Je tâcherai de suivre les recommandations de M. Hyest, même si je donnerai en partie raison à M. Masson, surtout à propos du découpage qui a été réalisé en Moselle.
Ne nous y trompons pas : si le texte discuté aujourd’hui nous est présenté comme un simple correctif, un ajustement purement technique afin de se conformer à la décision du Conseil constitutionnel du 9 décembre dernier, cela ne doit pas pour autant faire oublier que la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales met sérieusement à mal la démocratie locale.
Le présent débat nous donne l’occasion d’exprimer une nouvelle fois notre ferme opposition à la volonté gouvernementale de créer des conseillers territoriaux, qui va vraiment à l’encontre de l’objectif de parité. Je tiens à le redire, ce texte pose plus de difficultés qu’il n’en lève s’agissant des prétendus problèmes de la gouvernance locale.
On voudrait nous faire croire que cette réforme permettra de réaliser des économies. Mais c’est faux ; je vous renvoie aux propos de M. Adnot de cet après-midi ! Le Gouvernement le reconnaît lui-même, puisqu’il revoit sans cesse à la baisse le montant des économies réalisées avec la création des conseillers territoriaux.
Pis, je crains que cette réforme ne soit finalement très coûteuse pour les contribuables. En effet, les futurs conseillers territoriaux, qui siégeront dans deux assemblées à la fois et qui deviendront de véritables « parlementaires locaux » à plein temps, seront fondés à réclamer un statut, une protection sociale et un régime de prévoyance et de retraite. Et je n’évoque même pas le futur statut des suppléants, qui seront peut-être conduits à participer activement au mandat et qui pourront à ce titre légitimement prétendre à des indemnités d’élus !
Cette loi ne parvient pas non plus à redresser le déséquilibre traditionnel de représentation entre territoires ruraux et territoires urbains ; nous venons d’en avoir une démonstration, avec l’intervention du président de la commission des lois. Au contraire, le texte contribue à une véritable désintégration électorale de la ruralité et signe la fin des élus de proximité dans ces territoires.
C’est le cas, par exemple, en Lorraine. La Meuse va quasiment disparaître de la carte électorale française en ne conservant que quinze élus territoriaux, contre trente et un conseillers généraux et six conseillers régionaux actuellement. Où est l’équilibre des territoires dans une telle configuration ? Comment ces conseillers territoriaux, élus au scrutin uninominal dans un territoire rural, réussiront-ils à s’investir dans les projets d’envergure régionale sans lien avec le développement de leur propre territoire d’élection ? En dissociant totalement territoire d’élection et territoire d’action, une telle réforme aboutira au mieux à l’immobilisme, au pire au clientélisme.
Le nouveau tableau de répartition des conseillers territoriaux par département montre une nouvelle fois toute l’aberration de la réforme, qui résulte davantage de véritables comptes d’apothicaires, c'est-à-dire de « calculs compliqués dont le résultat n’a aucun intérêt » – c’est la définition précise de cette expression –, que de la prise en compte des réalités économiques et démographiques des territoires. D’ailleurs, comme le soulignait notre collègue Jean Louis Masson pendant la discussion générale, le projet de loi n’est même pas encore adopté par le Parlement que déjà foisonnent les calculs électoraux et les consultations au sein de la majorité en prévision du découpage des futurs cantons élargis.
Il s’agit là d’un véritable « hold-up électoral », d’un déni de démocratie locale, avec des découpages politiques réalisés en fonction des gouvernances locales. Sur ce dernier point, il faut bien le reconnaître, la majorité est en parfaite cohérence avec sa réforme de la carte des intercommunalités, qui a déjà donné lieu en certains endroits à de véritables découpages politiques et partisans des territoires !