Intervention de Josiane Mathon-Poinat

Réunion du 26 juillet 2007 à 9h45
Lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Josiane Mathon-PoinatJosiane Mathon-Poinat :

Nous avons entendu les choses les plus folles à ce sujet, à commencer par le fait que la minorité pouvait être une « excuse » !

Il est faux d'affirmer que la justice des mineurs est laxiste : ni les 88 % de taux de réponse pénale ni les près de 80 % de mises en détention provisoire ne semblent l'illustrer. En prévoyant d'appliquer les peines planchers aux mineurs, le projet de loi répond par l'accroissement des sanctions, alors que la solution attendue est d'une tout autre nature.

En effet, il est étrange de constater, face à l'agitation présidentielle, le silence gouvernemental dès qu'il est question de l'augmentation des moyens donnés au secteur social et éducatif et à la protection judiciaire de la jeunesse. Ce silence traduit, malheureusement, une volonté politique déterminée d'affecter tous les crédits au secteur carcéral.

Il est tout aussi faux de laisser croire qu'un mineur ne pouvait pas être jugé comme un majeur avant l'arrivée de ce projet de loi : l'article 20-2 de l'ordonnance de 1945, avant même d'être modifié par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, permettait déjà d'exclure le principe de l'atténuation de responsabilité pénale pour les mineurs de seize à dix-huit ans.

Le Président de la République semble vouloir à tout prix abaisser l'âge de la majorité pénale à seize ans. Si cet abaissement avait lieu, la France marquerait une régression grave au regard tant de notre tradition républicaine que de ses engagements européens et internationaux.

Je tiens simplement à rappeler que nombre de nos voisins européens ont non seulement fixé cette majorité pénale à dix-huit ans, voire à vingt et un ans pour certains, mais qu'au surplus quelques-uns d'entre eux prévoient que les jeunes adultes de moins de vingt et un ans puissent faire l'objet, le cas échéant, du même type de sanctions que les mineurs compte tenu de leur développement moral et mental.

Le projet de loi va donc à contre-courant de nos principes les plus fondamentaux.

L'atténuation de responsabilité pénale constitue pourtant un principe de valeur constitutionnelle, consacré par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 août 2002, de même que la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité et prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées.

La justice des mineurs perd de sa spécificité. Ses contours sont de plus en plus flous et finissent par se confondre avec ceux de la justice des majeurs.

Le Gouvernement sous-entend que la récidive des mineurs n'est en rien différente de celle des majeurs ; la preuve en est que les peines planchers sont applicables aux majeurs comme aux mineurs ! La loi du 12 décembre 2005, déjà, ne faisait pas la distinction.

Pourtant, le mineur n'est pas un majeur ! L'effet dissuasif des peines planchers est nul pour les mineurs condamnés, car ceux-ci n'ont pas de conscience réelle de la peine qu'ils encourent quand ils commettent des faits délictueux.

Par ailleurs, chez les mineurs, le problème est moins la récidive que la réitération. Le plus souvent, un juge des enfants qui ordonne une mesure d'assistance éducative doit attendre des mois pour que celle-ci soit mise en oeuvre. Or c'est justement dans cet intervalle de temps que le mineur a le plus de chance de réitérer.

Les solutions sont connues. Ce projet de loi ne changera rien en matière de prévention de la délinquance et de la récidive des mineurs. En revanche, l'urgence est de renforcer les services éducatifs chargés de chercher les placements dans l'urgence, ou encore de renforcer les structures de suivi en milieu ouvert afin de permettre une prise en charge immédiate.

Au lieu de cela, le Gouvernement propose une énième réforme de l'ordonnance de 1945, qui, je le répète, porte atteinte tant à nos principes constitutionnels qu'aux engagements internationaux de la France.

N'est-il pas stipulé dans la Convention internationale des droits de l'enfant que tout enfant a droit à un traitement qui tienne compte de son âge et que l'enfermement doit constituer une solution de dernier recours ? Ici, pourtant, il n'en est nullement question.

J'en viens maintenant au troisième volet de ce projet de loi relatif à l'extension de l'injonction de soins.

Tout d'abord, il me semble toujours suspicieux de présenter le soin médical et le recours aux médicaments comme le seul remède à la délinquance, en particulier sexuelle.

Je m'inquiète de voir que ce remède tend à devenir universel, puisque - je le rappelle pour mémoire - le suivi socio-judiciaire n'est plus seulement encouru en cas d'infraction sexuelle, mais également en cas de meurtre ou encore de dégradations par incendie.

Par ailleurs, la liberté d'appréciation du juge se trouve, une fois encore, limitée par le projet de loi. Dès lors qu'un expert estimera un traitement nécessaire, le juge n'aura d'autre choix que de le prononcer.

Enfin, il semble contradictoire de soumettre les réductions supplémentaires de peine et les libérations conditionnelles à l'acceptation par le détenu des soins proposés durant sa détention, car ces deux aménagements de peine font justement preuve de leur efficacité en matière de prévention de la récidive.

De plus, le soin contraint n'existe pas : les professionnels de santé soulignent que l'accessibilité au traitement suppose de la part du patient une reconnaissance des faits, point de départ de l'adhésion aux soins. Ici, il n'est nullement question d'adhésion au traitement : soit le détenu l'accepte et il peut bénéficier d'un aménagement de peine, soit il le refuse et il reste en prison. En quoi ce dispositif est-il pertinent ?

Tout ce qui se dégage de ce texte, c'est un risque d'allongement des durées de détention, ce qui est totalement contre-productif si l'on veut lutter contre la récidive.

En conclusion, nous ne pouvons nous résoudre à adopter un texte dont les effets pervers seront immanquablement un accroissement du nombre des personnes détenues, majeures et mineures, et un allongement des durées de détention.

Je regrette d'ailleurs que même les très timides tentatives de M. le rapporteur tendant à rendre au juge une once de pouvoir d'individualisation de la peine en cas de seconde récidive aient été tenues en échec.

C'est pourquoi, mes chers collègues, nous voterons contre ce texte, et je vous invite à en faire de même !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion