Intervention de Claude Léonard

Réunion du 7 juin 2011 à 14h30
Conseillers territoriaux — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Claude LéonardClaude Léonard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc dans l’obligation de légiférer à nouveau sur les conseillers territoriaux et, plus particulièrement, sur le tableau de leur répartition par département, du fait de la décision du Conseil constitutionnel qui a cru devoir censurer partiellement ce tableau.

J’indique d’emblée que, sur le fond, je suis favorable à la réforme créant le conseiller territorial. Mais, vous le comprendrez aisément, je ne peux me prononcer en faveur de ce nouveau tableau, non seulement – plusieurs intervenants l’ont souligné – parce qu’il marque une diminution de la représentation de mon département, la Meuse, mais également parce qu’il comporte un certain nombre d’incohérences auxquelles, à ma grande surprise, le Conseil constitutionnel n’a pas fait d’objection.

Une de ces incohérences tient à la diminution de la représentation de la Meuse. Dans le tableau qui avait été modifié par le Sénat, puis approuvé définitivement par les deux chambres, la Meuse disposait de 19 conseillers territoriaux. Ceux-ci venaient remplacer les 31 conseillers généraux et les 6 conseillers régionaux que compte aujourd’hui le département. Au final, la représentation de la Meuse était divisée par deux par rapport à la situation actuelle qui, vous en conviendrez, ne résulte pourtant pas d’un traitement de faveur.

Le Conseil constitutionnel en a jugé autrement. Il a en effet considéré que le rapport entre le nombre de conseillers territoriaux et la population du département s’écartait de la moyenne régionale dans une mesure manifestement disproportionnée, la Meuse, avec ses 193 000 habitants et ses 19 conseillers territoriaux, excédant de 41, 5 % la représentation moyenne régionale de la Lorraine. Le texte dont nous débattons aujourd’hui réduit donc de 19 à 15 le nombre de conseillers territoriaux pour la Meuse.

Je regrette que le Parlement, dans sa grande sagesse, n’ait pas précédemment pris en compte un critère correctif lié à la superficie des départements pour le calcul de la représentation des conseillers territoriaux, car, comme leur nom l’indique, ces derniers représentent aussi un territoire. Or, de ce point de vue, force est de rappeler que la Meuse, qui représente 26 % de la superficie de la Lorraine, n’élira que 11 % de ses conseillers territoriaux.

Je voudrais également mettre l’accent sur d’autres incohérences que comporte le texte qui est soumis à notre vote.

Le département de la Haute-Marne, voisin de celui de la Meuse, mais situé en Champagne-Ardenne, avec une population de 185 000 habitants, donc inférieure à celle de la Meuse, se voit attribuer 23 conseillers territoriaux, soit un conseiller territorial pour 8 043 habitants.

Le département du Gers, avec 186 000 habitants, élira 19 conseillers territoriaux, soit un conseiller territorial pour 9 789 habitants.

Le département du Lot, avec 173 000 habitants, disposera également de 19 conseillers territoriaux, soit un conseiller territorial pour 9 105 habitants.

Enfin, le département de la Creuse, avec 124 000 habitants, disposera de 19 conseillers territoriaux, soit un conseiller territorial pour 6 526 habitants.

Dès lors, pour quelle raison, avec ses 194 237 habitants, la Meuse ne disposerait-elle que de 15 conseillers territoriaux, soit un conseiller territorial pour 12 949 habitants ?

Ce texte souffre, en réalité, d’un vice rédhibitoire, à savoir la régionalisation du mode de calcul du nombre de conseillers territoriaux. Ainsi, lorsqu’un département peu peuplé comme l’est la Meuse est situé dans une région dont l’un des autres départements est très peuplé, comme c’est le cas de la Moselle, le premier est lourdement pénalisé.

J’en veux pour preuve la situation du département de la Mayenne qui, avec 304 676 habitants, ne disposera que de 18 conseillers territoriaux, soit un conseiller territorial pour 16 926 habitants.

En d’autres termes, nous ne sommes pas en train d’examiner un projet de loi de répartition des conseillers territoriaux, nous examinons en fait 23 projets de loi différents pour chaque région métropolitaine et d’outre-mer.

Je suis très étonné que le Conseil constitutionnel n’ait pas relevé cette rupture d’égalité des citoyens de chaque région devant la loi ! Car c’est bien d’une rupture d’égalité qu’il s’agit. Disons-le tout net : la République, qui a été fondée, entre autres, sur le principe d’égalité, voilà maintenant deux cent vingt ans, et qui a été rétablie et recadrée après le désastre de 1870, glisse subrepticement vers une fédération de régions. Mais comme le disait un célèbre humoriste des années quatre-vingt aux formules grinçantes dans un de ses sketches: « il y en a qui sont plus égaux que d’autres » !

Je proposerai, au cours de la discussion des articles, un retour au texte voté par les deux assemblées afin que la Meuse conserve ses 19 conseillers territoriaux, et je vous remercie par avance, mes chers collègues, de bien vouloir soutenir ma démarche. Si cette proposition n’était pas retenue, je serais amené, à mon grand regret, à ne pas voter le présent projet de loi.

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