Intervention de François-Noël Buffet

Réunion du 2 février 2011 à 14h30
Immigration intégration et nationalité — Discussion d'un projet de loi

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, dont nous entamons aujourd’hui l’examen après son passage, en septembre dernier, devant l’Assemblée nationale, répond à quatre objectifs principaux : améliorer l’intégration des étrangers en séjour légal dans notre pays ; améliorer le contrôle aux frontières et certaines dispositions relatives au séjour ; renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière par une importante réforme des procédures et du contentieux de l’éloignement ; promouvoir l’immigration professionnelle et renforcer la lutte contre l’emploi d’étrangers en situation irrégulière.

Parallèlement, ce texte transpose trois directives : la directive « retour » du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ; la directive « carte bleue européenne » du 25 mai 2009, établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié ; enfin, la directive « sanctions » du 18 juin 2009, prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

La commission des lois a marqué son accord avec les grandes orientations de ce projet de loi tout en s’attachant à préciser certaines dispositions afin d’améliorer leur insertion dans notre édifice juridique.

Toutefois, sur quelques points, elle a décidé de s’éloigner davantage du texte proposé.

S’agissant de l’amélioration de l’intégration des étrangers en situation légale, le projet de loi vise à mieux prendre en considération les efforts d’intégration pour le renouvellement des titres de séjour et la délivrance des cartes de résident ; ce renouvellement devra prendre en compte le respect des exigences du contrat d’accueil et d’intégration, le CAI.

Sur ce point, la commission a précisé que le respect du CAI ne serait pris en compte que pour les renouvellements du titre de séjour intervenant pendant l’exécution de ce contrat, ou immédiatement après. En effet, il ne nous paraît pas possible de continuer à faire référence à son exécution alors qu’il n’est plus en vigueur.

Il s’agit par ailleurs de mieux prendre en compte les efforts d’intégration pour l’accès à la nationalité française. La durée de présence sur le territoire exigée des candidats à la naturalisation sera réduite à deux ans pour ceux qui satisfont déjà manifestement à la condition d’assimilation posée par le code civil parce qu’ils présentent un « parcours exceptionnel d’intégration », selon l’expression utilisée par les députés.

Le projet de loi conditionne également l’accès à la nationalité française pour les naturalisés à la signature d’une charte des droits et devoirs du citoyen.

Un des éléments essentiels pour apprécier l’assimilation de l’étranger à la société française est sa maîtrise de notre langue. Les députés ont donc souhaité garantir un contrôle plus objectif de cette maîtrise en renvoyant à un décret le soin de fixer le niveau exigé selon la condition de l’intéressé, ainsi que les modalités d’évaluation.

Les députés ont par ailleurs étendu d’un an le délai pendant lequel l’administration peut rapporter un décret d’acquisition, de naturalisation ou de réintégration de la nationalité française en cas d’erreur ou de fraude. La commission des lois a adopté un amendement maintenant cette extension pour le cas de l’erreur, mais la supprimant en matière de fraude. En effet, dans ce dernier cas, le délai ne court qu’à compter de la découverte de la fraude et non de la décision de naturalisation, ce qui laisse à l’administration un temps suffisant pour agir.

Enfin, l’Assemblée nationale a ajouté à ces dispositions, sur l’initiative du Gouvernement, un article qui prévoit que les meurtriers de représentants des forces de l’ordre et de personnes à raison de leur fonction pourront être déchus de la nationalité française s’ils l’ont acquise dans les dix ans.

Sur ce point, la commission a adopté un amendement ayant un double objet.

En premier lieu, il permet de resserrer le champ d’application du nouveau cas de déchéance de nationalité aux seuls crimes commis contre des représentants des forces de l’ordre et les magistrats. En effet, la liste des personnes visées par les dispositions du code pénal est particulièrement longue puisqu’elle concerne tous les dépositaires de l’autorité publique, même les gardiens d’immeuble. Il convient, nous semble-t-il, d’en revenir au champ initialement visé par le Président de la République dans son discours de Grenoble : les meurtres commis contre les agents des forces de l’ordre ou les magistrats.

En second lieu, il vise à ajouter une exigence de proportionnalité entre la sanction prévue et la gravité des actes perpétrés, cette dernière s’appréciant notamment en considération du quantum de la peine prononcée par le juge. Il s’agit de garantir ainsi la constitutionnalité de la procédure de déchéance de nationalité et sa conformité aux engagements internationaux de la France.

J’en viens aux dispositions visant à l’amélioration du contrôle des frontières et à celles qui sont relatives au séjour.

En ce qui concerne l’entrée et du séjour des étrangers, le projet de loi comporte trois séries de dispositions destinées, d’une part, à sécuriser le régime juridique des zones d’attente et, d’autre part, à rééquilibrer la politique d’immigration de la France en favorisant l’immigration de travailleurs qualifiés.

Afin de faire face à des situations exceptionnelles, tel le débarquement d’une centaine de Kurdes retrouvés sur une plage de Corse-du-Sud en janvier 2010, le projet de loi ouvre au préfet la possibilité de créer des zones d’attente dites ad hoc.

La commission a souhaité préciser les conditions de création de ces zones d’attente spéciales afin de les limiter aux cas d’une arrivée nombreuse par voie de mer, les étrangers étant appréhendés alors qu’ils sont encore proches des côtes. Il ne s’agit pas de permettre la création de zones d’attente en tout point du territoire. En outre, la modification adoptée par la commission permet de préciser qu’il s’agit de zones d’attente temporaires, strictement limitées au temps nécessaire à l’examen de la situation des arrivants.

En ce qui concerne les dispositions relatives au séjour, les députés ont procédé à trois ajouts.

Premièrement, le droit au court séjour des citoyens de l’Union européenne ne vaut que tant qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale. Cette disposition, qui figure à l’heure actuelle dans la partie réglementaire du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, constitue une transposition de l’article 14 de la directive de 2004.

Deuxièmement, l’Assemblée nationale a décidé que le droit au séjour des étrangers malades serait conditionné à l’indisponibilité du traitement dans leur pays d’origine, et non au fait qu’ils ne puissent effectivement en bénéficier. Notre commission a supprimé ces dispositions au regard, notamment, des conséquences qu’emporterait la modification proposée en termes de santé publique et d’accès aux soins des personnes atteintes de pathologies particulièrement lourdes. La commission a tenu à préciser que cette suppression était motivée par la nécessité de procéder à une évaluation avant de modifier la loi sur le droit au séjour des étrangers malades.

Troisièmement, les députés ont ajouté plusieurs dispositions visant à mieux lutter contre les mariages de complaisance. En particulier, ils ont souhaité pénaliser plus fortement le mariage dit « gris », dans lequel le conjoint français a été trompé sur les intentions de son conjoint étranger. J’attire votre attention sur le fait que le droit en vigueur permet déjà de réprimer de tels faits.

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