Rappelons que, le 16 décembre 2010, cette réforme n’a été adoptée que de justesse par le Sénat. Du reste, à l’issue de ce vote, une sorte de soulagement honteux était perceptible dans les rangs de la majorité car, alors qu’il avait toutes les raisons d’être rejeté, le texte avait été adopté sur injonction de l’exécutif, malgré la fronde permanente des élus locaux.
En tout état de cause, monsieur le ministre, le mépris dans lequel est tenue la Haute Assemblée sur des sujets qui la concernent au premier chef, couplé au mauvais sort que fait subir le projet de loi aux collectivités territoriales, devrait largement suffire à conduire le Sénat à rejeter ce tableau, et donc le texte.
J’en viens aux incohérences et aux imprécisions. Pour être aimable, je qualifierais de « cosmétiques » les modifications auxquelles a procédé le Gouvernement à la suite de la censure du tableau de répartition des conseillers territoriaux. Elles ne consistent en effet qu’à retirer un élu là, à en rajouter deux ici, comme on modifierait une composition florale.
Monsieur le ministre, le tableau que vous avez présenté en conseil des ministres, compte, vous l’avez indiqué, 3 493 conseillers territoriaux, soit trois de moins que celui qui avait été proposé initialement. Tout ça pour ça !...
Il est clair que ce différentiel à la baisse de trois conseillers territoriaux est largement disproportionné au regard des compétences extrêmement étendues du Conseil constitutionnel, lequel devait, ce jour-là, avoir du temps à perdre…
Dans un autre registre, voilà plus d’un an que vous tentez de justifier, vous et vos collègues du Gouvernement, cette réforme par des économies à réaliser au niveau des collectivités territoriales.
Alors qu’avec la désastreuse RGPP vous prétendez tailler dans le « gras » de l’État, vous allez créer des postes de dépenses supplémentaires pour ces collectivités, lesquelles vont bien devoir donner aux pléthoriques conseillers territoriaux des moyens pour travailler, notamment – d’autres orateurs l’ont déjà indiqué – en termes de locaux et de fonctionnement.
Cela vous permettra d’ailleurs éventuellement, dans un deuxième temps, d’instruire un nouveau procès en gabegie à l’encontre des mêmes élus locaux !
L’argument d’une réduction des coûts qui serait apportée par la création du conseiller territorial tombe donc de lui-même.
C’est dire si, en tant que membre du groupe socialiste du Sénat, je suis tout à la fois fasciné et consterné en observant la majorité présidentielle à l’œuvre sur ce dossier. Elle se proclame tout à tour ennemie des lenteurs administratives, des élus locaux trop nombreux, et pourtant elle s’échine à créer un élu chimérique en réussissant l’exploit d’aboutir tout à la fois à la multiplication des personnels, à l’addition des structures et à la complexification des procédures destinées à accompagner et rendre possible le travail des élus locaux : un vrai cauchemar administratif et un dispositif bourré d’incohérences !
La plus frappante de ces incohérences réside dans le nombre des conseillers territoriaux élus dans le cadre régional, d’une part, et dans le cadre départemental, d’autre part, le tout rapporté au poids démographique de chacune de ces circonscriptions.
Ainsi en va-t-il pour la région Midi-Pyrénées, dont le département de la Haute-Garonne désignera 90 conseillers territoriaux, soit, comme le note le président du conseil régional, Martin Malvy, autant que la composition actuelle du conseil régional pour les huit départements de la région, alors que, à l’autre bout de la chaîne, l’Ariège, au mépris des considérations démographiques et géographiques, ne sera représentée que par 15 conseillers territoriaux.
Quand on observe ces chiffres, on a l’impression de marcher sur la tête !
Encore dans un autre registre, le projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région relève d’une démarche incohérente. Le tableau des conseillers territoriaux a en effet été conçu avant même que soit évoquée la configuration des nouveaux cantons. Vous en conviendrez, ce n’est pas le moindre des paradoxes !
Le Gouvernement se prépare à une nouvelle partie de plaisir – c’est un euphémisme ! – avec la définition de ces nouveaux cantons, dont les limites devront respecter celles des circonscriptions législatives ainsi que l’unité des communes de moins de 3 500 habitants.
Tout cela a conduit l’Assemblée nationale à voter en aveugle le tableau relatif au nombre de conseillers territoriaux canton par canton, alors que, à l’heure actuelle, je le répète, on n’en connaît pas encore les contours, même si je me doute que les ordinateurs du ministère de l’intérieur doivent déjà commencer à chauffer, …