Intervention de Josiane Mathon-Poinat

Réunion du 26 juillet 2007 à 9h45
Lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Josiane Mathon-PoinatJosiane Mathon-Poinat :

Madame la présidente, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, nous arrivons au terme de la procédure d'examen du projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, qui a été adopté en un temps record, l'urgence ayant été déclarée, et qui n'a quasiment pas évolué par rapport au texte initial.

Le Président de la République ayant promis, durant la campagne électorale, qu'il ferait adopter un texte rapidement, instaurant des peines automatiques et supprimant « l'excuse de minorité » pour les mineurs de seize à dix-huit ans, le Parlement n'avait donc d'autre choix que de graver dans le marbre législatif la parole présidentielle, avec l'obligation de ne pas y déroger.

Tout s'est passé comme si, en matière de récidive, rien n'avait existé ou n'avait été prévu dans de précédentes lois. J'ai, pour ma part, eu l'impression que la mission d'information de juillet 2004 n'a jamais existé, que la loi du 12 décembre 2005 n'a jamais été adoptée. Quant à la loi de juin 1998 instaurant un suivi socio-judiciaire, elle relève du mythe : notre esprit sait qu'elle a été adoptée, mais la réalité montre que rien n'a été fait pour la rendre opérante.

Ce qui était valable hier ne l'est plus aujourd'hui. J'en veux pour preuve le fait que les parlementaires, notamment ceux de la majorité, acceptent aujourd'hui un texte sur les peines planchers alors qu'ils en ont toujours refusé le principe durant la précédente législature.

La contradiction est flagrante lorsqu'on se replonge dans le rapport de la mission d'information de juillet 2004 sur le traitement de la récidive des infractions pénales.

Cette mission d'information, à l'instar de M. Zocchetto, dans son rapport sur la proposition de loi de 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, concluait, à propos d'un éventuel retour des peines planchers dans notre code pénal : « On perçoit mal l'intérêt pratique et juridique qu'il y aurait à proposer le rétablissement d'un mécanisme supprimé il y a plus de douze ans précisément parce que le recours particulièrement fréquent des magistrats aux ?circonstances atténuantes? avait tendance à priver d'effet les peines planchers ».

Par ailleurs, le code pénal n'est pas muet s'agissant de la lutte contre la récidive, notamment, en matière de répression des récidivistes.

C'est ainsi que la loi du 12 décembre 2005, pour ne citer qu'elle, renforce déjà les sanctions à l'encontre des récidivistes, majeurs et mineurs.

Aucun élément objectif ne vient justifier ce nouveau projet de loi : nous ne disposons pas de chiffres nouveaux sur la récidive depuis 2005 et nous ne connaissons pas encore les effets de l'application de la loi de décembre 2005. Comment, dès lors, expliquer son examen par le Parlement dès ce mois de juillet ?

Il est évident que cette nouvelle loi pénale - la huitième depuis 2002 ! - a uniquement pour objet de répondre à une promesse électorale.

Le Président de la République avait fait de l'instauration des peines planchers et du durcissement de la réponse judiciaire envers les mineurs l'une des promesses phares de sa campagne électorale : ce n'est donc pas un hasard si le premier texte à être examiné est celui-ci.

Même si, pour d'évidentes raisons constitutionnelles, le projet de loi n'instaure ni peines automatiques ni remise en cause de l'atténuation de responsabilité pénale, il n'en reste pas moins dangereux pour notre ordre judiciaire et pour l'avenir des mineurs délinquants.

Ce texte est dangereux pour plusieurs raisons : il entretient le climat de suspicion à l'encontre des juges ; il remet en cause les principes fondamentaux de notre ordre judiciaire et notre Constitution ; il met en péril la prise en charge sociale et éducative des mineurs en difficulté et délinquants.

Le Gouvernement, comme vous l'avez dit, madame le garde des sceaux, souhaite envoyer un message clair tant aux délinquants qu'aux magistrats.

Aux premiers, il est dit que, désormais, à la première récidive, une peine plancher s'appliquera. L'article 2 ter du projet de loi prévoit d'ailleurs une sorte d'avertissement du juge allant dans ce sens. C'est ce que le Gouvernement appelle l'effet dissuasif des peines planchers. Mais, si une corrélation existait entre la peur de la sanction et la commission d'une infraction, il y aurait longtemps que le crime et la délinquance auraient été éradiqués ! La peine de mort est le meilleur exemple de l'effet non dissuasif d'une sanction.

Aux seconds, il est dit que, désormais, le temps du laxisme est révolu. Ce texte part, en effet, du postulat selon lequel la justice ferait preuve d'un laxisme qui se trouverait à l'origine de l'augmentation de la récidive.

Nous l'avons dit et redit lors du débat dans cet hémicycle le 5 juillet dernier : les peines prononcées par les juridictions sont plus sévères que les peines planchers prévues par le texte. Et le constat de la lourdeur des peines prononcées n'est pas récent.

Le rapport d'information sur le traitement de la récidive de 2004, de même que le rapport de M. Zocchetto sur la proposition de loi de 2005 - si je me réfère sans cesse à vous, monsieur le rapporteur, c'est pour vous mettre face à vos propres contradictions - relevaient déjà que « toutes les études convergent pour attester du substantiel alourdissement des peines prononcées, infirmant ainsi clairement, l'idée trop souvent avancée, selon laquelle la justice serait trop permissive à l'égard des délinquants d'habitude. » C'est bien ce que vous avez dit, monsieur Zocchetto?

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