Ces deux amendements visent à faire entrer le Parlement dans le processus d'évaluation des actions conduites par les services de renseignement.
L'amendement n° 82 prévoit l'institution d'une commission, composée de sénateurs et de députés, qui aurait pour objet d'élaborer un projet de texte relatif à la création d'un dispositif parlementaire d'évaluation.
L'amendement n° 83 va plus loin puisqu'il prévoit l'institution d'une délégation parlementaire d'évaluation des actions conduites par les services de renseignement et d'informations dépendant du ministère de l'intérieur, du ministère de la défense et du ministère des finances.
L'histoire des relations entre les services de renseignement et le pouvoir législatif en France, faites de méfiance des uns à l'égard de l'autre, ne date pas de la Ve République. Sans remonter à l'affaire Dreyfus, il y a toujours eu de la part de l'armée, du ministère des affaires étrangères et du ministère de l'intérieur une grande méfiance à l'égard de tout contrôle sur le renseignement.
Or, actuellement, certains l'ont évoqué à l'envi et à bon droit, du fait de l'accroissement du terrorisme et de ses réseaux intérieurs et extérieurs, la nécessité d'infiltrations et de renseignements de plus en plus étoffés et performants se fait sentir. En conséquence, encore plus que par le passé, le Parlement doit pouvoir évaluer et contrôler effectivement les activités des services de renseignement.
Je me garderai bien de me lancer dans la polémique. Toutefois, lorsque l'on se remémore l'histoire récente, il n'est pas sérieux de dire que rien n'a été fait en la matière, notamment sous le gouvernement de M. Jospin, M. le ministre de l'intérieur l'a rappelé hier.
Certes, nous ne sommes pas parvenus à ce que tendait à mettre en place la proposition de loi de M. Paul Quilès, confiant au Parlement le contrôle des services de renseignement. Dans le compte rendu des débats de la commission de la défense de l'époque, on lit que « M. René Galy-Dejean a indiqué que les commissaires du groupe RPR, opposés à l'esprit de la proposition de loi, voteraient contre. Il a considéré que la culture du renseignement en France n'avait rien de commun avec celle que connaissent d'autres pays et que les exemples étrangers n'étaient, par conséquent, pas transposables. »
Les États-Unis, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie, les Pays-Bas, la Belgique, l'Espagne et bien d'autres Etats ont mis en place des systèmes aux modalités différentes ; mais tous exercent un contrôle effectif sur les activités des services de renseignement.
Il ne s'agit pas d'en obtenir le détail, nous ne demandons ni la levée du secret des enquêtes menées ni la déclaration sur la place publique du nom des personnes infiltrées dans tel ou tel réseau ! Il s'agit d'examiner s'il y a bien adéquation entre les objectifs et la réalité, et d'évaluer le travail accompli.
Les choses ont évolué puisqu'à l'Assemblée nationale ont été examinés trois amendements émanant l'un du rapporteur M. Alain Marsaud, qui n'est pas laxiste dans ce domaine et que je connais bien puisqu'il est de mon département, l'autre du groupe socialiste et le troisième du groupe UDF. Ces trois textes tendaient, selon des modalités différentes, à la création d'une instance chargée de l'évaluation en la matière.
Le ministre a donné son accord de principe et a demandé le retrait de ces textes afin que soit mis en place un groupe de travail chargé de procéder à une première évaluation et de fournir une feuille de route au plus tard le 15 février.
Pourquoi ces amendements ont-ils été déposés ? Il ne s'agit pas d'une défiance à l'égard du ministre ! Toutefois, lorsque ce dernier nous dit qu'il prend les choses en main, nous préférerions que le Parlement le fasse. Lorsqu'il nous propose, par exemple, la présence dans cette commission d'un représentant par groupe, nous lui répondons qu'il vaudrait mieux une représentation à la proportionnelle ! Lorsque nous souhaitons un président d'une couleur politique et un rapporteur d'une autre, sur le modèle de ce qui se passe à l'Assemblée nationale et qui n'existe pas dans notre règlement, nous pensons faire chose utile !
Mes chers collègues, tel est le sens de ces amendements. Encore une fois, il ne s'agit pas de défiance à l'égard du ministre. À ce titre, nous saluons l'évolution du groupe du RPR devenu l'UMP, qui, de ce point de vue, semble avoir été bénéfique. Nous pensons néanmoins qu'il est bon d'aller plus loin dès maintenant et de formaliser une telle proposition dès aujourd'hui.