Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de détailler les raisons qui nous ont incités à déposer une motion tendant à opposer la question préalable, permettez-moi de m’interroger, comme d’autres l’ont fait avant moi, sur la nature du message que le Conseil constitutionnel a voulu faire passer au pays en se contentant de censurer l’article 6 du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, alors qu’il avait été saisi par les parlementaires socialistes pour atteinte à la libre administration des collectivités locales.
Nous le pensions à l’époque, et nous sommes fondés à continuer de le penser, cette réforme entraînera une confusion des genres dans notre paysage institutionnel : en raison même de sa nature hybride, le désormais tristement célèbre conseiller territorial remettra en cause, par ses décisions, l’autonomie de décision non seulement du conseil général mais aussi du conseil régional auxquels il appartiendra et portera ainsi atteinte à la libre administration des collectivités territoriales.
Pourtant, les Sages ont décidé de ne pas retenir cet aspect de la question et se sont contentés, à l’aide d’un microscope, de « zoomer » sur le tableau de répartition des conseillers territoriaux. Je reviendrai sur ce point tout à l’heure, car je voudrais d’abord évoquer une question de forme, déjà soulevée, mais qui conserve toute son importance.
En effet, comment se fait-il que le Sénat, procédure accélérée ou pas, soit amené, en contradiction avec l’article 39 de la Constitution, à se prononcer après l’Assemblée nationale sur un texte qui relève avant tout de ses compétences ? L’Assemblée nationale s’est déterminée le 10 mai dernier ; permettez-moi de vous dire, mes chers collègues, que nous voyons dans cette date anniversaire un choix funestement symbolique en ce qui concerne la nature et l’avenir même de la décentralisation !