Intervention de François-Noël Buffet

Réunion du 2 février 2011 à 14h30
Immigration intégration et nationalité — Discussion d'un projet de loi

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet, rapporteur :

Quatrièmement, enfin, la commission a adopté deux nouvelles dispositions : l’une, proposée par notre collègue Sophie Joissains, tend à faciliter le droit au séjour des étrangers qualifiés souhaitant s’installer en France ; l’autre, issu d’un amendement de notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam, vise à obliger l’administration à motiver les refus de visa opposés aux étrangers liés à un ressortissant français par un pacte civil de solidarité.

S’agissant maintenant du renforcement de la lutte contre l’immigration irrégulière, le projet de loi s’appuie, d’une part, sur un constat, la complexité et l’inefficacité des mesures d’éloignement et du contentieux associé et, d’autre part, sur deux références : la directive « retour » du 16 décembre 2008 et le rapport de la commission présidée par Pierre Mazeaud, Pour une politique des migrations transparente, simple et solidaire, remis le 11 juillet 2008 au ministre chargé de l’immigration.

Ainsi, les mesures d’éloignement seront simplifiées. Restera essentiellement l’obligation de quitter le territoire, assortie ou non d’un délai de départ volontaire et d’une interdiction de retour de un à trois ans.

Cette interdiction de retour est une mesure nouvelle de la directive. Les députés l’ont durcie en la rendant quasi automatique dans certains cas : cela paraissait disproportionné et la commission est revenue sur ce point au texte du Gouvernement.

Concernant le contentieux de l’éloignement, le texte crée un recours administratif en urgence contre la décision administrative de rétention. Ce point est particulièrement important dans la procédure souhaitée.

Il propose également, afin de clarifier et de « désenchevêtrer » la procédure, le report à cinq jours de l’audience du juge des libertés et de la détention pour prolonger la rétention.

Cette réforme va indéniablement dans le sens d’une meilleure administration de la justice : le contentieux administratif, y compris en matière de rétention, serait purgé au moment de l’intervention du juge des libertés et de la détention. Celui-ci pourra donc se concentrer sur le contrôle des conditions de la privation de liberté de l’étranger.

Toutefois, ce report a suscité des inquiétudes au sein de la commission, notamment au regard des dispositions de l’article 66 de la Constitution. À cet égard, il faut rappeler que le Conseil constitutionnel a censuré, en 1980, un système de rétention dans lequel le juge des libertés et de la détention n’intervenait qu’au bout de sept jours.

En outre, dans la rédaction proposée par le projet de loi, l’étranger pourrait être éloigné sans que la régularité des conditions de son interpellation ait pu être contrôlée.

La commission a, par conséquent, préféré supprimer le report à cinq jours de l’intervention du juge des libertés et de la détention.

Par ailleurs, le projet de loi allonge la durée maximale de rétention. Toutefois, cet allongement n’aura d’effets concrets que pour un petit nombre de cas. La durée moyenne de rétention devrait rester d’une dizaine de jours.

La commission a également adopté un amendement du Gouvernement visant à prendre en compte la situation particulière des étrangers condamnés pour des faits de terrorisme en instance d’expulsion, en prévoyant la possibilité de les maintenir en rétention pendant une durée supérieure à celle qui est prévue dans le droit commun.

Le texte comportait par ailleurs une limitation des moyens susceptibles d’être invoqués devant le juge des libertés et de la détention, en particulier en audience d’appel, aussi bien dans les cas de placement en zone d’attente que de maintien en rétention. La commission est revenue sur certaines de ces dispositions.

Enfin, la commission a intégré des amendements du Gouvernement visant à une transposition plus complète de la directive dite « libre circulation » du 29 avril 2004, concernant les garanties dont bénéficient les ressortissants communautaires en instance d’éloignement.

Pour ce qui est de la promotion de l’immigration professionnelle et à de lutte contre l’emploi d’étrangers en situation irrégulière, il s’agit d’abord de lutter contre l’emploi d’étrangers non munis d’une autorisation de travail.

La directive « sanctions » intervient sur plusieurs plans : impliquer l’ensemble de la chaîne économique par le jeu des solidarités financières qui responsabilisent chacun à son niveau ; améliorer le sort des étrangers irrégulièrement employés en prévoyant, d’une part, le paiement des sommes qui leur sont dues au titre du travail effectué, où que ces personnes se trouvent, et, d’autre part, l’adoption de procédures leur permettant de faire reconnaître leurs droits.

Le projet de loi complète la législation nationale pour assurer le respect des normes communautaires. Il renforce les interdictions à la charge des donneurs d’ordre et maîtres d’ouvrage. Il renforce également les droits des salariés illégalement employés, avec la revalorisation du montant de l’indemnisation forfaitaire pour rupture de la relation de travail à trois mois de salaire ou encore la prise en charge, par l’employeur, de tous les frais d’envoi des rémunérations impayées dans les pays de destination du travailleur étranger.

Le projet de loi élargit par ailleurs le champ de la solidarité financière des donneurs d’ordre et maîtres d’ouvrage.

Enfin, il alourdit le dispositif répressif à l’encontre des personnes recourant à des employeurs d’étranger sans titre. Les nouvelles sanctions pourront notamment consister en une fermeture administrative de l’établissement concerné d’une durée maximale de trois mois, le remboursement des aides publiques précédemment octroyées ou l’exclusion de la commande publique.

L’Assemblée nationale a notamment décidé d’exonérer les employeurs de bonne foi des sanctions frappant l’emploi d’étrangers sans titre ainsi que de certaines sanctions administratives. La commission a supprimé cette disposition, qu’elle a estimée superflue. L’infraction visée est en effet intentionnelle et le droit positif tient compte de la bonne foi de l’employeur lorsque celle-ci est avérée.

Parallèlement, le projet de loi transpose la directive du 25 mai 2009 créant une « carte bleue européenne ». Ce nouveau titre de séjour, réservé aux travailleurs hautement qualifiés, offrira à ses titulaires des conditions avantageuses d’accès au marché du travail et aux droits sociaux, de regroupement familial et de mobilité au sein de l’Union européenne.

Avant de conclure, je dirai quelques mots sur l’asile. Les délais d’examen des dossiers sont trop longs. Ils atteignent en moyenne dix-neuf à vingt mois si l’on ajoute le délai d’instruction des dossiers par l’OFPRA, et le délai de jugement par la CNDA, ce qui n’est pas satisfaisant, d’autant que les incidences budgétaires sont très importantes.

Trois articles visent à rationaliser les procédures. Un premier concerne le placement en procédure prioritaire, qui serait expressément possible lorsque le demandeur d’asile a altéré ses empreintes digitales afin de ne pas être reconnu par le système EURODAC ou lorsqu’il a menti sur des éléments de son parcours. Un deuxième prévoit de rationaliser l’octroi de l’aide juridictionnelle devant la CNDA, en prévoyant que celle-ci ne pourrait plus être demandée dans le cadre d’un réexamen. Enfin, un troisième autorise la CNDA à recourir à la visioconférence pour les requérants situés outre-mer. Un amendement du Gouvernement, adopté par la commission, prévoit d’étendre cette possibilité à l’ensemble du territoire national.

Sur tous ces sujets, la commission a adopté des amendements qui permettent de nuancer les dispositifs proposés et de prendre en compte la diversité des situations des demandeurs d’asile.

Monsieur le président, monsieur le ministre, telles sont les observations que la commission des lois a formulées sur le projet de loi qui nous est soumis.

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