Intervention de Robert Badinter

Réunion du 26 juillet 2007 à 9h45
Lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs — Vote sur l'ensemble

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Le débat s'achève. Le groupe socialiste s'est largement exprimé et Jean-Pierre Sueur a fort bien exposé les raisons qui nous conduisent à ne pas voter ce texte. À ce stade ultime, mon intervention porte sur la méthode.

Vous vous en souvenez, mes chers collègues, nous avons longuement débattu de la récidive en 2005. C'était hier ! C'était la même majorité.

À l'issue de ces débats a été votée la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales. Si, en 2007, une nouvelle loi doit être adoptée, c'est que cette même majorité a échoué dans son oeuvre.

Mon propos n'est pas là. Concomitamment à l'adoption de ce texte, le garde des sceaux d'alors a mis en place une commission d'analyse et de suivi de la récidive, ce qui était normal et pour nous éclairant. À quoi bon voter des lois les unes après les autres - nous en sommes à la quatrième loi sur la récidive, que chacun considère comme un problème important et que tous veulent combattre - si l'on n'en connaît pas les effets ? Telle était donc la mission confiée à cette commission.

En 2007, le législateur revient à la charge : la commission des lois a longuement délibéré et beaucoup étudié le problème et nous en avons largement débattu dans cet hémicycle au début du mois de juillet. Enfin, j'ai lu le rapport établi par la commission d'analyse et de suivi de la récidive, qui n'a été mis en ligne que le 10 juillet 2007. Qui en a eu connaissance ? Personne !

Alors qu'une commission instituée par le précédent Gouvernement avait pour mission d'examiner les effets de la loi que la précédente législature venait de voter, le Gouvernement d'aujourd'hui n'a pas jugé bon d'attendre qu'elle rende ses résultats et ses suggestions pour permettre au Parlement de se prononcer en pleine connaissance de cause. Étions-nous à quelques jours près, à un mois près, puisque nous avions déjà légiféré sur cette matière ?

Il aurait au contraire fallu connaître et analyser les très importantes conclusions de cette commission instituée par le précédent gouvernement. À quoi servent ces instances, si le législateur considère que les travaux qu'elles rendent ont si peu d'importance qu'il ne les communique même pas aux commissions saisies au fond ? Le président de la commission d'analyse et de suivi de la récidive a certes été entendu par la commission des lois, mais il a été d'une remarquable discrétion. Le rapport, lui, est explicite.

Chacun soigne comme il le peut ses insomnies : j'ai lu ce rapport dans son entier. Je saisis mieux depuis la vanité déjà évoquée du texte que vous adopterez dans un instant, mes chers collègues.

En effet, l'économie de ce projet de loi est de considérer la récidive comme un problème général et l'emprisonnement avec l'accroissement de la longueur des peines comme la panacée. Or le rapport établi par la commission d'analyse et de suivi de la récidive aboutit, à la page 17, à une conclusion contraire : « Il n'existe pas un modèle unique de récidive mais des formes de récidive. » Sont ensuite énumérées les différentes formes de récidive et est établi ce constat : « Il y a par conséquent une très grande difficulté à élaborer une définition cursive de la récidive qui permettrait d'en déduire des mesures, à valeur universelle, à mettre en oeuvre pour la combattre.

« Ainsi, la mesure communément prise pour la réduire, à savoir l'aggravation des peines encourues, n'a jamais démontré à ce jour qu'elle fait sensiblement reculer le phénomène ». Nous en avons eu la preuve au cours de la dernière législature.

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