensiblement. De ce fait, l’intégration intercommunautaire en sort renforcée et les communes se voient contraintes d’abandonner toujours plus de leurs prérogatives, sans que cela s’appuie toujours sur une réelle volonté ni sur une vision partagée avec les autres communes rassemblées.

Ainsi, d’après les chiffres actuellement en notre possession, le nombre d’intercommunalités et de syndicats intercommunaux diminuerait en France, respectivement, de plus de 30 % et de 40 %. C’est considérable et bien plus important que ne le laissaient présager nos débats et le texte de loi lui-même.

Je ne suis pas sûr que cette mise en œuvre à marche forcée ne heurte pas la volonté de certains sénateurs, qui pensaient, au moment de voter, qu’un climat de coopération, de concorde et de recherche de consensus serait à la base des propositions préfectorales.

Aussi, il est nécessaire de revenir sur cette question. Il faut bien que les interrogations, les inquiétudes, les incompréhensions et les mécontentements qui s’expriment actuellement dans nos départements trouvent ici un écho.

Notre assemblée représente les collectivités territoriales, et, à ce titre, nous avons le devoir d’entendre la voix des élus locaux lorsqu’ils expriment leur volonté d’exercer pleinement le principe constitutionnel de libre administration des communes.

Pas de mariage forcé, disent-ils, pas de fusion pour la fusion, mais des adhésions librement consenties, des projets réellement partagés s’appuyant sur des bassins de vie cohérents et respectant l’expérience acquise grâce à la coopération intercommunale déjà existante.

Il nous faut alors apporter les modifications éventuellement nécessaires, et ce dans les délais les plus brefs. Ce projet de loi nous en donne l’occasion. Nous présenterons des amendements tendant à permettre aux communes et à leurs groupements de reprendre la main sur les contours de la coopération intercommunale.

Nous demanderons un délai supplémentaire de six mois pour la définition et l’entrée en vigueur des schémas départementaux de coopération intercommunale, les SDCI, et afin d’éviter que les communes, les syndicats et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ne soient contraints de mettre place une concertation démocratique avec les élus et avec les concitoyens en pleine période estivale.

Nous proposerons de revenir sur les pleins pouvoirs accordés au préfet dans la phase d’élaboration des SDCI. Car, malheureusement, dans la plupart des cas, les préfets ont redessiné une carte de l’intercommunalité sans tenir compte des coopérations existantes ni des projets et des visions d’avenir partagés.

Pour notre part, nous ne nous étonnons pas de cette situation ; nous l’avions même dénoncée par avance. Faut-il voir, d’ailleurs, un lien entre les schémas départementaux de coopération intercommunale et le texte que nous examinons aujourd’hui ?

En effet, nul ne saurait penser que les limites des futures intercommunalités n’ont rien à voir avec les futures limites cantonales, circonscriptions des futurs conseillers territoriaux. Or ces limites cantonales sont taboues. Nous n’avons pas à en débattre, ni à en discuter, ni même à en connaître.

Ainsi, tout se met en œuvre pour un découpage électoral de grande ampleur visant à préparer la mise en place de majorités départementales et régionales aux couleurs de la majorité actuelle.

Dans ce cadre, nous serions très étonnés que les futurs cantons ne s’inscrivent pas, pour l’essentiel, dans le périmètre des futures intercommunalités où à partir de celui-ci.

Aussi, nous alertons l’ensemble des élus locaux et les incitons à la plus extrême vigilance. Les futures intercommunalités proposées par les préfets auront, sans aucun doute, à voir avec le futur tracé des cantons.

Enfin, je terminerai mon intervention sur un aspect essentiel de ce projet de loi.

Vouloir définir par la loi le nombre des conseillers territoriaux et, par ordonnance, le tracé des nouveaux cantons revient, en réalité, à retirer aux conseils généraux leur pouvoir.

La détermination du nombre de conseillers siégeant dans les conseils généraux est de la compétence de chacun d’entre eux. Légiférer sur ce nombre est donc un acte de défiance envers une autorité locale constitutionnellement légitime. Nous ne saurions l’accepter.

Si ce projet de loi n’est pas voté, si ce tableau n’est pas adopté, alors les conseils généraux devront délibérer sur le nombre de conseillers siégeant dans l’assemblée départementale. Ils définiront le nombre d’élus qui paraît nécessaire à l’exercice de leurs prérogatives et à une juste expression de la souveraineté populaire.

Aussi, à tous les sénateurs qui doutent encore de ce texte et, plus généralement, de la loi réformant les collectivités locales, l’occasion est offerte de le rejeter pour marquer leur défiance et faire entendre leurs craintes, sans pour autant bloquer les aspects de cette loi qu’ils soutiennent.

Cette question pourra toujours être de nouveau débattue dans le cadre de l’examen du projet de loi n° 61 relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, qui, à l’origine, était destiné à porter l’application de cette réforme dans ses aspects électifs et dans ceux qui concernent les droits des élus locaux.

La loi de réforme des collectivités locales n’a trouvé qu’une majorité de trois voix dans notre assemblée ; c’est dire, pour le moins, les interrogations qu’elle suscitait.

Je suis certain que, six mois après, les questions demeurent et sont même, sans doute, renforcées par les premières mesures d’application de la loi.

Le rejet de ce projet de loi pourrait devenir un acte de responsabilité pour imposer au Gouvernement de revoir sa copie. Ce texte est entre nos mains ; à nous de nous en saisir et de porter la voix des élus locaux, qui, dans leur grande majorité, attendent un geste de modération et d’apaisement.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – M. Yvon Collin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Léonard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc dans l’obligation de légiférer à nouveau sur les conseillers territoriaux et, plus particulièrement, sur le tableau de leur répartition par département, du fait de la décision du Conseil constitutionnel qui a cru devoir censurer partiellement ce tableau.

J’indique d’emblée que, sur le fond, je suis favorable à la réforme créant le conseiller territorial. Mais, vous le comprendrez aisément, je ne peux me prononcer en faveur de ce nouveau tableau, non seulement – plusieurs intervenants l’ont souligné – parce qu’il marque une diminution de la représentation de mon département, la Meuse, mais également parce qu’il comporte un certain nombre d’incohérences auxquelles, à ma grande surprise, le Conseil constitutionnel n’a pas fait d’objection.

Une de ces incohérences tient à la diminution de la représentation de la Meuse. Dans le tableau qui avait été modifié par le Sénat, puis approuvé définitivement par les deux chambres, la Meuse disposait de 19 conseillers territoriaux. Ceux-ci venaient remplacer les 31 conseillers généraux et les 6 conseillers régionaux que compte aujourd’hui le département. Au final, la représentation de la Meuse était divisée par deux par rapport à la situation actuelle qui, vous en conviendrez, ne résulte pourtant pas d’un traitement de faveur.

Le Conseil constitutionnel en a jugé autrement. Il a en effet considéré que le rapport entre le nombre de conseillers territoriaux et la population du département s’écartait de la moyenne régionale dans une mesure manifestement disproportionnée, la Meuse, avec ses 193 000 habitants et ses 19 conseillers territoriaux, excédant de 41, 5 % la représentation moyenne régionale de la Lorraine. Le texte dont nous débattons aujourd’hui réduit donc de 19 à 15 le nombre de conseillers territoriaux pour la Meuse.

Je regrette que le Parlement, dans sa grande sagesse, n’ait pas précédemment pris en compte un critère correctif lié à la superficie des départements pour le calcul de la représentation des conseillers territoriaux, car, comme leur nom l’indique, ces derniers représentent aussi un territoire. Or, de ce point de vue, force est de rappeler que la Meuse, qui représente 26 % de la superficie de la Lorraine, n’élira que 11 % de ses conseillers territoriaux.

Je voudrais également mettre l’accent sur d’autres incohérences que comporte le texte qui est soumis à notre vote.

Le département de la Haute-Marne, voisin de celui de la Meuse, mais situé en Champagne-Ardenne, avec une population de 185 000 habitants, donc inférieure à celle de la Meuse, se voit attribuer 23 conseillers territoriaux, soit un conseiller territorial pour 8 043 habitants.

Le département du Gers, avec 186 000 habitants, élira 19 conseillers territoriaux, soit un conseiller territorial pour 9 789 habitants.

Le département du Lot, avec 173 000 habitants, disposera également de 19 conseillers territoriaux, soit un conseiller territorial pour 9 105 habitants.

Enfin, le département de la Creuse, avec 124 000 habitants, disposera de 19 conseillers territoriaux, soit un conseiller territorial pour 6 526 habitants.

Dès lors, pour quelle raison, avec ses 194 237 habitants, la Meuse ne disposerait-elle que de 15 conseillers territoriaux, soit un conseiller territorial pour 12 949 habitants ?

Ce texte souffre, en réalité, d’un vice rédhibitoire, à savoir la régionalisation du mode de calcul du nombre de conseillers territoriaux. Ainsi, lorsqu’un département peu peuplé comme l’est la Meuse est situé dans une région dont l’un des autres départements est très peuplé, comme c’est le cas de la Moselle, le premier est lourdement pénalisé.

J’en veux pour preuve la situation du département de la Mayenne qui, avec 304 676 habitants, ne disposera que de 18 conseillers territoriaux, soit un conseiller territorial pour 16 926 habitants.

En d’autres termes, nous ne sommes pas en train d’examiner un projet de loi de répartition des conseillers territoriaux, nous examinons en fait 23 projets de loi différents pour chaque région métropolitaine et d’outre-mer.

Je suis très étonné que le Conseil constitutionnel n’ait pas relevé cette rupture d’égalité des citoyens de chaque région devant la loi ! Car c’est bien d’une rupture d’égalité qu’il s’agit. Disons-le tout net : la République, qui a été fondée, entre autres, sur le principe d’égalité, voilà maintenant deux cent vingt ans, et qui a été rétablie et recadrée après le désastre de 1870, glisse subrepticement vers une fédération de régions. Mais comme le disait un célèbre humoriste des années quatre-vingt aux formules grinçantes dans un de ses sketches: « il y en a qui sont plus égaux que d’autres » !

Je proposerai, au cours de la discussion des articles, un retour au texte voté par les deux assemblées afin que la Meuse conserve ses 19 conseillers territoriaux, et je vous remercie par avance, mes chers collègues, de bien vouloir soutenir ma démarche. Si cette proposition n’était pas retenue, je serais amené, à mon grand regret, à ne pas voter le présent projet de loi.

M. Michel Bécot applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dispositions du texte qui nous est présenté répondent aux critères définis par le Conseil constitutionnel et peuvent apparaître purement techniques. Pour autant, elles ne doivent pas masquer l’enjeu important que revêt ce projet de loi.

Monsieur le ministre, vous avez participé aux discussions sur la réforme des collectivités territoriales, et vous savez combien notre Haute Assemblée s’est vivement mobilisée en faveur d’un débat plus approfondi sur la création du conseiller territorial, sur son mode d’élection et sur les compétences qui lui seront attribuées. Ce projet devait, il faut le rappeler, initialement faire l’objet d’un texte de loi séparé.

Au final, force est de reconnaître que le conseiller territorial a pollué un débat plutôt consensuel qui s’était engagé sur la nécessaire évolution de l’intercommunalité, de ses liens avec les communes et avec la population.

À l’inverse, nombreux sont les élus qui sont réservés sur les modalités de la mise en place du conseiller territorial, et ce pour plusieurs raisons.

La première de ces raisons tient au calendrier qui a été retenu. En effet, s’il est nécessaire de développer la coordination entre les politiques publiques menées par le conseil régional, d’une part, et le conseil général, d’autre part, le moment n’est peut-être pas opportun.

L’achèvement de la carte intercommunale, la mise en place du schéma départemental de coopération intercommunale, l’évolution des périmètres des intercommunalités devraient plutôt être des préalables à la création de ces nouveaux élus.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Comment assurer la cohérence d’un nouveau mandat sans définir de circonscription en amont, sans connaître le paysage local qui résultera de la réforme ?

On aurait pu imaginer un conseiller territorial qui représente un territoire intercommunal pertinent, un territoire de projet, un territoire de solidarité, ce ne sera sans doute pas toujours le cas, et c’est bien regrettable.

La deuxième raison tient au nombre de conseillers et aux conséquences qui en résultent pour notre démocratie locale. La création des conseillers territoriaux signera la disparition de nombreux conseillers généraux dans les territoires ruraux, posant ainsi un double problème de représentation et de lien de proximité avec les populations rurales, notamment en zones de montagne.

Alors que la population demande toujours plus de proximité avec les élus, cette évolution ira malheureusement à l’encontre de cette légitime attente dans plusieurs départements.

À titre d’exemple, le Cantal perdra 7 cantons sur 27, soit un de plus que dans le texte initial, et une douzaine d’autres départements ruraux devront se contenter de moins de 20 élus pour siéger au sein du conseil général.

A contrario, les conseils régionaux vont connaître une inflation considérable du nombre de leurs élus. En Auvergne par exemple, ils seront 145 contre 47 initialement et, en Midi-Pyrénées, 251 pour 91 aujourd’hui.

Les économies annoncées ne seront donc pas au rendez-vous et la plupart des régions devront investir massivement pour construire de nouveaux hémicycles avant d’assumer de nouvelles charges de fonctionnement.

Une troisième raison est liée au redécoupage des cantons. Beaucoup d’élus s’interrogent sur la méthode qui conduira à la préparation du décret fixant la nouvelle carte cantonale.

Comment s’organisera la concertation avec les élus sur le territoire pour assurer une légitime transparence dans ces décisions importantes pour l’avenir ? Les parlementaires seront-ils consultés ? Comment s’exercera le contrôle de l’impartialité des découpages ? Autant de questions qui appellent des réponses que le présent débat devrait nous apporter.

Enfin, je regrette pour ma part que cette réforme ne tende pas à affirmer le bloc « région-département », comme cela a été fait pour le bloc « commune-communauté ».

Si la clarification des liens entre département et région était en effet nécessaire, le fait que les mêmes élus siègent dans deux assemblées qui exercent des compétences différentes risque bien à terme d’aboutir à la disparition de l’une ou de l’autre de ces assemblées. Peut-être aurait-il mieux valu l’afficher clairement !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

J’aurais préféré, comme de nombreux élus ici, que l’on retrouve dans la réforme l’esprit de la mission sénatoriale présidée par Claude Belot, qui préconisait l’établissement de nouveaux liens entre la région et le département, tout en maintenant les prérogatives de chaque assemblée. Ces propositions n’étaient pas incompatibles avec la notion de conseiller territorial, à laquelle je suis plutôt favorable, dès lors qu’une partie seulement des conseillers généraux aurait aussi siégé au conseil régional, ce qui n’était pas forcément anticonstitutionnel.

C’est une autre voie qui a été retenue. Aussi, pour les raisons que je viens d’évoquer rapidement et en cohérence avec la position que j’ai déjà défendue dans cette enceinte, je ne pourrai pas, comme plusieurs de mes collègues du groupe de l’Union centriste, approuver le présent projet de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer, une nouvelle fois, sur le tableau des effectifs des conseillers territoriaux, ce dernier ayant été censuré par le Conseil constitutionnel au motif que, dans les six régions où l’écart du quotient électoral d’un département par rapport à la moyenne régionale était supérieur à 20 %, à savoir la Meuse, le Cantal, l’Aude, la Haute-Garonne, la Mayenne et la Savoie, l’inégalité de représentation était manifestement excessive et portait atteinte au principe d’égalité devant le suffrage.

Contraint de « revoir sa copie », le Gouvernement n’a toutefois pas bouleversé l’économie générale du tableau des effectifs des conseillers territoriaux, se contentant de le modifier, à la marge, pour dix départements.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

J’ignore ce que décidera le Conseil constitutionnel en cas de saisine sur ce texte, s’il devait être adopté en l’état.

En revanche, comment ne pas dire à nouveau devant le Sénat les conséquences du principal critère choisi par le Gouvernement pour la répartition des conseillers territoriaux, c’est-à-dire le quotient électoral d’un département par rapport à la moyenne régionale ? Ce sera l’objet de la première partie de mon intervention. Je rappellerai ensuite que notre groupe conteste l’argument économique avancé pour justifier la création du conseiller territorial. Enfin, je dirai ma conviction de la nécessité de revenir sur la réforme afin de trouver un bon équilibre dans la représentation des citoyens et des territoires.

Le principal critère retenu par le Gouvernement repose donc sur l’idée que la représentation des départements au sein du conseil régional doit tenir compte de leur poids démographique relatif. La principale conséquence de l’application de ce critère est que, dans une région composée de plusieurs départements fortement peuplés et d’un ou de deux départements sensiblement moins peuplés, le nombre de conseillers territoriaux sera faible pour la ou les collectivités comptant le moins d’habitants.

À l’inverse, dans une région où il n’y a pas, ou peu, de départements fortement peuplés, même ceux dont le nombre d’habitants n’est pas très élevé seront représentés par un nombre assez important de conseillers territoriaux.

De ce point de vue, la comparaison d’une région à l’autre est édifiante. Ainsi, dans certaines régions, des départements de 500 000 habitants auront 27 ou 28 conseillers territoriaux, alors que, dans d’autres régions, des départements de moins de 300 000 voire 250 000 habitants en auront aussi 27 ou 28. Où est l’équité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Je prendrai l’exemple de l’Ardèche que j’ai l’honneur de représenter au Sénat. Actuellement, ce département élit 33 conseillers généraux et 10 conseillers régionaux pour une population légèrement supérieure à 310 000 habitants. Avec le dispositif choisi par le Gouvernement, l’Ardèche ne comptera que 19 conseillers territoriaux, soit 4 à 10 élus de moins que des départements nettement ou sensiblement moins peuplés situés dans d’autres régions !

Dans le rapport de l’Assemblée nationale sur le projet que nous examinons aujourd’hui, il est d’ailleurs mentionné que : « Le Gouvernement propose de ne pas réduire davantage les effectifs de ce département compte tenu de la forte diminution qu’il subit déjà par rapport au nombre actuel d’élus ».

Mes chers collègues, en lisant ce rapport, je me suis demandé s’il fallait dire merci. Je m’arrête là, parce que je sens la moutarde me monter au nez… §

J’en viens à l’argument économique invoqué pour justifier la création du conseiller territorial, qui n’a jamais été demandée par aucune association d’élus ni aucune collectivité...

Lors de son discours sur la réforme des collectivités territoriales, prononcé à Saint-Dizier le 20 octobre 2009, le Président de la République a avancé plusieurs pistes pour justifier le texte.

Il a affirmé que « le conseiller territorial sera mieux à même d’organiser l’action de ces deux collectivités – le département et la région –, non pas sur le mode de la concurrence mais sur celui de la complémentarité ».

Il a également souligné que les collectivités devaient contribuer à la réduction de la dépense publique et que « si cela devait permettre, à moindre coût, un meilleur fonctionnement de notre démocratie locale, [il ne voyait pas] au nom de quoi nous devrions nous en excuser »…

Il a enfin souligné que la création du conseiller territorial constituait, pour sa majorité, une réponse à la problématique du mandat unique (sic).

Permettez-moi de revenir rapidement sur chacune de ces affirmations.

La complémentarité : on croit rêver ! En effet, la meilleure manière d’assurer la complémentarité était de reprendre les préconisations de la mission Belot relative à une meilleure définition des compétences des deux échelons territoriaux.

La participation des collectivités à la réduction de la dépense publique : le Gouvernement affirme que les collectivités créent plus d’emplois publics que le Gouvernement en supprime. Comment oublier que ces collectivités doivent exercer de plus en plus de compétences transférées et qu’elles sont amenées à recruter les personnels nécessaires à l’exercice de leurs – toujours plus nombreuses – missions, alors que l’État ne compense pas intégralement les charges liées à ces transferts ?

La diminution du nombre d’élus : l’étude d’impact jointe au projet de loi que nous examinons ne fait état que des indemnités des élus et en déduit une baisse du coût.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Quid des travaux nécessaires dans certaines régions pour construire des salles de réunions et des hémicycles suffisamment grands pour accueillir tous les élus ? Quid des frais de transport…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

… des élus qui ne vont pas manquer d’augmenter de façon significative ; en particulier, quelle indemnisation pour les remplaçantes et remplaçants, probablement appelés à se déplacer très souvent ? Ainsi, l’argument selon lequel la diminution du nombre d’élus départementaux et régionaux entraînera automatiquement une baisse des coûts…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

… est très contestable.

Quant à l’argument selon lequel le conseiller territorial serait la réponse à la question du mandat unique, il ne tient pas davantage, car la création de cet élu revient à institutionnaliser le cumul de deux mandats.

Enfin, cette réforme, et surtout son mode de scrutin, porte un coup fatal à la parité.

Tous les arguments destinés à justifier la création du conseiller territorial sont donc inopérants, et c’est pourquoi je souhaite rappeler, en conclusion, que le groupe socialiste, pleinement conscient de la nécessité d’approfondir la décentralisation, avait proposé, lors de la discussion du projet de loi relatif à la réforme territoriale, de clarifier les compétences de chaque collectivité et d’organiser leur coopération. Nous avions également proposé que chaque collectivité reste dotée de sa propre assemblée délibérante, le département étant composé de conseillers départementaux dont le nombre restait à définir.

Mes chers collègues, très opposé à l’article 6 du projet de loi de réforme des collectivités territoriales qui a été adopté, dans la douleur, voilà quelques mois, je suis tout aussi opposé à l’adoption de ce projet de loi portant répartition des conseillers territoriaux. §

M. Claude Léonard applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après plus d’un an de discussion parlementaire, la promulgation de la loi de réforme des collectivités territoriales a officiellement donné le coup d’envoi de la mise en œuvre concrète de la réforme territoriale.

Je souhaiterais profiter de l’occasion qui nous est donnée aujourd’hui de réexaminer une partie de ce texte pour revenir sur ce qui a fait le cœur de cette réforme, et ce à quoi je suis, comme vous le savez, particulièrement attaché : l’intercommunalité.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Sans constituer le sujet le plus visible pour le grand public, l’intercommunalité en représente néanmoins le volet principal en termes de nombre de dispositions et d’effets immédiats. Plus des deux tiers – 61 sur 90 exactement – des articles de la loi du 16 décembre 2010 lui sont spécifiquement consacrés.

De prime abord très techniques, les articles de la loi relatifs à l’intercommunalité répondent à trois objectifs majeurs : d’abord, parachever la carte de l’intercommunalité en améliorant ses contours actuels ; ensuite, amplifier le processus d’intégration au sein du « pôle » communes-communautés ; enfin, démocratiser le fonctionnement des instances intercommunales.

L’objectif d’achèvement de la carte intercommunale durant le mandat municipal en cours revêt une dimension symbolique en signifiant que l’intercommunalité est non plus une démarche optionnelle mais bien une réalité obligatoire à une bonne organisation municipale française.

En outre, au-delà de l’achèvement stricto sensu, c’est la « rationalisation » des périmètres intercommunaux qui est mise à l’agenda politique local par le nouveau texte.

La forte mobilisation constatée autour du renouvellement des commissions départementales de coopération intercommunale, les CDCI, durant le premier trimestre de cette année 2011 témoigne d’une véritable prise de conscience des élus sur ces questions. Cela n’a d’ailleurs rien d’étonnant, puisqu’il s’agit véritablement, monsieur le rapporteur, d’un rendez-vous majeur pour l’avenir de nos territoires qui engagera durablement les périmètres de l’action publique locale.

Si de nombreuses inquiétudes ont été exprimées ces derniers mois à propos des projets de remembrement envisagés par certains préfets, l’analyse attentive de vos circulaires et de vos propos, monsieur le ministre, a permis de rassurer l’immense majorité des élus.

Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

C’est un fait, la future carte intercommunale ne pourra résulter que d’une coproduction entre le représentant de l’État et les élus réunis au sein des CDCI. S’il reviendra au premier, comme il se doit, de proposer, ces derniers disposeront. Ainsi qu’on le sait, la CDCI sera l’instance souveraine dès lors qu’elle réunira la majorité des deux tiers de ses membres. Je veux d’ailleurs saluer le travail de notre Haute Assemblée qui a largement amélioré le texte du Gouvernement sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Ainsi, les esprits semblent aujourd’hui beaucoup plus ouverts à des évolutions importantes de la carte intercommunale, comme nous avons pu le constater au cours des réunions de l’Assemblée des communautés de France, qui regroupe, je le rappelle, plus de 1 300 établissements publics de coopération intercommunale. Facilitées par les nouvelles dispositions législatives, les modifications de périmètres, et en particulier les fusions de communautés, sont à l’ordre du jour dans de nombreux territoires.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur…

M. le ministre et M. le rapporteur s’entretiennent.

M. Jean-Michel Baylet s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

M. Dominique Braye. … puisque nous sommes obligés aujourd’hui de revenir sur un point sur lequel j’avais présenté des amendements à deux reprises.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

En effet, ainsi que le prévoit la loi, les règles de plafonnement de la taille de l’assemblée intercommunale mais aussi du nombre de vice-présidents interviennent immédiatement en cas de fusion opérée entre la promulgation du texte et la fin du mandat en cours.

Cette mesure a un caractère très dissuasif en privant certains élus de leur siège ou de leurs fonctions en cours de mandat.

Il s’agit incontestablement d’un véritable frein à la fusion d’EPCI, et donc à la rationalisation des périmètres, comme on peut le constater aujourd’hui sur le terrain. Chacun en convient désormais, et il faut absolument remédier à cette situation.

J’avais pourtant déposé, je le rappelle avec un certain plaisir, en première lecture du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, monsieur le rapporteur, un amendement, n° 477 rectifié, prévoyant qu’en toute hypothèse la composition de l’organe délibérant et du bureau perdurerait, sous sa forme actuelle, jusqu’à la fin du mandat en cours.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Cette solution valait alors, quelles que soient les hypothèses de rationalisation des périmètres, par extension ou fusion.

Une écriture voisine avait finalement été retenue, mais cette dernière n’empêchait pas l’application immédiate des nouvelles règles en cas de fusion.

C’est la raison pour laquelle, en deuxième lecture, monsieur le rapporteur, j’ai de nouveau déposé un amendement, …

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

… n° 75 rectifié – pourtant cosigné par dix-huit de mes collègues qui, manifestement, pratiquaient l’intercommunalité sur le terrain, comme tous ne le font pas –, concernant, cette fois-ci, le cas particulier des fusions.

Cet amendement visait à rapprocher les communautés qui fusionneraient d’ici à la fin du mandat en cours et celles qui ont été créées antérieurement au projet de loi, en leur garantissant, dans chacun des deux cas, le maintien des règles actuellement en vigueur concernant la composition du conseil et du bureau jusqu’en 2014. Monsieur le ministre, conserver le bureau et le conseil pendant une période supplémentaire de dix-huit mois, est-ce non conforme à l’objectif d’optimisation et de rationalisation des périmètres que nous souhaitons atteindre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Sûrement pas !

Malheureusement, cet amendement n’a pas été adopté et, par la suite, les débats difficiles, vous le savez, qui ont eu lieu en commission mixte paritaire n’ont pas permis d’y revenir.

Je sais, monsieur le ministre, que le texte qui nous est soumis aujourd’hui ne concerne pas directement l’intercommunalité mais vise le conseiller territorial. Il me semblait cependant important d’attirer officiellement votre attention sur ces difficultés, en lien avec ma collègue Jacqueline Gourault, ici présente.

Si nous souhaitons véritablement que la réforme territoriale porte ses fruits et que les périmètres communautaires gagnent en cohérence, un ajustement législatif pour faire en sorte que les nouvelles règles de gouvernance n’entrent en vigueur qu’à l’échéance des prochains renouvellements, en cas de fusion de communautés, est indispensable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mon cher collègue, il est maintenant temps de conclure.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Le projet de loi n° 61 relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, que vous nous rappeliez, pourrait en constituer le support législatif idoine, sous réserve naturellement de son inscription à l’ordre du jour de notre Haute Assemblée dans un délai utile, c’est-à-dire au plus tard à l’automne prochain. N’oublions pas que l’ensemble des EPCI auront à se prononcer cet été sur les schémas départementaux…

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

… et qu’ils sont particulièrement attachés à cette disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

M. Dominique Braye. J’ai presque fini, monsieur le président.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Au moment où les communes et communautés sont appelées à délibérer sur les projets de schémas qui leur ont été récemment présentés par les préfets, les élus locaux ont besoin de garanties sur ce point.

M. Jean-Marc Todeschini s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

J’espère très sincèrement que vous serez en mesure de les leur apporter. Il y va, monsieur le ministre, de l’avenir de nos territoires, sinon un grand nombre de fusions, et donc de rationalisations souhaitables de périmètres, ne verront pas le jour.

Vous me permettrez, monsieur le ministre, de conclure en reprenant les propos que vous avez vous-même empruntés à Rudyard Kipling, lors de votre intervention devant les présidents d’agglomération réunis par l’Assemblée des communautés de France le 24 mai dernier à Paris : « Il faut savoir prendre le maximum de risques avec le maximum de précautions ». C’est tout le sens de ma démarche aujourd’hui.

Si j’ai insisté sur ces différents points au cours de la présente intervention, c’est que, malheureusement, je n’avais pas dû le faire suffisamment lors des première et deuxième lectures. J’espère que, cette fois, nous aurons plus de chance et que ceux qui vivent l’intercommunalité au quotidien seront entendus.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Monsieur le ministre, compte tenu des impératifs résultant de l’ordre du jour de la séance, plus précisément de la retransmission télévisée des questions cribles thématiques, pourriez-vous vous engager à conclure votre propos à seize heures cinquante…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

… afin de permettre aux techniciens d’installer les caméras ?

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Cela me semble un peu juste, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Vous pourrez poursuivre votre intervention ultérieurement.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Dans ce cas, je répondrai à un certain nombre d’intervenants, en complétant ces réponses, le cas échéant, lors de l’examen des trois motions et des amendements présentés sur ce texte. Si cela correspond à l’attente de la Haute Assemblée, je m’y soumets volontiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je vous remercie de votre compréhension.

Vous avez donc la parole, monsieur le ministre.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

M. Philippe Richert, ministre. Permettez-moi tout d’abord de faire un certain nombre de remarques générales. Nous étions convenus d’examiner uniquement aujourd'hui le projet de loi fixant le nombre de conseillers territoriaux, à la suite de l’annulation par le Conseil constitutionnel du tableau des effectifs auquel renvoyait l’article 6 du projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Je constate toutefois que la plupart d’entre vous êtes intervenus sur le principe même du conseiller territorial.

Oui ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Je ne vais pas, vous le comprendrez, reprendre l’ensemble du débat. Je souhaiterais toutefois répondre à Philippe Adnot. Celui-ci affirme qu’il y aura beaucoup plus de conseillers régionaux qu’auparavant. C’est juste ! Mais, si je reprends le cas de son département et de sa région, je constate qu’en lieu et place des 195 conseillers généraux ou régionaux actuels, il n’y aura plus demain que 138 conseillers territoriaux.

Mme Jacqueline Gourault s’exclame.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaiterais également réagir à un certain nombre de propos tenus, selon lesquels le Gouvernement aurait l’intention de mettre à mal la décentralisation et de s’attaquer aux institutions qui, aujourd'hui, exercent les responsabilités aux niveaux local, territorial, régional. Nous faisons au contraire le nécessaire pour qu’il y ait davantage de lisibilité, pour permettre à nos citoyens de mieux comprendre « qui fait quoi » au niveau du territoire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez très bien que les responsabilités respectives du conseil régional et du conseil général ne sont pas très claires pour les citoyens.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Mesdames, messieurs les membres du groupe socialiste, posez-leur la question ! Vous constaterez qu’ils ne voient pas bien la différence.

Le fait d’avoir un seul et même conseiller pour la région et pour le département apportera de la clarification. C’est la réalité. Je ne dis pas que cette réponse va nécessairement satisfaire tout le monde. En tout état de cause, il ne s’agit pas, pour le Gouvernement, de porter atteinte à la décentralisation, …

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

… il s’agit tout simplement d’avoir une démarche de clarification.

C'est la raison pour laquelle la commission Balladur avait proposé ce conseiller territorial – vous le savez. Nous avons repris cette proposition. Nombre d’autres éléments de la réforme ont été beaucoup mieux acceptés.

Je vais répondre maintenant de façon plus précise à un certain nombre de questions posées, et tout d’abord à celles du rapporteur, Jean-Patrick Courtois. Certaines de ses questions ont d’ailleurs aussi été posées par d’autres intervenants.

La première d’entre elles concernait le sort, entre le 1er juin 2013 et 2014, des bureaux des établissements publics de coopération intercommunale qui auront fusionné avant cette date. Cette question a également été posée, tout à l’heure, par Dominique Braye, et le 12 mai dernier, par Jacqueline Gourault, sous forme de question d’actualité.

Je le répète officiellement, pour que cela puisse être noté : à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, le Gouvernement proposera au Parlement, et notamment au Sénat, une adaptation…

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Quand ?

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

… permettant qu’il n’y ait pas de rupture pour les conseillers qui ont actuellement des postes de responsabilités au sein des EPCI. Je prends l’engagement de le faire. Vous pouvez compter sur moi.

Puisque l’un d’entre vous vient de m’interroger sur ce point, j’indique que l’examen de ce projet de loi n° 61 devrait sans doute intervenir à l’automne 2011, car nous devons faire aboutir les textes qui sont déjà inscrits à l’ordre du jour.

Je tenais à vous apporter cette précision, de manière que les communautés de communes qui s’engageraient dans des fusions puissent le faire avec le filet que nous préparerons alors ensemble. J’en prends ici l’engagement devant la Haute Assemblée.

La deuxième question posée par le rapporteur avait trait à la question du seuil pour l’application du scrutin de liste aux élections municipales. Le Gouvernement l’avait initialement fixé à 1 000 habitants. Devant l’insistance de l'Association des maires de France, nous l’avons abaissé à 500.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Aujourd'hui, ce seuil de 500 fait débat. Je l’ai bien compris. La position du Président de la République et du Premier ministre a été rappelée – c’est évidemment également la mienne – : nous nous en remettrons, dans le débat, à la sagesse du Parlement.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Que le seuil soit fixé à 1 000 ou 1 500 habitants, …

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

… nous tiendrons bien évidemment compte, par principe, de ce que dira le Parlement. Nous n’irons pas au-delà.

Que les choses soient claires : nous devons abaisser le seuil actuel de 3 500 habitants. C’est un engagement que nous avons pris. 1 000 ou 1 500 habitants, le débat est aujourd'hui ouvert ; c’est au Parlement de décider. Je l’ai dit, le Gouvernement s’en remettra à sa sagesse.

La troisième question du rapporteur porte sur la fusion de force. D’autres intervenants, comme Dominique Braye, l’ont également posée. Permettez-moi d’affirmer à ce sujet que je souhaite que l’organisation du schéma départemental des EPCI se fasse par coproduction.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

M. Philippe Richert, ministre. Je le répète : nous avons souhaité que le préfet fasse une proposition de schéma, qu’un délai de trois mois soit ensuite prévu pour la consultation des communes et des intercommunalités, suivi d’un nouveau délai de quatre mois pour le débat au sein de la commission départementale. Des ajustements seront alors possibles, et les mises aux voix n’interviendront qu’à l’issue. D’ailleurs, si cela est nécessaire, il sera encore possible d’effectuer des ajustements après le 31 décembre 2011.

M. Marc Daunis s’exclame.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Eu égard aux impératifs qui m’ont été fixés, monsieur le président, je répondrai tout à l’heure aux propositions et remarques des différents intervenants, afin de leur permettre de compléter leur vision des choses et, ainsi, de voter ce soir en pleine connaissance de cause.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Pierre Jarlier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux jusqu’à dix-sept heures, heure à laquelle nous aborderons les questions cribles thématiques sur l’évolution et les perspectives du secteur des services à la personne.

La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur l’évolution et les perspectives du secteur des services à la personne.

L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Je vous rappelle que ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sera rediffusé ce soir sur France 3, après l’émission Ce soir (ou jamais !), de Frédéric Taddéï.

Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été placés à la vue de tous.

La parole est à M. Yves Daudigny.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis deux ans, les fédérations gestionnaires de l’aide à domicile alertent le Gouvernement sur leur situation extrêmement préoccupante : questions écrites, interpellations, communiqués, études et bilans chiffrés vous ont été adressés, vous n’en ignorez rien, monsieur le secrétaire d’État.

Mais, hors une table ronde à la fin de l’année 2009 et trois nouvelles missions confiées à l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, à la direction générale de la cohésion sociale, la DGCS, et à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, rien n’a été décidé.

Aujourd’hui, les chiffres parlent d’eux-mêmes : jusqu’au premier trimestre de 2008, l’emploi, dans ce secteur, connaissait un taux de croissance de 5 %, qui s’est maintenu à 4 %, puis à 3 % en 2009. En 2010, cette croissance est pratiquement réduite à néant ! Le « formidable accélérateur d’emploi » – je cite M. Wauquiez lors de sa présentation du deuxième plan de développement des services à la personne, en mars 2009 – est en réalité en train de tomber en panne.

Face aux épisodes conjoncturels, aux contrecoups de la crise et de l’épuisement des budgets départementaux qui financent 80 % de l’aide à domicile, la création d’un fonds d’urgence était demandée. Elle était d’autant plus attendue que la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF, disposait de 275 millions d’euros non consommés et la CNSA de 100 millions d’euros, qu’elle envisageait d’allouer aux dotations de l’allocation personnalisée d’autonomie et de la prestation de compensation du handicap. Cette création a été refusée.

Des problèmes plus structurels, qui créent mécaniquement des déficits, ont été identifiés : à l’issue des travaux réalisés sur l’initiative de l’Assemblée des départements de France et des fédérations gestionnaires, ils font l’objet d’un diagnostic partagé et de propositions unanimement approuvées, j’y insiste.

J’ai défendu le volet législatif de ces propositions en novembre 2010, lors de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale. Il m’a été répondu qu’il fallait attendre, cette fois, « le grand projet de loi sur la dépendance ». D’évidence, ce grand projet est en train de se dégonfler.

Nous vous présentons, de nouveau, monsieur le secrétaire d’État, cette liste de propositions unanimes. Il y a urgence et j’espère une réponse précise du Gouvernement : les approuvez-vous et les soutiendrez-vous ? Et, dans la négative, pourquoi ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le sénateur, vous me permettrez tout d’abord de noter avec satisfaction que vous vous intéressez aux services à la personne.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Ce moment importe, car je me souviens que nous avions mis en place, en 1993, les formalités administratives attachées aux emplois familiaux, ainsi que la création du chèque emploi service ; en 1995, nous avions multiplié par trois le plafond, qu’il a fallu rétablir ensuite puisqu’il avait été divisé par deux et ramené à 6 860 euros. Finalement, vous avez évoqué 2005, année importante pour les services à la personne.

Vous avez regretté que la croissance ne soit pas suffisamment forte ; nous souhaiterions tous, évidemment, qu’elle soit plus forte encore… Je tiens cependant à vous rappeler quelques chiffres : le total des aides fiscales et sociales dorénavant consacrées par l’État à ce secteur avoisine les 7 milliards d’euros et le coût de ces aides, pour l’État, s’est accru de 50 %. Ce secteur est donc puissamment aidé par l’État, illustration de la politique voulue par le Gouvernement et notre majorité.

Le plan SAP 2, le deuxième plan de développement des services à la personne, que vous avez évoqué, est ambitieux : il comporte onze mesures dont la plupart ont été appliquées ou lancées, avec la volonté de répondre à l’attente exprimée sur le terrain. Je pense notamment aux chèques emploi à domicile, financés par l’État, qui ont été envoyés, comme prévu, aux publics fragiles visés, les familles et les personnes âgées en situation de dépendance. Cet envoi s’est achevé en janvier. Je pense également aux actions de professionnalisation des salariés, sujet qui a nourri de nombreux débats, notamment dans cet hémicycle, et qui s’avère absolument essentiel. Les centres de ressources ont été expérimentés en 2010 et j’aurai d’ailleurs l’occasion d’en inaugurer un moi-même le 28 juin prochain, à Paris.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État

Je pourrais encore multiplier les exemples. Comme vous le voyez, les services à la personne sont une priorité pour le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais insister sur les propositions issues des travaux du groupe de travail constitué par l’Assemblée des départements de France et les fédérations gestionnaires de services à domicile, réunissant à la fois des financeurs et les acteurs sociaux.

Ces propositions portent sur la réforme du régime d’autorisation, la mise en place d’un double plafonnement des frais de structure et du temps hors intervention directe, la réforme de la tarification horaire au profit d’un forfait global, la contractualisation quinquennale, grâce aux contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, ou CPOM, valant mandatement, au sens des services sociaux d’intérêt général, et intégrant des missions de prévention et d’intérêt général, la réforme du ticket modérateur, générateur d’iniquités, et les gains de productivité résultant de la téléassistance et de la télégestion.

On mesurera le sérieux et le caractère complet de ces propositions que l’Assemblée des départements de France et les fédérations gestionnaires souhaiteraient voir prises en compte par le Gouvernement.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les services à la personne, qui ont connu un fort développement ces dernières années, sont aujourd’hui à la croisée des chemins.

Nous devons, vous devez, monsieur le secrétaire d’État, choisir entre deux options.

Ou bien on poursuit la logique marchande induite par la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne, dont le principal effet est d’avoir accru la précarité des salariés, les exposant plus que jamais à la pluralité d’employeurs, aux situations de temps partiel subi, de sous-rémunération et de relation de gré à gré, qui isolent les professionnels et les rendent par conséquent plus vulnérables.

Ou bien, et ce que nous appelons de nos vœux, on assure de manière solidaire le financement des services à la personne, dédiés à ce que nos concitoyens ne peuvent plus ou ne peuvent pas faire, que ce soit en raison de leur âge, de leur état de santé ou de leur handicap. Si on peut admettre que les services qui ne sont pas indispensables à la vie de nos concitoyens – encore que l’idée mérite d’être discutée – soient financés par leurs bénéficiaires, les services qui ont une finalité sociale, notamment parce qu’ils viennent compenser la perte ou l’absence d’autonomie, les besoins ayant été évalués par les organismes compétents, doivent en revanche, selon nous, relever de la solidarité nationale.

Or on constate que les structures, qui aujourd’hui encore accomplissent ces missions, ont de plus en plus de mal à le faire dans des conditions correctes, tant pour les usagers que pour les professionnels. Cette dégradation s’inscrit dans un contexte de réduction des crédits de la CNSA à hauteur de 100 millions d’euros en 2010. Les associations qui parlent de « tour de passe-passe » sont inquiètes, d’autant plus qu’elles doivent déjà faire face à la suppression des exonérations fiscales et sociales intervenues dans les lois de financement de la sécurité sociale.

Monsieur le secrétaire d’État, ma question est la suivante : allez-vous instaurer un fonds d’urgence et comment entendez-vous organiser, dans la durée, le financement solidaire que nous souhaitons et dont nos concitoyens ont besoin ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État

Mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, je tiens à vous rassurer sur le fait que les avantages fiscaux sont maintenus à 100 %, de même que les exonérations de charges sociales sont maintenues à 100 % pour tous les publics fragiles. Par ailleurs, la création de l’abattement de quinze points des cotisations sociales patronales était un dispositif d’amorçage, pour inciter à développer les services à domicile et favoriser les déclarations au réel ; sa suppression n’a eu que des effets limités – nous attendrons les chiffres de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, pour le vérifier. Enfin, cette suppression est, dans 98 % des cas, à moitié compensée par cet avantage fiscal.

Je ne peux donc pas vous laisser parler de « tour de passe-passe » ! D’autant plus que, lorsque notre majorité a voulu développer les services à la personne – c’est pour cette raison que j’ai rappelé ce que nous avions fait en 1993 – en les encourageant par des avantages fiscaux et sociaux, elle s’est vue reprocher de légiférer pour les riches. Mais les uns et les autres avaient oublié que ces mesures permettaient de lutter contre le travail au noir. Or qui était fragilisé par le travail au noir ? Précisément nos compatriotes qui ne pouvaient pas bénéficier, à l’époque, de dispositifs d’aide à la personne. Ces dispositifs ont permis, au contraire, de les réintégrer.

J’ai eu l’occasion de rappeler, dans ma première réponse, les efforts sans précédents accomplis par ce gouvernement et sa majorité en faveur de la professionnalisation, …

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

… afin que les salariés de ce secteur puissent se créer un véritable avenir.

J’entends vos remarques, mais je n’oublie pas qu’au moment où nous avons créé ces incitations vous étiez de ceux qui critiquaient le principe même des services à la personne !

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien entendu votre réponse, mais de nombreuses associations nous disent qu’elles ne peuvent plus aujourd’hui, particulièrement en milieu rural, faire face aux dépenses supplémentaires, …

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

… notamment celles qui sont liées au transport. Elles n’ont d’autre choix que de relever leurs tarifs, …

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

… ce qui entraîne d’importantes conséquences dans la vie de celles et ceux qui bénéficient de ces services.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Les témoignages de personnes âgées ou handicapées renonçant ou réduisant le nombre d’heures de services réalisés à leur domicile se multiplient…

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

… et toutes et tous nous disent que ces restrictions dégradent d’autant plus leur qualité de vie que, pour beaucoup d’entre eux, ces activités sont indispensables.

Selon la CGT, les mesures d’exonération adoptées l’année dernière auront pour effet, à terme, d’obliger 54 000 personnes à renoncer aux services à la personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Mme Isabelle Pasquet. C’est pourquoi nous aurions préféré, monsieur le secrétaire d’État, que vous vous engagiez en faveur de la création d’un fonds d’urgence.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le vieillissement de la population, l’augmentation irréversible du taux d’activité féminin, l’accompagnement de nos populations en situation de handicap, entre autres éléments, vont créer de plus en plus de besoins en matière de services à domicile.

On le voit, la dynamique lancée par le plan de cohésion sociale, en 2005, n’est pas prête de s’éteindre, tant elle répond au souhait de nos concitoyens d’être aidés dans leur vie quotidienne.

Reconnu par les Français, rendant un vrai service et contribuant au dynamisme de notre économie, le service à la personne a besoin d’une double assurance pour se renforcer.

Primo, un cadre juridique, fiscal et social, stable. Si les simplifications introduites par l’article 31 de la loi du 23 juillet 2010 dans la procédure d’agrément et de déclaration sont utiles, à l’évidence, les changements de périmètre introduits dans la loi de finances pour 2011 n’ont pas forcément constitué un bon signal ; les professionnels ont alerté le Gouvernement sur ce point.

Secundo, il est impératif que monte en puissance la professionnalisation des salariés, à même de garantir un service de qualité, ainsi que l’évolution et la promotion sociale des personnes, par la formation ou la validation des acquis de l’expérience. Les organismes de services à la personne, sous l’impulsion de l’Agence nationale des services à la personne, se sont massivement engagés dans des actions de ce type qui ouvrent des perspectives intéressantes, en particulier en matière d’insertion.

Monsieur le secrétaire d’État, ma question est simple : comment le Gouvernement entend-il soutenir ce secteur pour l’ouvrir au plus grand nombre, favoriser la création d’emplois et sécuriser les emplois existants ?

Par ailleurs, quand serez-vous en mesure de tirer un premier bilan des changements de périmètre introduits dans la loi de finances pour 2011 et, s’il s’avérait négatif, envisageriez-vous de les réajuster ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Chère Valérie Létard, vous m’avez interrogé en particulier sur l’évaluation des dispositifs qui ont été pris en loi de finances pour 2011. L’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, devrait nous fournir des données chiffrées à la fin du mois, ce qui nous permettra de prendre la mesure de leurs effets.

Pour répondre également à Mme Isabelle Pasquet, qui a évoqué dans sa réplique un fonds d’urgence, je vous informe que des mesures d’urgence sont aujourd’hui à l’étude. Mme Roselyne Bachelot-Narquin, avec laquelle j’étudierai les résultats de l’évaluation, a demandé à la direction générale de la cohésion sociale, la DGCS, d’examiner la situation des associations qui sont le plus en difficulté.

Vous avez insisté, à raison, sur les efforts financiers consentis par l’État en faveur de l’accès des publics fragiles aux services à la personne. Depuis 1993 – 2005 représente une étape importante dans la structuration des services à la personne –, les gouvernements ont constamment pratiqué une politique de professionnalisation de l’offre et de stabilisation des publics fragiles.

Vous avez insisté à juste titre sur la professionnalisation, qui est un enjeu essentiel pour le développement du secteur. Je l’ai dit voilà quelques instants, j’assisterai, le 28 juin prochain, à l’inauguration d’un centre de ressources. La qualification des personnels et la modernisation des organisations de travail en sont les axes majeurs.

Et les résultats sont là : couvertures sociales conventionnelles, prévention des risques professionnels, valorisation et connaissance des métiers, développement de la qualification des salariés, renforcement de la qualification de l’encadrement intermédiaire, création du brevet de technicien supérieur Services et prestations des secteurs sanitaire et social, dit BTS SP3S, développement de la validation des acquis de l’expérience, ou VAE, développement de la formation à distance, développement de l’alternance.

Comme vous pouvez le constater, nous n’avons pas à rougir de l’action engagée en 1993, développée en 2005 et qui doit rester, madame la sénatrice, une constante de la politique du Gouvernement et de la majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Valérie Létard, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de nous assurer de l’attention particulière qui sera portée aux statuts et à l’accompagnement dans la promotion sociale des professionnels qui interviennent dans le cadre des services à la personne, particulièrement auprès des publics les plus fragiles.

Je rappelle que le Gouvernement mène actuellement un travail de réflexion sur la réforme de la dépendance et que les Français aspirent à rester le plus longtemps possible à domicile. Pour cela, il faut disposer de services professionnalisés, mais aussi veiller à la professionnalisation des salariés, à l’aide de la validation des acquis de l’expérience, dans un cadre juridique et financier suffisamment solide et stable pour que les associations d’aide à domicile puissent les accompagner dans leur parcours.

Je sais que ce n’est pas simple ! Nous devrons régler collectivement la question du financement de la dépendance. À défaut, les associations ne pourront pas monter en puissance ni rendre un service de qualité à la population tout en assurant un véritable avenir professionnel à des personnes qui aujourd’hui reste sur le bord de la route parce que le problème de la sécurisation des parcours n’est pas résolu.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les services à la personne représentent un secteur particulièrement actif au sein de notre économie, et surtout créateur d’emplois.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : depuis cinq ans, on dénombre près de 310 000 emplois nouveaux. Au total, 1 600 000 professionnels exercent dans l’univers des services à la personne, notamment à domicile. En 2008, le chiffre d’affaires annuel de ce secteur représentait 15 milliards d’euros.

Ce secteur d’activité et ces emplois répondent à une vraie demande et à un réel besoin de la part de la population.

Depuis vingt ans, les mesures en faveur des services à la personne se sont accumulées, les transformant peu à peu en un secteur très profitable qui n’en est peut-être qu’au début de son expansion. Ces services touchent à tous les domaines et concernent tous les publics. Il faut s’en réjouir !

Pour encourager ce mouvement, les gouvernements successifs se sont toujours appuyés sur des outils fiscaux permettant aux prestataires et aux bénéficiaires de disposer de diverses exonérations : réductions d’impôts, TVA à 5, 5 %, création du CESU – chèque emploi service universel – pour tous, le but étant de favoriser la création d’emplois induits par les services à la personne.

Bien sûr, cette façon de faire représente un coût pour le budget de la nation, mais c’est un investissement.

Pourtant, à l’occasion des débats relatifs à la dernière loi de finances, le Gouvernement avait proposé un article visant à mettre fin aux exonérations sociales inhérentes à ce secteur d’activité, espérant une économie de près de 460 millions d’euros. Repoussé dans un premier temps par le Sénat, ce dispositif fut finalement accepté au terme d’une seconde délibération.

Aussi, dans le contexte budgétaire très tendu que nous connaissons actuellement, il est à craindre que l’État ne poursuive le démantèlement des dispositifs fiscaux qui soutiennent le secteur des services à la personne et les emplois qu’ils génèrent, et par là même les richesses ainsi produites.

Monsieur le secrétaire d’État, comment le Gouvernement entend-il concilier le maintien de dispositifs fiscaux indispensables au développement des services à la personne avec les objectifs affichés de réduction des déficits ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Madame la sénatrice, j’ai été choqué de vous entendre parler de « démantèlement des dispositifs fiscaux ». Lorsque j’étais à l’Assemblée nationale, j’ai même, en tant que rapporteur, enrichi sur le plan fiscal les dispositifs favorables aux services à la personne.

Je vous rappelle tout de même que, depuis 1993, la gauche n’a eu de cesse de vouloir remettre en cause les dispositifs fiscaux de soutien…

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

…et qu’elle a notamment abaissé le plafond de dépenses ouvrant droit à des réductions d’impôts. Par conséquent, s’il est bien un sujet sur lequel on ne peut pas nous donner de leçons, c’est bien celui-là !

J’ajoute que le secteur des services à domicile poursuit son développement malgré la crise économique, avec un chiffre d’affaires de 17, 3 milliards d’euros, un taux de croissance du chiffre d’affaires supérieur à 10 % entre 2005 et 2008 et de près de 5 % en 2010, …

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

… une valeur ajoutée d’environ 1 % dans la valeur ajoutée totale de l’économie française, en progression de 6 % en 2010.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Je le répète, les avantages fiscaux sont tous maintenus à 100 %. Par ailleurs, les exonérations de charges sociales sont maintenues à 100 % pour les publics fragiles.

J’ai eu l’occasion d’évoquer, dans ma réponse à Mme Létard, l’évaluation de l’ACOSS. Je veux également rappeler que l’État consacre à ce secteur près de 7 milliards d’euros de mesures d’exonérations fiscales et sociales, soit une augmentation de 50 % depuis 2007, preuve que l’actuelle majorité soutien les services à la personne, si souvent combattus par le passé sur les travées situées à gauche de cet hémicycle !

Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Monsieur le secrétaire d’État, vous comprendrez mon insistance : à l’heure où le Gouvernement s’empare des débats sur la dépendance et le grand vieillissement, il nous faut accompagner le service à la personne, qui doit être considéré comme une action prioritaire.

Monsieur le secrétaire d’État, nous parlons de femmes et d’hommes qui jouent un rôle important d’entraide pour le devenir de notre société, nous ne parlons pas seulement d’argent.

Vous avez indiqué que les publics fragilisés seraient aidés à 100 %. Peut-être la définition de ces publics n’est-elle pas la même pour vous et pour nous : la classe moyenne se paupérise. Je vous soumettrai des dossiers au cas par cas, monsieur le secrétaire d’État, et nous verrons si nous les étudions de la même façon.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Doublet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais axer mon intervention sur la formation et la prise en compte des réalités socio-économiques de nos territoires.

De ce point de vue, la Charente-Maritime est intéressante : deuxième département touristique de France, il offre de nombreuses perspectives dans les métiers de services – tourisme, hôtellerie-restauration –, mais ceux-ci restent saisonniers. C’est également un territoire rural, très attractif pour les seniors.

Il y a donc un important gisement d’emplois dans le secteur des services à la personne. Dans certains bassins de vie du département, le taux de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans atteint 20 %.

Un tel défi de recrutement suppose qu’un réel effort soit engagé afin de revaloriser et de rendre plus attractifs les métiers médicosociaux. Nous le constatons sur le terrain, ces emplois restent précaires et peu valorisés, alors qu’ils exigent une véritable qualification.

On pourrait d’ailleurs s’interroger sur la polyvalence des compétences des personnels dans une acception large de la notion de service : du tourisme à l’aide à la personne, pour une employabilité maximale.

Les centres de formation dans le secteur médicosocial sont exclusivement situés dans les préfectures et semblent raisonner en termes de concurrence plus qu’en termes de complémentarité, alors que des organismes de formation, comme les Maisons familiales rurales habilitées à conduire la formation des auxiliaires de vie sociale, pourraient également envisager de dispenser ces formations. Force est de constater que les régions restent frileuses dans l’ouverture de telles formations.

Pour conclure, j’aborderai la situation de l’aide à domicile, portée par les acteurs de l’économie sociale et solidaire, confrontée aux conséquences de la crise économique et aux difficultés des financements publics, avec notamment la suppression des exonérations liées aux services à la personne, dont les incidences se font sentir sur le terrain, avec le licenciement de personnels et leurs conséquences sur les bénéficiaires.

Il paraît urgent d’évaluer l’impact de cette mesure sur le secteur de l’aide à domicile, à l’aune des économies réalisées sur le budget de l’État.

La capacité à attirer les jeunes dans les services à la personne, à former des professionnels compétents par le biais de l’alternance existe, il faut aujourd’hui assurer leur insertion dans la vie professionnelle.

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite donc recueillir vos observations et vos propositions en la matière.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Monsieur le sénateur Doublet, vous m’interrogez sur notre appareil de formation, qui est un sujet essentiel. Je me permettrais tout d’abord de rappeler quelques chiffres.

Nous formons chaque année environ 100 000 personnes de niveau V, autrement dit de niveau CAP-BEP, et 12 500 encadrants. Par conséquent, le dispositif fonctionne d’ores et déjà, même s’il convient d’aller plus loin.

Je pense comme vous que les régions devraient s’engager davantage qu’elles ne le font aujourd'hui sur un certain nombre de dispositifs de formation. J’ai rappelé l’importance de l’engagement de l’État et son augmentation, aussi souhaiterais-je, puisque certains d’entre vous sont visiblement intéressés par le sujet

M. le secrétaire d’État se tourne vers les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

, que les régions prennent leur part, notamment en matière de formation.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Il faut arrêter les provocations infantiles !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Avec mon collègue Xavier Bertrand, à la suite du plan de développement des services à la personne qui mettait en particulier l’accent sur le développement de l’alternance, nous avons approuvé les axes stratégiques de travail de l’Agence nationale des services à la personne, l’ANSP, débattus lors du conseil d’administration du 19 mai. L’un de ces axes a trait au développement de l’alternance, pour faire bénéficier le secteur de l’ensemble des nouveaux dispositifs issus de la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.

Je suis persuadé que cette voie permettra aussi de répondre à l’une des difficultés que vous soulignez, à savoir l’insertion des jeunes. La pyramide des âges pourra ainsi être renouvelée, la moyenne d’âge des salariés s’établissant aujourd’hui à quarante-huit ans.

La formation doit être étroitement corrélée aux services, y compris aux services nouveaux, comme vous le suggérez dans votre question.

Vous l’avez compris, la professionnalisation et la formation sont une priorité. À cet égard, la création des centres de ressources est un enjeu majeur dans la politique qui est actuellement conduite pour soutenir les services à la personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Doublet

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse. Je connais votre volonté de faire aboutir ces projets. Je compte donc sur vous pour que les choses avancent rapidement.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Sachez, monsieur le secrétaire d’État, que nous nous intéressons, nous aussi, sur ces travées, aux services à la personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

M. Ronan Kerdraon. Et notre intérêt ne date pas d’aujourd’hui !

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Le secteur des services représente chaque année 220 millions d’heures effectuées et plus de 2 millions de personnes aidées ou soignées. Ses services ont effectué un effort de professionnalisation et d’encadrement remarquable et reconnu par tous.

Or, depuis plusieurs mois, les associations d’aide à domicile tirent la sonnette d’alarme sur leurs difficultés financières, …

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

… sans être entendues par le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d’État.

La crise n’est pas la seule explication à leurs problèmes. En effet, la suppression, depuis le 1er janvier 2011, de l’exonération des charges sociales patronales explique également, pour partie, la situation de ce secteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

La remise en cause de cette mesure, instaurée en 2005, a en effet des conséquences dramatiques, tant pour les associations, qui se retrouvent en situation déficitaire, que pour les bénéficiaires de ces aides, en particulier les plus modestes, qui ne peuvent supporter une augmentation des coûts de prise en charge et sont par conséquent contraints de diminuer les heures de présence d’un salarié à domicile.

Ce sont d’ailleurs ces mêmes personnes qui sont également déjà confrontées aux déremboursements de médicaments et aux forfaits médicaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Par ailleurs, vous n’êtes pas sans savoir que le transfert vers les départements, sans contrepartie financière, de charges liées aux politiques sociales a fortement contribué à aggraver cette situation. Si des solutions ne sont pas apportées, licenciements et liquidations judiciaires vont se succéder.

Bref, c’est tout un secteur qui se trouve aujourd’hui dans l’impasse, d’autant que, mon collègue Yves Daudigny l’a rappelé, la CNAF affirme ne pas avoir eu l’aval du Gouvernement pour mobiliser le budget non consommé de la branche famille.

Pourquoi une telle attitude ?

Bénéficier d’une aide à domicile serait-il devenu un luxe réservé aux moins fragiles et aux plus aisés ?

Voulez-vous anéantir les services d’aide à domicile à but non lucratif, en les abandonnant aux lois du marché ?

Monsieur le secrétaire d’État, il est impératif de mettre en place un fonds d’urgence pour redresser la situation financière de ces associations. Il est également urgent de revoir en profondeur le système de tarification, en partenariat avec les acteurs de ce secteur. Ne restez pas sourd au cri de désespoir poussé par les structures de l’aide à domicile !

Enfin, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer les mesures concrètes que le Gouvernement entend prendre pour sortir de la crise les acteurs de l’aide à domicile ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Monsieur Kerdraon, je vous rappelle d’abord – je le dis pour la troisième fois aujourd’hui dans cet hémicycle et je vous remercie de me donner l’occasion de le faire – que 100 % – je dis bien : 100 % – des exonérations de charges ont été maintenues pour les organismes intervenant auprès des publics fragiles. Les autres activités de ces organismes bénéficient des allégements généraux de charges, en particulier des allégements Fillon. Faut-il vous le rappeler ?

Pour le reste, il me semble que de nombreuses institutions ont depuis plusieurs années pris en compte la question du financement des associations, de leur organisation, en soutenant notamment les démarches de modernisation et de qualité. Je pense en particulier à la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, et à l’ANSP, l’Agence nationale des services à la personne, qui ont piloté des programmes d’appui au secteur associatif.

Les départements ont également piloté une réflexion visant à réformer de manière expérimentale le système de tarification, qui constitue la principale source de financement des associations.

Sans attendre le résultat de ces travaux, j’ai demandé à l’ANSP, qui en a débattu lors de son conseil d’administration du 19 mai dernier, de revisiter le modèle économique de l’ensemble des opérateurs, qu’ils soient associatifs ou privés, lucratifs. En effet, il convient d’apprécier ce modèle économique au regard des recettes qui sont tirées de l’activité soutenue par les aides publiques. Sans préjudice, naturellement, des résultats de ces travaux, je pense qu’il est important que l’ensemble des opérateurs se diversifient, car c’est le moyen d’atteindre un équilibre économique satisfaisant.

J’ai à plusieurs reprises été interrogé sur la création d’un fonds d’urgence. Je rappelle que Mme Bachelot-Narquin travaille sur des mesures d’urgence. En effet, nous ne laisserons pas les associations les plus en difficulté sans une réponse de l’État. Dois-je rappeler une nouvelle fois que, contrairement à ce que vous avez dit, l’État – c’est à ses yeux une priorité – est aux côtés des services à la personne ? En effet, les dépenses de l’État dans ce secteur ont augmenté de 50 % depuis 2007.

Debut de section - Permalien
Un sénateur socialiste

C’est de la littérature !

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Permettez-moi de réagir à la non-réponse de M. le secrétaire d’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Je vais citer quelques chiffres, et ça c’est du concret !

Une hausse de 12 % du coût de l’heure entraîne un surcoût de 130 euros par mois pour une personne retraitée employant une aide à domicile quatre heures par jour et de 240 euros pour une famille ayant besoin d’une garde d’enfant. Voilà du concret !

Plus de la moitié des besoins ne sont pas couverts par des professionnels. Votre politique, monsieur le secrétaire d’État, met encore un peu plus en péril l’autonomie des personnes et des familles. À terme, cela signifie aussi une prévention moindre et donc des coûts accrus pour la collectivité – sans doute les départements – en termes de dépenses de santé.

Sans même parler du travail au noir, que vous avez évoqué, monsieur le secrétaire d’État, vous en conviendrez, nous sommes loin d’un progrès social. Aussi, vous l’aurez compris, nous ne sommes pas satisfaits de vos « réponses » cet après-midi, et les associations encore moins que nous !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ces dernières années, le Gouvernement n’a pas ménagé les mesures de soutien au secteur des services à la personne.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Le nombre d’entreprises agréées est en constante augmentation. Alors que d’autres secteurs ont continué à supprimer des postes, le nombre d’emplois et d’heures travaillées dans les services à la personne ont connu ces dernières années une augmentation de l’ordre de 4 % par an, bien supérieure au taux de croissance de notre économie. En Languedoc-Roussillon, la progression a atteint 25 %.

D’un point de vue social, ces créations d’emplois jouent un rôle essentiel. Il s’agit d’emplois de proximité, non délocalisables et pouvant être occupés, en majorité, par des personnes peu qualifiées, qui auraient d’énormes difficultés à trouver un emploi dans un autre secteur.

Aujourd’hui, les services à la personne constituent un véritable secteur économique, qui doit répondre aux besoins des personnes âgées, afin de faciliter leur maintien à domicile, ainsi qu’à ceux des ménages. C’est un secteur économique à part entière, qui pourrait mieux se développer si les démarches de créations d’entreprises étaient plus simples.

L’agrément, délivré par les services de l’État, est précédé de l’examen d’un dossier particulièrement complexe. Les entreprises doivent tous les mois déclarer un certain nombre de statistiques. Quant à la situation des particuliers employeurs, elle n’est pas plus simple.

Monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures de simplification pensez-vous mettre en œuvre en faveur des entreprises, des particuliers et des salariés de ce secteur ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, vous avez parfaitement décrit l’importance du secteur des services à la personne aujourd'hui, à la fois pour l’économie de notre pays – c’est en effet un véritable secteur économique, contrairement à ce que certains nous disaient dans le passé

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

… et pour le confort de nombre de nos concitoyens.

Monsieur Kerdraon, permettez-moi de vous rappeler, car vous semblez avoir perdu la mémoire, …

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … que, en 1997 – M. Jospin était alors Premier ministre…

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Oui, c’est vieux. C’est pour cela que je me permets de vous rafraîchir la mémoire, car vous semblez l’avoir oublié !

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Aujourd'hui, il faut en effet simplifier les dispositifs.

La principale mesure de simplification a été prise par la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services : l’agrément simple, créé par la loi Borloo pour les activités de facilitation de la vie quotidienne, a été supprimé. Il est remplacé par une simple déclaration, laquelle suffira désormais aux entreprises et aux associations pour ouvrir droit aux différents avantages fiscaux et sociaux du secteur.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Par ailleurs, vous avez évoqué la question des statistiques, madame la sénatrice. Les exigences statistiques ont également été allégées. J’ai signé un décret en ce sens. Les obligations de déclarations mensuelles seront désormais trimestrielles.

En outre, l’usage du chèque emploi service universel, le CESU, doit être plus largement développé. Il connaît actuellement une progression exponentielle : 177 millions d’euros en 2007 et 553 millions d’euros en 2010.

Grâce au décret du 19 octobre 2009, le paiement des frais de crèche en CESU par les parents est exonéré de tous frais relatifs au remboursement de ces CESU par les organismes d’accueil.

M. Marc Daunis s’exclame.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

De la même façon, une attention particulière est portée aux particuliers employeurs. J’évoquerai donc une nouvelle fois la question des centres de ressources, essentiels pour simplifier la vie des particuliers employeurs…

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Et la révision générale des politiques publiques ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … grâce auxquels nombre de nos compatriotes ont aujourd'hui un emploi stable dans notre pays.

Applaudissementssur les travées de l’UMP. – M. Claude Bérit-Débat s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, des informations que vous avez bien voulu communiquer à la Haute Assemblée.

Notre souhait est en effet de transformer ce qui pouvait apparaître comme une politique de soutien public indéfini à la création de « petits boulots »…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Mme Marie-Thérèse Bruguière. … en une politique de soutien à de véritables services, à l’innovation, une sorte de politique industrielle dans des services d’avenir. Les personnes âgées vous en remercient, monsieur le secrétaire d’État.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. La parole est à Mme Françoise Henneron.

M. Joël Bourdin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Henneron

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le secteur des services à la personne s’est largement développé ces dernières années. Force est de constater que de nombreux organismes se sont créés et proposent une palette étoffée de services. Parallèlement, le recours à l’emploi direct continue de croître.

En effet, les activités de services à la personne répondent de façon simple à des besoins divers : faciliter la vie au quotidien, concilier vie familiale et vie professionnelle, accompagner la perte d’autonomie.

Dans le premier cas, il s’agira d’activités de ménage, de jardinage, d’assistance administrative ; dans le deuxième, de garde d’enfants, de cours à domicile, de soutien scolaire ; dans le troisième et dernier cas, d’assistance aux personnes âgées, aux handicapés, aux personnes dépendantes, y compris les activités d’aide à la mobilité des personnes, permettant, dès lors, pour celles et ceux qui l’ont choisi, le maintien à domicile et la continuation de leur vie sociale et relationnelle.

Je constate que les besoins vont croissant et que l’offre se diversifie. Entreprises et associations apportent leurs prestations à domicile, les particuliers continuent de faire le choix de l’emploi direct. Ces offres diverses favorisent le libre choix des personnes.

Aujourd’hui, la protection des publics les plus fragiles doit retenir notre attention de façon toute particulière. C’est certainement une responsabilité forte de l’État d’assurer que les services rendus dans ce secteur soient de qualité.

Les débats en cours sur la dépendance amènent les personnes âgées et dépendantes mais également leur entourage familial, souvent très présent à leurs côtés, à s’interroger sur la qualité de ces services rendus.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser quels sont les dispositifs, publics ou privés, qui garantissent la qualité des services et le professionnalisme des intervenants ?

Ces dispositifs concernent-ils tous les offreurs de services : associations, entreprises et emploi direct ?

Enfin, envisagez-vous de nouveaux dispositifs plus lisibles pour les personnes directement concernées ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, je vous remercie d’avoir utilisé le mot « qualité ».

M. Marc Daunis sourit.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Depuis tout à l’heure, en effet, nous parlons d’une démarche qualité pour les employés des services à la personne. Nous avons ainsi abordé la professionnalisation, ou encore les centres de ressources qui comportent autant d’avantages pour les employeurs que pour les employés. Car l’objectif du Gouvernement est évidemment de créer des emplois stables.

Quand vous posez la question de la qualité du service rendu, vous mettez le doigt sur un élément absolument essentiel. On a évoqué d’ailleurs à ce sujet – ainsi que l’ont fait Valérie Létard et d’autres sénateurs – la question de la dépendance.

En ce qui concerne les services à la personne, le Gouvernement est engagé depuis le départ dans une démarche qualité.

Madame la sénatrice, votre question porte notamment sur les dispositifs.

En premier lieu, préalablement à la délivrance de toute prestation, chaque organisme, entreprise, association et même chaque organisme public, doit obtenir un agrément qualité.

Cela signifie que cet organisme doit répondre à un cahier des charges, qui est vérifié dans le détail, portant sur la clarté et la qualité de l’offre ainsi que sur les modalités d’intervention.

Une révision du cahier des charges est d’ailleurs en cours pour aller dans le sens que vous désirez. Cette révision vise en effet à clarifier un certain nombre des exigences et mieux prendre en compte la diversité des métiers couverts par ce cahier des charges.

Il existe en outre un deuxième niveau de contrôle qualité. Un organisme peut faire l’ensemble des démarches lui permettant d’obtenir une certification de services. Ces certifications sont délivrées par des organismes privés. Les référentiels de certification sont publiés et les organismes certificateurs sont habilités par le Comité français d’accréditation, le COFRAC. Les nouveaux textes réglementaires prévoient que ces référentiels soient à l’avenir reconnus par l’ANSP, ce qui sera, là encore, un progrès.

S’agissant de l’emploi direct, la politique de qualité repose sur les centres de ressources, comme je l’ai déjà dit.

L’ANSP a lancé dès 2007 le programme THETIS qui a permis à 600 organismes de services à la personne employant 47 000 salariés – il s’agit donc de petits organismes – d’être accompagnés par un consultant, pour moderniser leur organisation et mieux répondre aux attentes des citoyens et des consommateurs.

C’est pourquoi, même si nous sommes dans un mouvement d’amélioration de cette démarche qualité, le souci de la qualité est dans l’esprit de tous les acteurs de la chaîne des services à la personne.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Françoise Henneron, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Henneron

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, des éléments de réponse que vous avez bien voulu me communiquer. En effet, la spécificité des services à la personne provient du contact privilégié qui s’établit entre l’intervenant et le bénéficiaire de la prestation, surtout pour ce qui concerne les publics dits « fragiles ».

L’instauration d’un climat de confiance dans cette relation ainsi que le respect du bien-être et de la dignité de la personne à qui est délivrée la prestation sont des éléments centraux de l’activité des salariés de ce secteur.

Il est même vraisemblable que l’appréciation de la qualité du service rendu repose autant sur ces éléments que sur la nature des tâches matérielles accomplies.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, d’avoir participé à cette séance.

Nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur l’évolution et les perspectives du secteur des services à la personne.

Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région.

Nous en sommes parvenus à l’examen des motions.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi, par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n° 10.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, fixant le nombre de conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région (552, 2010-2011).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean-François Voguet, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Voguet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’objectif annoncé de la réforme des collectivités territoriales était la simplification du prétendu « millefeuille territorial » ; en fait, vous n’avez fait que rajouter plusieurs couches, rendant encore plus illisible l’organisation décentralisée de notre République !

Somme toute, ce n’est guère étonnant, puisque cette réforme n’est qu’une vaste opération de restructuration des compétences des collectivités territoriales visant à neutraliser leur pouvoir d’action.

Un coup d’arrêt a d’abord été porté à l’intervention publique locale par le biais de la fiscalité, avec la suppression de la taxe professionnelle, alors que les collectivités territoriales n’étaient déjà autonomes qu’à hauteur de 50 % environ de leurs ressources.

Et ce premier élan a ensuite été complété par cette réorganisation territoriale contraignante et autoritaire, introduite par la loi adoptée le 16 décembre 2010, dont l’objectif premier était, et reste toujours, la réduction de la dépense publique et des services publics locaux.

Une telle réforme, votée à une très courte majorité par notre Haute Assemblée, a été élaborée « à la va-vite », tout comme le tableau, introduit au matin à deux heures via un amendement du Gouvernement à l’Assemblée nationale, sans aucune concertation préalable en commission.

Pourtant, dans une décision du 25 juin 2009, le Conseil constitutionnel a rappelé que « les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire » s’appliquaient « aux travaux des commissions ». Il faut donc considérer que ce principe s’applique a fortiori lorsque la procédure accélérée est engagée.

L’évocation du débat à l’Assemblée nationale nous offre l’occasion de rappeler que, aux termes de l’article 39 de la Constitution, les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales doivent être soumis en premier lieu au Sénat.

Sur ce point, monsieur le ministre, vous avez répondu aux députés que le présent projet de loi avait « pour objet principal de « fixer le nombre de circonscriptions d’élections du nouveau conseiller territorial et non de fixer l’organisation du conseil général ou du conseil régional ». Sauf à considérer que nous sommes peu au fait des questions locales, nous savons tous ici qu’une telle nuance n’existe pas ; vous l’avez inventée.

Ainsi, nous sommes aujourd’hui réunis pour apporter un correctif exclusivement numérique au séisme que vous avez provoqué en vertu d’une posture idéologique et partisane visant à tailler une carte électorale sur mesure pour l’UMP !

Le Conseil constitutionnel, dont tout le monde connaît le mode de désignation des membres, n’a pas retenu les nombreux griefs invoqués dans le recours qui lui a été présenté. Et pourtant… Le seul qui ait été retenu, et qui vous a valu une censure, n’a même pas fait l’objet d’une véritable rectification dans le tableau que vous nous présentez aujourd’hui.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Ah bon ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Voguet

En effet, force est de constater qu’il subsiste encore une importante rupture d’égalité devant le suffrage. Les réalités démographiques ne sont pas plus prises en compte ici que dans le tableau de répartition qui nous avait été soumis pour simple validation, et ce au mépris du travail parlementaire, lors de l’examen de la réforme.

Par exemple, avec cette répartition, le département du Val-de-Marne perd quatorze cantons et n’aura plus que trente-cinq conseillers territoriaux. Dans le même temps, le Bas-Rhin, département que vous connaissez bien, monsieur le ministre, aura quarante-trois conseillers territoriaux, alors qu’il a 30 % d’habitants de moins que le Val-de-Marne.

Nous nous garderons d’énumérer l’ensemble des territoires où il existe encore de fortes disparités et des inégalités flagrantes qui demeurent dans ces opérations arithmétiques où personne ne trouve son compte ; la liste serait bien trop longue…

Depuis 1985, par deux décisions relatives à l’évolution de la Nouvelle-Calédonie, le Conseil constitutionnel s’est engagé dans le contrôle du découpage des circonscriptions électorales fondé sur le principe d’égalité du suffrage.

Il exerce son contrôle au regard du principe constitutionnel d’égalité en se fondant sur plusieurs dispositions du bloc de constitutionnalité, à savoir l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, selon lequel la loi « doit être la même pour tous », l’article 1er de la Constitution, qui énonce que la France « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens » et, enfin, l’article 3 de la Constitution, aux termes duquel le suffrage « est toujours universel, égal et secret ».

Le Conseil constitutionnel considère que la délimitation des circonscriptions électorales doit être effectuée en respectant le principe d’égale représentation des populations de chacune des circonscriptions, sans pour autant – nous le savons – être astreinte à une stricte proportionnalité.

Dans deux décisions de 1986, il a considéré que, en l’espèce, l’Assemblée nationale devait « être élue sur des bases essentiellement démographiques » et que « si le législateur pouvait tenir compte d’impératifs d’intérêt général susceptibles d’atténuer la portée de cette règle fondamentale, il ne saurait le faire que dans une mesure limitée et en fonction d’impératifs précis ».

Il a même récemment ajouté que la mise en œuvre des cas de dérogation au principe de stricte égalité devait être « strictement proportionnée au but poursuivi ».

Enfin, d’une manière générale, il veille à ce que la délimitation des circonscriptions ne procède d’« aucun arbitraire ».

Or, si ce n’est vos intérêts particuliers, comme l’a d’ailleurs souligné le Conseil constitutionnel, aucun impératif d’intérêt général ne justifie que subsistent de telles inégalités de répartition, inégalités qui relèvent précisément de l’arbitraire.

De même que rien ne justifie d’engager une procédure accélérée pour un texte modifiant en profondeur l’organisation territoriale de notre pays. Du reste, il n’y a aucune cohérence chronologique perceptible dans l’adoption des différentes dispositions de la loi.

La loi du 16 décembre 2010 entre déjà en application dans son volet consacré à la coopération intercommunale. La plupart des autres dispositions essentielles, notamment celles qui intéressent le tableau à annexer, n’entreront en vigueur qu’en 2014 ou en 2015.

En outre, les limites des nouveaux cantons n’ont pas encore été fixées. Le redécoupage n’interviendra que postérieurement à l’établissement d’un schéma départemental de coopération intercommunale, qui doit être arrêté pour la fin de l’année 2011. Pour notre part, nous jugeons ce délai bien trop court pour appréhender l’ensemble des problématiques liées à la définition du périmètre et à l’organisation des compétences des collectivités.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements qui tendent à la mise en place d’un délai supplémentaire.

Quoi qu’il en soit, comme ces découpages, élaborés pour enrayer une évolution politique qui ne vous est pas favorable, ne sont pas encore intervenus, il paraît tout à fait absurde de fixer le nombre de conseillers territoriaux.

Deux autres projets de loi portant sur le mode d’élection et sur le régime des conseillers territoriaux sont encore en sommeil sur les bureaux du Sénat. Aussi la question des conseillers territoriaux aurait-elle très bien pu être couplée à l’un de ces textes.

Alors, permettez-nous de vous demander pourquoi ce tableau, qu’on nous impose d’adopter aujourd’hui en urgence, après une seule et unique lecture par nos deux assemblées, est purement déconnecté de la loi et de ses principales dispositions, qui ne seront applicables que dans quelques années.

La réalité est que vous souhaitez supprimer l’échelon de collectivité que représentent les départements, alors même que la Constitution vous l’interdit. Vous passez alors par un moyen détourné : l’institution des conseillers territoriaux.

Or, ainsi que le reconnaît la doctrine, si une telle fusion entre deux collectivités peut a priori se justifier dans certains cas exceptionnels, comme dans les régions monodépartementales, on ne peut pas la généraliser sans avoir préalablement révisé la loi fondamentale. Le législateur ne peut pas expressément supprimer un échelon prévu par la Constitution.

Toujours est-il que vous remettez précisément en cause la distinction claire et formelle existant entre la région et le département.

Dans le même ordre d’idée, le fait que deux catégories de collectivités, qui ont pourtant une place distincte dans la Constitution, soient administrées par les mêmes élus pose encore problème au regard de l’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre, principe inscrit au cinquième alinéa de l’article 72 de la Constitution.

En imposant ses décisions aux départements, la région exercera concrètement une tutelle sur les départements.

Dès lors, si le département ne devient qu’un démembrement du conseil régional, il est de fait placé sous tutelle, et ce n’est plus une collectivité territoriale telle que la Constitution les définit.

L’article 72 de la Constitution, en plus de préciser que les départements sont des collectivités à part entière, dispose que les collectivités territoriales doivent pouvoir s’administrer librement par des conseils élus.

Le respect du principe de libre administration a deux conséquences majeures.

D’une part, il implique le bénéfice de la clause générale de compétence, socle de l’action publique des collectivités. Aussi, le simple fait de l’ôter aux départements et aux régions foule donc aux pieds un tel principe et transforme ces deux collectivités de plein exercice en simples administrations déconcentrées aux pouvoirs totalement encadrés.

D’autre part, le principe de libre administration s’entend aussi comme l’exigence que chaque collectivité possède un organe délibérant qui lui soit propre, lui-même composé d’élus qui lui soient aussi propres.

La logique constitutionnelle, qui – nous l’aurons compris – n’est certes pas la vôtre, impose donc la tenue de deux élections distinctes, pour élire deux assemblées distinctes, composées d’élus également distincts.

Autre étrangeté inconstitutionnelle, qui n’a pourtant, elle non plus, pas été censurée par le Conseil Constitutionnel : le mode de scrutin choisi pour l’élection de ces conseillers.

En décidant d’opter pour le scrutin uninominal à deux tours, vous sabordez l’objectif constitutionnel de parité et vous vous inscrivez à contre-courant de la dynamique de représentation des femmes en politique.

L’exclusion des femmes sera indubitablement la conséquence directe de votre réforme, d’autant que cette dernière remet aussi en cause le principe de parité dans les exécutifs régionaux.

En guise de compensation, vous entendez élargir le régime électoral paritaire en retenant pour seuil d’application, peut-être, les communes de 500 habitants et plus, sous-entendant ainsi que la diminution de la représentation des femmes dans les assemblées départementales et régionales serait compensée par des responsabilités dans les petites communes. Je rappelle que ces petites communes, qui ne sont pas assujetties en raison de leur taille à une obligation de parité, ont déjà élu plus de 32 % de femmes aux élections municipales. En revanche, aux élections cantonales, le nombre de conseillères ne dépasse guère les 13 %.

Alors que vous nous avez récemment présenté un texte tendant à renforcer la présence des femmes dans les conseils d’administration des entreprises, voilà que vous ne les considérez pas aptes, maintenant, à traiter des affaires départementales et régionales.

À l’instar des positions que nous avons fait valoir à l’occasion du débat sur la réforme territoriale, nous tenons, pour notre part, à ce que les prérogatives actuelles des collectivités territoriales soient maintenues et renforcées, tant ces collectivités jouent un rôle primordial dans la régulation et la prise en compte des besoins sociaux de nos concitoyens. Sans leur capacité d’intervention et d’innovation sociale, les services publics locaux, les crèches, les maisons de retraite et les clubs du troisième âge, les écoles et les centres de loisirs, les transports, les actions menées en matière d’économies d’énergie, le sport, la culture, bref, tout ce qui fait les services de proximité, qui répondent aux besoins et aux attentes des habitants, risque de disparaître pour laisser place à des marchés privés, lesquels ne s’adresseront plus qu’à ceux qui ont les moyens de se les offrir.

En vertu de notre engagement pour plus de justice sociale et parce que l’ensemble des dispositions contenues dans le texte présentent des incompatibilités manifestes avec nos normes constitutionnelles, nous défendons aujourd’hui cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, motion que nous vous invitons à adopter, mes chers collègues.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Les arguments avancés par les auteurs de cette motion sur la non-conformité du présent texte à la Constitution sont contraires à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

À cet égard, je rappelle que le Conseil constitutionnel a considéré que la création des conseillers territoriaux était conforme tant au principe de libre administration des collectivités, puisqu’elle « ne porte pas atteinte à l’existence de la région et du département ou à la distinction entre ces collectivités », qu’au principe de liberté du vote. Le Conseil a également validé le mode de scrutin choisi par le législateur pour l’élection des conseillers territoriaux : sur ce point, il a notamment jugé que la mise en place d’un scrutin uninominal majoritaire à deux tours ne portait pas « atteinte à l’objectif d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».

Le juge constitutionnel n’a censuré la répartition des conseillers territoriaux que dans six régions et apprécie le respect du principe d’égalité devant le suffrage non pas à l’échelle nationale, mais à l’échelle régionale : dans cette mesure, et comme j’ai eu l’occasion de le souligner dans mon rapport, le projet de loi est parfaitement conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et ne soulève aucun problème juridique.

Les arguments présentés par les auteurs de la motion ne sont donc pas fondés, et la commission des lois invite le Sénat à la rejeter.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales

Bien évidemment, le Gouvernement n’est pas favorable à l’adoption de cette motion. Qu’il me soit néanmoins permis d’étayer cet avis en complétant les explications qui viennent d’être données par M. le rapporteur.

Tout d’abord, les auteurs de cette motion ont avancé l’argument de la rupture d’égalité puisque des départements de même taille démographique n’éliront pas forcément le même nombre de conseillers territoriaux. Certes, mais cela est strictement conforme aux exigences du Conseil constitutionnel

M. le rapporteur opine.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales

Cette réponse vaut également pour Claude Léonard, qui a évoqué le département de la Meuse et a fait état de ses difficultés à comprendre que deux départements de deux régions différentes mais qui ont à peu près la même taille démographique puissent ne pas élire le même nombre de conseillers territoriaux. C’est le Conseil constitutionnel qui juge, et c’est lui qui a imposé que l’on ramène de dix-neuf à quinze, effectif minimal de base, le nombre de conseillers territoriaux de la Meuse. Ce n’est pas une décision du Gouvernement, et vous le savez bien. Cette mesure d’équité se comprend au niveau de la circonscription régionale, celle de la Lorraine.

Par ailleurs, les auteurs de la motion ont demandé quand serait discuté le projet de loi n° 61 relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale. Je veux redire ici, en particulier à Jacqueline Gourault et à Dominique Braye, que ce texte sera examiné à automne, ce qui nous permettra de revenir sur un certain nombre de questions. Je pense, notamment, au seuil à partir duquel sera organisée l’élection au scrutin de liste. Le Gouvernement, je veux le redire ici, sera à l’écoute du Parlement et s’en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée lorsque celle-ci proposera un seuil. Je pense également aux EPCI, qui auront fusionné avant le 1er juin 2013. Je le confirme, le Gouvernement s’engage à trouver avec le Sénat une procédure susceptible de garantir aux intercommunalités la prorogation jusqu’en 2014 des règles en vigueur aujourd'hui. C’était une demande formulée par Jacqueline Gourault et une proposition faite, on s’en souvient, par Dominique Braye. De la sorte, je le dis clairement pour éviter toute difficulté de compréhension, les conseillers communautaires membre de bureau concernés n’auront pas la mauvaise surprise de ne pas siéger jusqu’en 2014.

Voilà rapidement ce que je souhaitais répondre à Jean-François Voguet, qui a présenté cette motion, à l’adoption de laquelle je m’oppose.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu aux objections fondamentales qui ont été adressées à ce texte.

La première des objections est celle de la tutelle, qui est bien réelle, du département le plus peuplé sur la région, dans les régions qui comptent deux départements. Je voudrais bien que l’on m’explique comment des départements largement majoritaires, comme c’est le cas dans le Nord–Pas-de-Calais ou en Alsace, n’exerceraient pas une tutelle sur l’ensemble de la région ? Le problème, ici, n’est pas celui de la tutelle exercée par la région sur les départements, mais est celui de la tutelle d’un département sur une région dans certains cas spécifiques.

La deuxième objection est la suivante : qu’on le veuille ou non, quel que soit le mode de calcul retenu, dès lors qu’une seule et même élection désigne un conseiller général et un conseiller régional, on ne peut satisfaire simultanément le principe d’un minimum d’élus pour assurer la gestion efficace d’un département et le principe de l’égalité des suffrages. Ce n’est pas possible, si ce n’est grâce à l’entourloupe dont j’ai expliqué le mécanisme tout à l’heure, qui consiste à inscrire la proportion de conseillers territoriaux dans le fameux « tunnel », à prendre en compte dans le calcul le deuxième chiffre après la virgule et à ne pas se préoccuper des départements qui ont le minimum vital, administrativement parlant, de quinze conseillers territoriaux. J’ai comparé la Lorraine et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur : votre système ne tient pas debout, sauf avec cet artifice.

Cela pose tout de même un problème de fond : qu’est-ce qui est constitutionnel ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Voilà ! Aussi, je pose la question : qui jugera les juges ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

En conclusion, votre État de droit est passablement un État… de travers !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je mets aux voix la motion n° 10, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés contre cette motion.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Voici le résultat du scrutin n° 226 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi, par M. Mirassou et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 9.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région (552, 2010-2011).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, auteur de la motion.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de détailler les raisons qui nous ont incités à déposer une motion tendant à opposer la question préalable, permettez-moi de m’interroger, comme d’autres l’ont fait avant moi, sur la nature du message que le Conseil constitutionnel a voulu faire passer au pays en se contentant de censurer l’article 6 du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, alors qu’il avait été saisi par les parlementaires socialistes pour atteinte à la libre administration des collectivités locales.

Nous le pensions à l’époque, et nous sommes fondés à continuer de le penser, cette réforme entraînera une confusion des genres dans notre paysage institutionnel : en raison même de sa nature hybride, le désormais tristement célèbre conseiller territorial remettra en cause, par ses décisions, l’autonomie de décision non seulement du conseil général mais aussi du conseil régional auxquels il appartiendra et portera ainsi atteinte à la libre administration des collectivités territoriales.

Pourtant, les Sages ont décidé de ne pas retenir cet aspect de la question et se sont contentés, à l’aide d’un microscope, de « zoomer » sur le tableau de répartition des conseillers territoriaux. Je reviendrai sur ce point tout à l’heure, car je voudrais d’abord évoquer une question de forme, déjà soulevée, mais qui conserve toute son importance.

En effet, comment se fait-il que le Sénat, procédure accélérée ou pas, soit amené, en contradiction avec l’article 39 de la Constitution, à se prononcer après l’Assemblée nationale sur un texte qui relève avant tout de ses compétences ? L’Assemblée nationale s’est déterminée le 10 mai dernier ; permettez-moi de vous dire, mes chers collègues, que nous voyons dans cette date anniversaire un choix funestement symbolique en ce qui concerne la nature et l’avenir même de la décentralisation !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Rappelons que, le 16 décembre 2010, cette réforme n’a été adoptée que de justesse par le Sénat. Du reste, à l’issue de ce vote, une sorte de soulagement honteux était perceptible dans les rangs de la majorité car, alors qu’il avait toutes les raisons d’être rejeté, le texte avait été adopté sur injonction de l’exécutif, malgré la fronde permanente des élus locaux.

En tout état de cause, monsieur le ministre, le mépris dans lequel est tenue la Haute Assemblée sur des sujets qui la concernent au premier chef, couplé au mauvais sort que fait subir le projet de loi aux collectivités territoriales, devrait largement suffire à conduire le Sénat à rejeter ce tableau, et donc le texte.

J’en viens aux incohérences et aux imprécisions. Pour être aimable, je qualifierais de « cosmétiques » les modifications auxquelles a procédé le Gouvernement à la suite de la censure du tableau de répartition des conseillers territoriaux. Elles ne consistent en effet qu’à retirer un élu là, à en rajouter deux ici, comme on modifierait une composition florale.

Monsieur le ministre, le tableau que vous avez présenté en conseil des ministres, compte, vous l’avez indiqué, 3 493 conseillers territoriaux, soit trois de moins que celui qui avait été proposé initialement. Tout ça pour ça !...

Il est clair que ce différentiel à la baisse de trois conseillers territoriaux est largement disproportionné au regard des compétences extrêmement étendues du Conseil constitutionnel, lequel devait, ce jour-là, avoir du temps à perdre…

Dans un autre registre, voilà plus d’un an que vous tentez de justifier, vous et vos collègues du Gouvernement, cette réforme par des économies à réaliser au niveau des collectivités territoriales.

Alors qu’avec la désastreuse RGPP vous prétendez tailler dans le « gras » de l’État, vous allez créer des postes de dépenses supplémentaires pour ces collectivités, lesquelles vont bien devoir donner aux pléthoriques conseillers territoriaux des moyens pour travailler, notamment – d’autres orateurs l’ont déjà indiqué – en termes de locaux et de fonctionnement.

Cela vous permettra d’ailleurs éventuellement, dans un deuxième temps, d’instruire un nouveau procès en gabegie à l’encontre des mêmes élus locaux !

L’argument d’une réduction des coûts qui serait apportée par la création du conseiller territorial tombe donc de lui-même.

C’est dire si, en tant que membre du groupe socialiste du Sénat, je suis tout à la fois fasciné et consterné en observant la majorité présidentielle à l’œuvre sur ce dossier. Elle se proclame tout à tour ennemie des lenteurs administratives, des élus locaux trop nombreux, et pourtant elle s’échine à créer un élu chimérique en réussissant l’exploit d’aboutir tout à la fois à la multiplication des personnels, à l’addition des structures et à la complexification des procédures destinées à accompagner et rendre possible le travail des élus locaux : un vrai cauchemar administratif et un dispositif bourré d’incohérences !

La plus frappante de ces incohérences réside dans le nombre des conseillers territoriaux élus dans le cadre régional, d’une part, et dans le cadre départemental, d’autre part, le tout rapporté au poids démographique de chacune de ces circonscriptions.

Ainsi en va-t-il pour la région Midi-Pyrénées, dont le département de la Haute-Garonne désignera 90 conseillers territoriaux, soit, comme le note le président du conseil régional, Martin Malvy, autant que la composition actuelle du conseil régional pour les huit départements de la région, alors que, à l’autre bout de la chaîne, l’Ariège, au mépris des considérations démographiques et géographiques, ne sera représentée que par 15 conseillers territoriaux.

Quand on observe ces chiffres, on a l’impression de marcher sur la tête !

Encore dans un autre registre, le projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région relève d’une démarche incohérente. Le tableau des conseillers territoriaux a en effet été conçu avant même que soit évoquée la configuration des nouveaux cantons. Vous en conviendrez, ce n’est pas le moindre des paradoxes !

Le Gouvernement se prépare à une nouvelle partie de plaisir – c’est un euphémisme ! – avec la définition de ces nouveaux cantons, dont les limites devront respecter celles des circonscriptions législatives ainsi que l’unité des communes de moins de 3 500 habitants.

Tout cela a conduit l’Assemblée nationale à voter en aveugle le tableau relatif au nombre de conseillers territoriaux canton par canton, alors que, à l’heure actuelle, je le répète, on n’en connaît pas encore les contours, même si je me doute que les ordinateurs du ministère de l’intérieur doivent déjà commencer à chauffer, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

… car ils sont sans doute terriblement sollicités – cela a été vrai à d’autres époques –, et que les sénateurs de l’opposition n’ont pas reçu, sur ce sujet, le même niveau d’information que ceux de la majorité.

Le Sénat s’honorerait en refusant de participer à ce qu’il faut bien considérer comme une mascarade !

Par ailleurs, l’élection du conseiller territorial passe par l’instauration d’un mode de scrutin injuste pour les femmes, cela a été dit. Le conseiller territorial uniquement décliné au masculin n’est sûrement pas le fait du hasard. C’est en effet à un recul de la parité que concourent ce tableau et ce projet de loi.

Dans leur communiqué commun du 23 octobre 2009, les présidentes des délégations aux droits des femmes du Sénat et de l’Assemblée nationale faisaient remarquer que, « dans le cadre des scrutins uninominaux, non soumis à des mesures paritaires contraignantes, les femmes sont toujours sacrifiées par les formations politiques ». Ce communiqué garde, au moment où je parle, toute sa pertinence.

L’ensemble de ces arguments, monsieur le ministre, mes chers collègues, ont largement été évoqués par les sénateurs socialistes, avant le vote de ce texte qui allait aboutir à la loi du 16 décembre 2010. Si j’ai tenu à les rappeler, c’est parce qu’ils sont encore plus d’actualité aujourd’hui.

D’abord, parce que les récentes élections cantonales, quoi que vous en disiez, ont été remportées par la gauche et ont apporté la démonstration de l’attachement très fort de la population à ses départements, à ses cantons et à ses conseillers généraux.

Ensuite, parce que les élus locaux sont maintenant parfaitement au courant des tenants et aboutissants de cette réforme, et donc des risques qu’elle fait courir à notre paysage institutionnel en créant de nouvelles strates là où elle prétend simplifier, tout en réduisant à néant cette notion de proximité à laquelle nous sommes tous tellement attachés.

Mais ce n’est pas tout. Cette réforme rebat aussi lourdement les cartes des blocs de compétences en retirant aux conseils généraux et régionaux les responsabilités qui, pour certaines, venaient de leur être confiées au prix de coûteuses adaptations. La réforme, de surcroît, planifie également à l’horizon 2015 la disparition de la clause de compétence générale, ce qui constitue une atteinte supplémentaire à la libre administration des collectivités territoriales.

Et ce n’est malheureusement pas fini car, dans tous les territoires, on se « frotte » maintenant à la refonte de l’intercommunalité qui, pilotée au pas de charge par les préfets, engendre un nouveau tollé, pleinement justifié dans de nombreux départements.

Cette refonte, quand elle est contestée, l’est parce qu’elle bat en brèche la responsabilité naturelle des élus locaux, et parce qu’elle doit être réalisée à marche forcée d’ici au 31 décembre 2011, sans donner la possibilité d’étudier les impacts majeurs des propositions préfectorales sur l’avenir des territoires concernés.

Dans ces conditions, ce volet de la réforme des collectivités territoriales privilégie la simple arithmétique d’une commande gouvernementale visant à faire disparaître autoritairement des structures locales tout en en créant d’autres.

Certes, tout le monde en conviendra, un nouveau pas doit être franchi dans l’intercommunalité pour garantir des projets de territoires plus cohérents et plus ambitieux ; mais tout cela doit se faire dans la plus grande concertation avec les élus locaux, sur la base du volontariat, et non à marche forcée et sûrement pas, en tout cas, en remplissant des cadres colorés issus de la seule imagination des préfectures et de la place Beauvau, dont le but inavoué est de nier la réalité cantonale et départementale.

Alors, et ce sera ma conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, pourquoi cette obstination à vouloir imposer une réforme contestée hier, aujourd’hui, et sans doute encore plus demain ?

Le Sénat, en votant contre ce tableau de répartition des conseillers territoriaux dans les départements et les régions, disqualifiera de fait le nouvel élu et, par la même occasion, cette réforme dangereuse et inutile. Tel est bien le sens de cette motion tendant à opposer la question préalable.

Il est encore temps, chers collègues, de faire preuve de courage et de lucidité !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Mes chers collègues, l’exposé de M. Mirassou en apporte la démonstration, cette motion tendant à opposer la question préalable est en fait une contestation de la réforme des collectivités territoriales, notamment du rôle du conseiller territorial en tant que représentant du département et de la région.

Le Conseil constitutionnel a validé, je le rappelle, les dispositions votées par le Parlement. Nous ne débattons plus du tout des attributions du département et de la région, mais nous avons à nous prononcer sur le tableau qui a été partiellement annulé par le Conseil constitutionnel.

L’exposé fait par le représentant du groupe socialiste n’a aucun lien avec ce tableau, dont le contenu n’est d’ailleurs pas contesté par les auteurs de la motion.

La commission des lois vous invite donc à rejeter cette motion.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Mirassou a, dans son exposé, contesté une nouvelle fois la décision du Conseil constitutionnel. Or, ainsi que François-Noël Buffet l’a précisé lors de son intervention détaillée, le Conseil constitutionnel a validé la quasi-totalité du texte, la seule disposition mise en cause étant le tableau de répartition des conseillers territoriaux en ce qui concerne six départements.

Vous dites, monsieur Mirassou, que nous ne proposons qu’une modification « cosmétique ». De fait, nous ne modifions que ce qui a été invalidé par le Conseil constitutionnel. Il n’y a aucune raison que nous allions au-delà de la décision du Conseil constitutionnel, ou que nous nous en écartions. Mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil constitutionnel, tout le Conseil constitutionnel mais rien que le Conseil constitutionnel, telle est notre ambition ici.

Il est vrai que, au-delà des propos de M. Mirassou, les critiques ont été vives, envers le Conseil constitutionnel, notamment. Je pense à Pierre-Yves Collombat, qui y est allé très fort, critiquant tant les membres du Conseil constitutionnel que leurs délibérés, ou à Jean-Michel Baylet, qui est également allé très loin

Ce n’est pas, vous le comprenez, à un membre du Gouvernement de critiquer le Conseil constitutionnel, l’une des plus hautes juridictions de la République.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Il m’appartient de le respecter, quelles que soient les origines et, le cas échéant, les pensées personnelles de ses membres. Il en va de même pour les autres juridictions : qui pourrait imaginer que l’on critique une décision en matière pénale sous prétexte que l’un des juges aurait un engagement contesté ?

Nous devons respecter les jugements des plus hautes juridictions, et nous le faisons ; je remercie François-Noël Buffet de l’avoir rappelé avec force tout à l’heure.

En ce qui nous concerne, nous nous bornons donc, avec ce projet de loi, à apporter les précisions demandées par le Conseil constitutionnel.

Mais à cet instant je me tourne vers M. Masson, qui m’a interrogé sur le fonctionnement concret de la réforme. Cela constituera également une réponse à M. Mirassou ainsi qu’à certaines interrogations soulevées dans cette assemblée. Je vais donc préciser comment les choses se passeront, afin que ce point soit le plus clair et le plus transparent possible, et qu’il n’y ait aucun soupçon sur des méthodes qui ne seraient pas à la hauteur de notre démocratie.

La première chose que je souhaite souligner, c’est que le pilotage de ce travail, qui est sans précédent, car l’on n’avait jamais effectué de redécoupage d’une telle ampleur de nos territoires cantonaux, est assuré par le cabinet du Premier ministre en coordination avec le ministère de l’intérieur.

Nous proposerons donc des décrets, qui seront bien entendu pris après avis des conseils généraux et du Conseil d’État. Les sénateurs seront également consultés, ainsi que les députés, car il faudra faire en sorte que les territoires des nouveaux cantons soient compris à l’intérieur des circonscriptions législatives, ce qui implique qu’il y ait correspondance entre les limites des différentes circonscriptions électorales.

En ce qui concerne maintenant le calendrier, au rythme où nous travaillons actuellement, j’espère que le tableau de répartition des conseillers territoriaux aura été voté avant l’interruption de l’été, de sorte que nous pourrons faire des propositions d’ici à l’automne, d’abord pour les régions et les départements dans lesquels ne se dérouleront pas d’élections sénatoriales en septembre.

Le principe est donc d’une démarche en deux temps : après cette première phase durant laquelle nous travaillerons sur les régions dans lesquelles ne se dérouleront pas d’élections sénatoriales en septembre, nous passerons ensuite aux régions dans lesquelles ces élections auront eu lieu. Vous comprenez qu’une telle dissociation est indispensable afin que tout se passe dans la plus grande sérénité.

Je tiens à apporter une autre précision : nous devrons, vous l’aurez compris, avoir achevé ce travail avant le mois de mars 2013, dans la mesure où il faut respecter un décalage d’un an par rapport à l’élection des premiers conseillers territoriaux, en mars 2014.

En ce qui concerne les critères du redécoupage, le premier principe, que j’ai déjà mentionné, est que la délimitation des cantons doit respecter les limites des circonscriptions législatives ; cela est précisé par l’article 3 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Le second principe posé par cet article est que toute commune de moins de 3 500 habitants doit être entièrement comprise dans le même canton.

S’agissant maintenant du découpage proprement dit, le Conseil constitutionnel a précisé que le nombre de conseillers territoriaux rapporté à la population du département ne devait pas s’écarter de plus ou moins 20 % de la moyenne régionale. C’est le principe qui s’applique dans la définition du nombre de circonscriptions électorales pour l’élection des conseillers territoriaux, par département à l’intérieur de chaque région.

Toutefois, si le Conseil constitutionnel a validé l’écart de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne départementale pour les circonscriptions législatives, s’agissant des circonscriptions cantonales à l’intérieur du département, ce n’est pas le Conseil constitutionnel mais le Conseil d’État qui est compétent. Or ce dernier pose une obligation de limiter les écarts de représentation entre le canton le plus peuplé et le canton le moins peuplé. Le principe du tunnel de plus ou moins 20 %...

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

… n’existe donc pas pour le Conseil d’État en ce qui concerne la répartition des nouvelles circonscriptions pour l’élection des conseillers territoriaux à l’intérieur d’un département : il y a seulement une obligation de limiter les écarts.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Cela étant, nous n’avions jamais eu, dans toute l’histoire de notre pays, à faire face à une réforme aussi généralisée de la délimitation des cantons. De ce fait, au-delà du principe posé par le Conseil d’État, il n’existe pas aujourd’hui de règle générale qui s’impose de façon définitive. Nous devons donc veiller à ce que ce remodelage soit effectué sur des bases essentiellement démographiques, sous réserve des dérogations que le Conseil d’État admet lorsqu’elles sont motivées par des impératifs d’intérêt général.

Ces principes, qui serviront notamment à la détermination du nombre de cantons par circonscription, ont déjà été rappelés par le Gouvernement lors des débats sur la réforme des collectivités territoriales. Les critères seront, je vous le rappelle, ceux de la population de la carte cantonale actuelle, le nombre actuel de cantons dans les différentes parties du territoire départemental, le nombre de communes du département et des différents territoires qui le composent, ainsi que l’étendue géographique du département.

Tels sont les principes qui devront guider notre travail de préparation. Nous procéderons ainsi en plusieurs étapes. Il va de soi que les conseils généraux seront consultés, que les parlementaires concernés seront interrogés et que le Conseil d’État devra valider notre travail.

Je voudrais maintenant répondre à Pierre Jarlier, qui est intervenu au sujet de l’application de ces principes de découpage aux territoires de montagne et aux territoires ruraux. Je tiens en effet à préciser que nous serons bien entendu très attentifs à ces situations.

Pierre Jarlier aurait, pour sa part, préféré une autre démarche, faisant des établissements publics de coopération intercommunale, existants ou futurs, la base des nouveaux cantons, c’est-à-dire, je le rappelle, des circonscriptions électorales des conseillers territoriaux. Ce sont là des principes que nous ne devons pas perdre de vue à l’avenir. De fait, si, chaque fois que nous le pouvons, nous tenons compte des intercommunalités, je pense que nous ferons du bon travail.

Il s’agit également, je le répète, de tenir compte de la densité de population et des caractéristiques du territoire, selon qu’il s’agit en particulier de vallées ou des zones montagneuses. Il y a en effet un besoin de cohérence, notamment au niveau des territoires de vie.

Tout ce travail doit être accompli avec le souci de la transparence et de l’équité entre les territoires.

Mon propos a été un peu long, monsieur le président, mais je n’en serai que plus rapide sur certains amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu aux véritables questions de nature politique qui ont été posées. Vous apportez une réponse constitutionnelle, citant tantôt le Conseil d'État, tantôt le Conseil constitutionnel, et faisant superbement l’impasse sur les milliers d’élus locaux qui, depuis maintenant plus d’un an, s’élèvent contre cette réforme.

Je veux bien que, pour ce qui est du volet réglementaire, on donne toujours raison au Conseil constitutionnel, mais, en sa forme actuelle, votre réforme ne passe pas auprès des élus locaux et commence même à susciter de lourdes interrogations dans la population.

Pour revenir au Conseil constitutionnel, il est tout de même étrange qu’il ait fait un « zoom » microscopique pour le delta de trois unités que j’évoquais tout à l'heure, alors qu’il a négligé un dossier que vous connaissez bien, monsieur le ministre, à savoir la situation dans la région Alsace. De fait, à mon sens, il ne fera pas bon être citoyen du Haut-Rhin si la réforme est adoptée, dans la mesure où, lorsque les décisions se prendront à l’échelon régional, le rapport des forces sera tel que, huit fois sur dix, les décisions seront mécaniquement prises en faveur des élus du Bas-Rhin.

M. Christian Poncelet s’exclame.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Cela n’est pas possible, on ne peut pas accepter cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

M. Jean-Jacques Mirassou. Je m’étonne que le Conseil constitutionnel n’ait pas pris de loupe pour mettre en exergue cette distorsion par rapport au principe que vous évoquiez.

M. Éric Doligé proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

S'agissant maintenant du reste de la réforme, vous parlez des élections sénatoriales, de l’été… Or j’ai assisté, comme beaucoup de parlementaires, aux réunions organisées par les préfectures pour expliquer comment allait être transformée la carte intercommunale. Et il n’y a ni concertation ni codécision, monsieur le ministre ; il s’agit, dans le meilleur des cas, d’une information délivrée au canon qui ne permet pas aux élus les plus concernés, maîtres de leur histoire et, un peu, de leur destin, de faire une projection chiffrée de ce qui les attend dans le cadre de la réforme de l’intercommunalité.

Tout cela pour dire que, au-delà des idées, des raisons, des pensées, il y a des arrière-pensées. Celles qui sous-tendent ce projet de loi nous sont connues, et je me permets de les rappeler : il s’opère ici un formidable retour sur trente ans de décentralisation, car l’État que vous représentez, monsieur le ministre, ne supporte pas l’émancipation des collectivités territoriales, à plus forte raison quand elles sont de la couleur de la gauche !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Le Conseil constitutionnel a jugé ; ne remettons pas en cause en permanence ses décisions !

Les élus, notamment les parlementaires, ont jusqu’à présent toujours manifesté le plus grand respect pour cette institution, au point même de la citer régulièrement en exemple. Je reste pour ma part convaincu que les membres du Conseil constitutionnel sont au-dessus de tout soupçon.

Monsieur Mirassou, vous prétendez que, demain, la voix du Haut-Rhin sera inaudible au sein du conseil régional d’Alsace, au motif que celui-ci sera composé de plus de conseillers issus du Bas-Rhin. Je suis Bas-rhinois, je préside actuellement la région, et je puis vous certifier qu’il ne me viendrait jamais à l’idée de raisonner en ces termes.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Bien sûr ! Il faut être socialiste pour avoir des idées pareilles !

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Je ne cherche pas à opposer les territoires et je travaille évidemment pour l’ensemble de l’Alsace et des Alsaciens, comme je l’ai toujours fait, et bien avant d’être à la tête de la région.

Pourquoi les conseillers territoriaux voudraient-ils à tout prix défendre leur bout de territoire au conseil régional, sans tenir compte des intérêts de l’ensemble de l’espace dont ils ont la gestion ? Je suis choqué par cette vision parcellaire, qui tend à ramener le conseil régional aux dimensions d’une arène où s’opposeraient les différents territoires.

Je crois très franchement que les élus, en Alsace, mais aussi partout ailleurs dans notre pays, œuvrent pour le bien public.

Mme Esther Sittler et M. André Reichardt applaudissent.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Le territoire des conseillers régionaux, c’est la région !

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

M. Philippe Richert, ministre. Pour ma part, c’est la conception de l’action politique que je souhaite continuer à promouvoir. Je ne veux nullement privilégier l’un des départements de ma région au détriment des autres, et, en tant que président de région, j’entends au contraire défendre l’ensemble des territoires qui la composent.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Je ne me battrai pas sur les chiffres : on peut leur faire dire ce que l’on veut, et s’il est en partie vrai que les territoires ruraux ne seront pas représentés, demain, au sein des conseils régionaux, ils ne le sont pas davantage aujourd’hui. L’exemple de la région Midi-Pyrénées est éclairant : 6 Ariégeois sur 92 conseillers régionaux aujourd’hui, 15 conseillers territoriaux sur 251 demain, les proportions ne sont pas si différentes… Alors n’ergotons pas sur ce point !

En revanche, je m’inquiète vraiment des problèmes de fonctionnement que pourraient rencontrer ces assemblées.

Comment faire fonctionner un conseil régional composé de 250 élus ? Il va falloir nous l’expliquer, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Les séances plénières se réduiront à quelques grands-messes annuelles. On réunira deux fois l’an les conseillers régionaux pour étudier les dossiers et, pour le reste, la commission permanente décidera de tout, ou presque.

Bien que je ne sois pas favorable au non-cumul des mandats, croyez-vous vraiment qu’un conseiller territorial par ailleurs parlementaire puisse siéger au conseil général à Tarbes ou à Rodez, au conseil régional à Toulouse et au Parlement à Paris tout en faisant un travail efficace ?

Quant aux nouveaux présidents de conseil régional, je les plains sincèrement…Celui de la région Midi-Pyrénées verra ainsi débarquer chaque président de conseil général accompagné de ses troupes, sans compter la métropole toulousaine. Autant dire qu’il aura fort à faire en matière de distribution de chocolats et autres sucreries !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

M. François Fortassin. Enfin, que deviendront ceux des départements qui auront été littéralement émasculés par les métropoles ?

Exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

J’ai le sentiment que ceux qui vont voter la réforme le font avec l’enthousiasme du condamné qui marche à l’échafaud… Quant aux autres, ils ont bien des raisons de voter contre !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je mets aux voix la motion n° 9, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés contre cette motion.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Voici le résultat du scrutin n° 227 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Monsieur le président, le règlement du Sénat prévoit que les motions de procédure sont présentées à titre individuel, et non par les groupes.

Je suis donc surpris que les deux motions de procédure que j’avais déposées en tant que sénateur non inscrit aient été écartées au profit d’autres motions, alors même que je fus le premier à les présenter.

Ce n’est pas la première fois que j’essuie un tel refus puisque, en dix ans de mandat sénatorial, jamais je n’ai pu défendre une exception d’irrecevabilité ou une question préalable. Et, à chaque fois, j’obtiens toujours la même réponse : la priorité est donnée aux motions déposées par les groupes.

Sauf que cette règle ne figure nulle part dans le règlement. Si l’on veut vraiment évincer les sénateurs non inscrits de toute possibilité de dépôt de motion, il faut le préciser clairement dans le règlement. Mais on ne peut pas, comme cela, inventer des règles !

C’est d’autant plus grave que les sénateurs non inscrits n’ont pas plus la possibilité d’expliquer leur vote sur les motions de procédure, ce qui les prive de toute possibilité d’intervention en la matière.

Mais il y a plus grave encore, car, en l’occurrence, la troisième motion qui nous est soumise, qui tend à renvoyer le texte à la commission des lois, a été déposée, et à bon droit – je ne vise pas ici les auteurs des motions - non par un groupe, mais par plusieurs de nos collègues ! Il n’y a donc aucune priorité qui vaille, et il s’agit tout simplement d’évincer les sénateurs non inscrits.

Je souhaiterais donc, monsieur le président, que vous fassiez très officiellement part de mon mécontentement au président Larcher, qui tient un double langage. Dans les courriers qu’il nous a adressés, il prétend en effet qu’il est obligé de donner la priorité aux groupes. Je veux bien, mais, en l’occurrence, il ne s’agit pas de cela : il n’y a pas de groupe, mais la motion a la priorité ! Cela commence à faire beaucoup !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je ne saurais accepter que l’on mette ainsi en cause le président du Sénat. Vos propos ont très certainement dépassé votre pensée, monsieur Masson.

Vous avez reçu une lettre en date du 27 mai, dans laquelle le président du Sénat explique, en se fondant sur le règlement, la décision constante de la conférence des présidents de donner la priorité aux groupes.

En ce qui concerne la motion n° 8, le président a considéré qu’il fallait appliquer aux motions tendant au renvoi à la commission le même principe qu’aux motions tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité et la question préalable, en faisant prévaloir le nombre de signataires.

Acte vous est donc donné de votre rappel au règlement, dont je saisirai personnellement le président du Sénat et dont nous débattrons lors de la prochaine conférence des présidents.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi, par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, d'une motion n° 8.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région (552, 2010-2011).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la motion.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom de la grande majorité du groupe du RDSE et avec l’accord de la minorité, j’ai l’honneur de présenter cette motion tendant au renvoi du texte à la commission des lois.

Enfantée dans la douleur, la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 a commencé un parcours de vie maladif et chaotique dont nous avons perçu les symptômes lourds avant terme.

C’est donc très légitimement, en application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, que, par la motion que nous présentons à la Haute Assemblée, nous considérons qu’il est opportun de renvoyer ce texte à la commission des lois, considérant qu’une nouvelle réflexion est indispensable afin d’extraire de ce corps législatif fragile des éléments nuisant à son fonctionnement, en particulier, le conseiller territorial.

Il convient tout d’abord, selon nous, de relever ce que nous considérons comme des désaccords dans la forme.

Le texte qui nous est soumis fait l’objet d’une procédure accélérée. Il faut pourtant le remarquer, les élections territoriales ne sont programmées que pour 2014 ; l’urgence ne se justifie donc pas de ce point de vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

De plus, la réforme des collectivités territoriales comprenait, outre la loi du 16 décembre 2010, plusieurs autres projets de loi relatifs en particulier à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale. Je pense, monsieur le ministre, au projet de loi n° 61, qui fait un peu figure d’Arlésienne…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

… même si vous nous l’avez annoncé pour l’automne.

Il est manifeste que le tableau de répartition des conseillers territoriaux à l’Assemblée nationale, introduit par un amendement du Gouvernement que la commission des lois n’avait pu préalablement examiner, n’était pas prévu à l’origine. Il existe donc un problème de cohérence entre le volet de la réforme territoriale déjà promulgué et le reste, non encore examiné. Le présent texte n’est en réalité qu’un colmatage de la loi du 16 décembre 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il nous paraît toujours aussi anormal que ce texte ait été examiné en premier lieu par l’Assemblée nationale, alors que l’article 39 de la Constitution précise que les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales doivent être soumis en premier lieu au Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ce point a d’ailleurs été soulevé lors des débats à l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Le renvoi à la commission n’y changera rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Dans sa décision du 9 décembre 2010, le Conseil constitutionnel, appelé à examiner la conformité de l’introduction du tableau, ainsi que d’autres dispositions, par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, relève, et je n’entends pas remettre en cause ses décisions, que ces articles présentaient un lien direct avec les dispositions qui figuraient dans le projet de loi ; la procédure était donc régulière.

Le cas est différent en l’espèce, puisqu’il s’agit d’un projet de loi dans son ensemble.

Le Conseil constitutionnel a développé dans sa jurisprudence la notion de « projet de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales ». Selon lui, il faut entendre par « organisation », les dispositions relatives au nom et au territoire de la collectivité, à la composition, au fonctionnement et aux attributions de ses organes, ainsi qu’au régime juridique de leurs actes.

Le problème est donc ici de savoir si le tableau de répartition a trait à la composition des organes des collectivités.

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Le Conseil constitutionnel – car il sera saisi – devra préciser son interprétation. Il est clair, en tout état de cause, que la procédure utilisée jusqu’à ce jour pour faire passer en force ce texte ne correspond pas, pour nous, à une application orthodoxe des règles constitutionnelles et a eu pour objectif de contourner la priorité que la Constitution avait instituée au profit du Sénat concernant l’organisation des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. En outre, comme nous venons de le rappeler, l’utilisation de quatre textes législatifs relatifs à cette réforme au gré de l’arbitraire de l’exécutif, et sans aucune cohérence, est un mauvais exemple. Il ne manquera plus, mes chers collègues, que de tenter d’utiliser la procédure accélérée pour le projet de loi n° 61 déposé le 21 octobre 2009, ou plutôt ce qu’il en reste.

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Au fond, le renvoi à la commission se justifie tout autant et ce que nous constatons aujourd’hui sur le terrain le prouve amplement, comme d’autres orateurs l’ont indiqué. Nous assistons à un « détricotage » territorial à géométrie variable dont le clou sera le charcutage cantonal. D’une certaine manière, c’est l’ossature de l’organisation territoriale de la nation qui est fragilisée. Est-ce cela, la décentralisation dont nombre d’entre vous, sur toutes les travées, se réclament ?

Je ne résiste pas, mes chers collègues, au plaisir de vous relire quelques extraits du discours prononcé par le Président de la République à Saint-Dizier, le 20 octobre 2009,

Ah ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

« Face à la multiplication des structures et à la complexité des circuits de décision et de financement, les élus sont épuisés, en particulier les maires. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Si les élus sont épuisés, gageons que la nouvelle loi les amènera au bout de leurs forces !

« Face aux doubles emplois, aux surenchères, aux saupoudrages, quand ce n’est pas du clientélisme, qui sont la conséquence de la confusion des compétences, les hommes et les femmes de bonne volonté, et il y en a beaucoup parmi les élus, sont ulcérés. »

« Je ne suis pas l’homme des commissions oubliées et des rapports enterrés. » Ceux qui ont participé à la mission Belot s’en souviendront…

Pour le Président, cette réforme ambitieuse reposait sur deux piliers.

Le premier était la création du conseiller territorial – il ne figurait pas dans le texte initial – « élu légitime, responsable, chargé de représenter son territoire », dans lequel il voit l’« émergence d’un pôle région-département doté d’élus communs » et une « meilleure organisation à moindre coût ».

Quant au mode électoral, le Président de la République poursuivait ainsi, et il ne manquait pas d’auditeurs attentifs : « En même temps, le pluralisme des idées politiques justifie que l’on réserve une place aux petits partis dans les conseils généraux et conseils régionaux. C’est ce que nous proposons en attribuant une partie des sièges à la proportionnelle [...].

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. « Bien sûr, toutes les mesures seront prises pour atteindre l’objectif de la parité. »

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Si, monsieur Sido, j’ai le texte sous les yeux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Il faudra mieux écouter à l’avenir, mon cher collègue !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Le second pilier de la réforme portait sur la question des compétences.

Le constat dressé par le Président de la République est fondé, l’objectif clair : « Il faut que les régions et les départements exercent des compétences spécialisées. »

Je rappelle que, si les deux piliers de la réforme sont le conseiller territorial et les compétences, malheureusement, le Sénat n’a été admis à débattre ni du mode d’élection du conseiller territorial ni de la répartition des compétences en première lecture... C’est un comble pour la « maison des territoires » !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Que dire aujourd’hui sur ces deux piliers de la réforme qui sont devenus deux questions clivantes, au-delà même des diverses sensibilités ?

Car le conseiller territorial fut cause de rupture dans ce qui pouvait devenir – M. Jean-Michel Baylet l’a rappelé –, à l’instar de la loi Chevènement, un projet consensuel. Or ce conseiller était absent des travaux de la mission Belot. Imposé d’en haut, il n’a reçu l’assentiment d’aucune association d’élus, tout simplement parce que cette création que nous avons appelée un « être hybride » ne résout aucun des problèmes posés.

Oui, le jour où vous avez voulu inoculer le conseiller territorial dans le tissu de nos collectivités, organisme hybride qui va les déstabiliser, il était clair qu’il s’agissait non plus de l’amélioration du fonctionnement des collectivités, mais d’un choix à vocation politique très électoraliste.

Monsieur le rapporteur, vous n’avez pas hésité à indiquer, lors du débat initial, que ce conseiller territorial constituait « un signal positif lancé aux élus locaux qui représentent avec un esprit de responsabilité remarquable le citoyen ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Eh bien, vous ne pouvez ignorer les difficultés que rencontrent ces élus locaux sur le terrain pour expliquer aux dits citoyens la réforme que vous leur avez concoctée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Car vous réformez les collectivités locales en méprisant les avis des élus locaux et de leurs associations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

En réalité, vous avez eu peur de supprimer un niveau de collectivité, comme vous y invitait dans son rapport le comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Édouard Balladur. Vous avez donc créé ce conseiller à la fois général et régional qui sera partout et nulle part.

Vous avez eu peur de pousser à la fusion des communes. Vous avez donc créé des communes nouvelles qui, en l’état, ne verront jamais le jour et, en fait de simplification, vous avez créé deux entités nouvelles, certes utiles : la métropole et le pôle métropolitain.

Nous sommes à un moment où non seulement nos concitoyens, mais aussi la grande majorité des élus n’ont pas encore intégré a logique de cette loi et n’imaginent pas que, par un seul vote, ils envoient siéger le même élu au département et à la région.

De la même manière, ils n’ont pas intégré les modifications, devenues assez marginales, concernant la spécialisation des compétences, repoussée après 2014. Là encore, cette loi reste au milieu du gué, ce qui est sa caractéristique fondamentale, et imposera de toute façon – quelles que soient les majorités futures – de profondes modifications.

Vous avez voulu mettre la charrue devant les bœufs : supprimer la taxe professionnelle et statuer sur la concomitance des élections avant de réformer l’architecture des collectivités, rationaliser la carte intercommunale sans officiellement présenter les nouveaux découpages cantonaux.

Vous avez fait le procès des élus, trop nombreux, trop coûteux, pour créer des assemblées régionales pléthoriques.

Vous avez affirmé que le chevauchement des compétences coûtait 20 milliards d’euros, tout en indiquant que les ressources des collectivités seraient garanties...

On aperçoit encore davantage aujourd’hui les difficultés occasionnées par cette réforme mal préparée. Nous sommes presque tous convenus du bien-fondé de la rationalisation de la carte intercommunale et nous l’avons dit, mais – là encore – par des méthodes contestables, un calendrier inadapté, nous assistons à une véritable cacophonie dans les différents départements ; la rationalisation se décline de manière totalement différente, y compris dans des départements voisins, avec des conséquences importantes dans l’avenir.

Dans de nombreux départements, il apparaît à l’évidence qu’il eût été de bon sens de rationaliser la carte intercommunale en harmonie avec le découpage des nouveaux cantons, qu’il eût été raisonnable de connaître les principes de base retenus par le Gouvernement, la question de la modification du tableau étant très marginale ; or, c’est le silence absolu jusqu’à cet après-midi. Nous ne connaissons que le nom de celui qui tiendra les ciseaux, au demeurant éminent et compétent stratège cantalien.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

À l’examen, le tableau des conseillers territoriaux est l’illustration de l’absence de cohérence et de l’aggravation du déséquilibre structurel entre les territoires.

Même si le Conseil constitutionnel a validé les principes de la répartition des conseillers territoriaux au sein des régions, nous devons insister sur le fait qu’au niveau national cette répartition – cela est incontestable – entraîne une distorsion de représentation des électeurs. Des départements de population semblable pourront avoir un nombre sensiblement différent de conseillers territoriaux, ce qui pose la question de l’égalité de suffrage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Mais si, monsieur Sido !

À titre d’exemple, la Haute-Vienne comme les Deux-Sèvres ont une population d’environ 353 000 habitants. Mais le premier département sera représenté par 43 conseillers, contre 27 pour le second. Il est, certes, très difficile de parvenir à une représentation strictement équitable sur l’ensemble du territoire national, mais, en l’espèce, les écarts apparaissent disproportionnés au regard de la finalité initiale du texte.

Ces exemples sont nombreux et montrent à l’évidence que l’ouvrage devra être remis sur le métier, nous en sommes tous conscients, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Mes chers collègues, après la commission mixte paritaire, j’avais déclaré à cette tribune, que la nouvelle architecture territoriale élaborée par le Gouvernement relevait du « baroque non flamboyant ». Cela n’a pas changé. Aussi, pour revenir à une architecture digne de notre République, je vous invite, mes chers collègues, à voter notre motion tendant au renvoi à la commission.

Vifs applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Mon cher collègue, j’aimerais revenir à l'objet du texte qui nous est aujourd'hui soumis : nous examinons le projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région.

Que se passerait-il si nous adoptions la motion que vous venez de défendre ? Nous devrions réexaminer en commission le tableau de répartition des conseillers territoriaux pour voir s’il est bien conforme à la décision du Conseil constitutionnel. Mais c’est précisément le travail que nous avons déjà fait il y a peu ! Après avoir procédé à un certain nombre de calculs, nous avons constaté que ce tableau de répartition respectait parfaitement la décision du Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Il n'y a donc pas lieu de demander le renvoi de ce texte à la commission.

Par ailleurs, je vous ferai remarquer, mon cher collègue, que les autres observations que vous avez formulées n'ont rien à voir avec ce texte dans la mesure où les dispositions que vous visez ont été déclarées conformes par le Conseil constitutionnel.

C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, au nom de la commission des lois, de rejeter la motion tendant au renvoi à la commission.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Monsieur Mézard, vous avez notamment justifié l’adoption de la motion tendant au renvoi à la commission en invoquant le non-respect, par le Gouvernement, de l'obligation constitutionnelle de soumettre en premier lieu au Sénat les textes ayant pour objet principal l'organisation des collectivités territoriales.

Il s’agit d’une question importante à laquelle je suis sensible eu égard, vous le savez, à mon parcours politique personnel et à l'attachement qui est le mien pour le Sénat et ses prérogatives.

Depuis 2003, l'article 39 de la Constitution prévoit que les projets de loi « ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat ».

Dès les premières décisions qu'il a rendues sur l'application de cette nouvelle disposition, le Conseil constitutionnel s'est référé aux travaux préparatoires de la révision de mars 2003, d'où il ressort clairement que le constituant a entendu se référer à la notion d'« organisation » figurant dans le code général des collectivités territoriales.

Le présent projet de loi vise à fixer le nombre de conseillers territoriaux à élire dans chaque département ; il ne modifie donc en rien l'organisation des collectivités telle qu'elle résulte de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.

La création des conseillers territoriaux et le principe selon lequel les conseillers régionaux seront formés de la réunion des conseillers territoriaux élus dans chacun des départements de la région constituent bien entendu des règles relatives à l'organisation des régions et des départements. Ces règles sont fixées par la loi du 16 décembre 2010, et elles ont bien été inscrites dans le code général des collectivités territoriales.

L'article 5 de la loi précitée a modifié à cette fin l’article L. 3121-1 relatif à la composition du conseil général et l’article L. 4131-1 relatif à la composition du conseil régional. Ces règles ne sont pas modifiées par le présent projet de loi.

En arrêtant le nombre de conseillers territoriaux dans chaque département et dans chaque région, le tableau a vocation à se substituer aux dispositions du code électoral et non pas du code général des collectivités territoriales, qui fixe jusqu'à présent le nombre de conseillers à élire dans chaque région ou chaque département en fonction de la démographie des cantons et des départements.

Ce projet de loi ne touche pas à l'organisation des collectivités, il se borne à fixer le nombre des élus qui résulte, sous le contrôle du juge constitutionnel, des règles et des principes régissant l'organisation d'un scrutin uninominal par circonscription.

En fixant le nombre initial des conseillers à élire dans chaque département et en définissant, par là même, le nombre de circonscriptions électorales à délimiter, ce projet de loi n'est pas de nature différente des lois qui devront, à l'avenir, ajuster le nombre des élus et des circonscriptions électorales aux évolutions démographiques des départements.

En procédant à un tel ajustement comme en fixant le nombre initial des élus et des circonscriptions, le projet de loi établit des règles tendant à déterminer l'organisation des élections et assure la prise en compte des principes de représentation démocratique, mais il ne touche pas, je le répète, à l'organisation des collectivités territoriales. Il n'a donc pas pour principal objet, monsieur Mézard, l'organisation des collectivités territoriales.

C'est la raison pour laquelle j'invite la Haute Assemblée à rejeter cette motion tendant au renvoi à la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, je vous rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je mets aux voix la motion n° 8, tendant au renvoi à la commission.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés contre cette motion.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Voici le résultat du scrutin n° 228 :

Nombre de votants340Nombre de suffrages exprimés339Majorité absolue des suffrages exprimés170Pour l’adoption152Contre 187Le Sénat n'a pas adopté.

Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt-et-une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Guy Fischer.