J'ai demandé la parole sur cet article, car c'est le seul moyen d'engager un débat sur la question de l'amiante. En effet, presque tous les amendements que j'avais déposés au nom de mon groupe sur ce sujet ont, toujours en vertu de l'article 40, été déclarés irrecevables par la commission des finances.
Au demeurant, madame la secrétaire d'État, ces amendements, vous les connaissez : soit je les ai déjà déposés les années précédentes, soit ils sont issus des préconisations du rapport d'information que le Sénat a publié sur le sujet voilà maintenant plus de deux ans et auxquelles le Gouvernement n'a donné quasiment aucune suite.
Plusieurs fois, vous avez dit vouloir attendre la fin des négociations entamées par les partenaires sociaux sur la prévention, la tarification et la réparation des risques professionnels, conformément à votre souhait de replacer la question de l'amiante dans celle, plus générale, des risques professionnels. Un accord est intervenu qui ne prévoit rien à ce sujet.
Pourtant, cette année encore, vous temporisez en annonçant la création d'un groupe de travail chargé de réfléchir aux conditions d'accès au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, le FCAATA. À cet égard, j'ai fait part de mon inquiétude au ministre du travail lors de son audition par la commission. Quels sont, au juste, les objectifs de ce groupe de travail ? Si c'est pour aller dans le sens du rapport de la Cour des comptes, je l'ai dit à M. Bertrand, un vaste débat mériterait d'être ouvert !
Vous le savez parfaitement, madame la secrétaire d'État, le drame de l'amiante devrait malheureusement faire près de 100 000 morts dans les vingt à vingt-cinq ans à venir. L'enjeu sanitaire est colossal, de même que l'enjeu financier. Depuis la mise en place du FCAATA, en 2000, et du FIVA, en 2001, le poids des fonds de l'amiante dans la branche AT-MP ne cesse de s'accroître. Parallèlement, leur situation financière s'est largement dégradée, du fait de l'insuffisance des dotations prévues en loi de financement de la sécurité sociale depuis quelques années. Ainsi, les déficits cumulés devraient atteindre, à la fin de cette année, 238 millions d'euros.
Le financement des fonds de l'amiante prévu par le présent article appelle trois remarques de ma part.
Premièrement, le montant de la dotation au FIVA n'évolue pas et reste inférieur aux prévisions de dépenses. Les gestionnaires du fonds utilisent pour le moment des crédits de report en puisant sur leur fonds de roulement : jusqu'à quand cela pourra-t-il continuer ? Il conviendrait d'ailleurs de doter suffisamment le FIVA pour que les indemnisations soient à la hauteur des enjeux ; sinon, nous ne ferons que multiplier les recours devant les tribunaux, ce qui est tout à fait contraire à l'objectif qui était assigné à ce fonds.
Deuxièmement, si la dotation du FCAATA progresse quelque peu cette année, elle reste insuffisante au regard des besoins exprimés dans le dernier rapport d'activité du fonds : 956 millions d'euros, dont 900 millions d'euros attendus de la part de la branche AT-MP.
Surtout, le FCAATA est l'objet, depuis quelques années, de vives attaques qui font naître des inquiétudes légitimes quant à sa pérennité, sans qu'à aucun moment le Gouvernement se soit engagé en sa faveur. Le « recentrage du dispositif » que vous évoquez à propos de la création du groupe de travail me laisse pour le moins perplexe.
Troisièmement, une fois encore, la part de l'État dans le financement des fonds de l'amiante restera bien en deçà de ce qu'elle devrait être au regard de sa responsabilité dans ce drame. Pour 2008, si l'on ajoute la dotation du FIVA prévue en loi de finances et la fraction des droits sur le tabac dévolue au FCAATA, on reste en dessous de 15 %. Il nous est malheureusement impossible de vous contraindre à augmenter cette participation, l'amendement que j'avais déposé visant à atteindre un taux de 17 % ayant été déclaré irrecevable.
Je rappelle que la mission commune d'information du Sénat sur l'amiante avait conclu qu'il fallait porter à 30 % la part de l'État du fait de sa responsabilité reconnue. L'année dernière, notre collègue Gérard Dériot avait déposé un amendement en ce sens, amendement qui avait bien entendu été « retoqué », dans la mesure où il engageait des dépenses sur plusieurs années. Maintenant, nous ne pouvons même plus déposer d'amendements, nous sommes obligés d'intervenir dans la discussion générale, sur un article ou pour un rappel au règlement !
Sur cette question de l'amiante, madame la secrétaire d'État, nous sommes obligés de nous en remettre à vous. Une fois encore, je ne peux que renouveler mon appel pressant pour que la législation évolue dans le sens d'une meilleure prise en compte de l'intérêt des victimes et de leurs familles.
Je pense notamment - il vous suffit de vous référer à nos amendements qui ont été déclarés irrecevables - à l'accès individuel au FCAATA, au versement du capital décès aux ayants droit des bénéficiaires d'une allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, dite ACAATA, et à l'harmonisation des conditions de prise en compte des périodes de travail effectuées dans chaque régime en cas de passage du régime des ouvriers d'État au régime général, et vice-versa. C'est actuellement impossible, ce qui est tout à fait injuste.
Je ne vous cache pas, madame la secrétaire d'État, que j'aimerais que vous puissiez vous engager sur ces questions.