Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 16 novembre 2007 à 21h30
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Article 66

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Après ma collègue Raymonde Le Texier, je voudrais également vous dire tout le mal que je pense de cet article, dont l'application, en permettant de déroger au II de l'actuel article L. 315-1 du code de la sécurité sociale concernant la contre-visite médicale demandée par l'employeur, aboutira à une privatisation du contrôle médical de la sécurité sociale.

Il est inacceptable que le médecin mandaté par l'employeur soit seul juge du caractère justifié de l'arrêt de travail, et donc du versement des indemnités journalières. Il y a manifestement conflit d'intérêts, s'agissant de médecins payés par les employeurs.

Le drame de l'amiante est là pour nous rappeler, madame la ministre, que le statut actuel de la médecine du travail ne lui permet pas de garantir son indépendance à l'égard des employeurs. On sait le prix qu'il a fallu payer et que l'on continue de payer à cause de ce drame. Ce ne sont pas les récentes révélations de la presse concernant le financement des structures locales du MEDEF qui vont nous rassurer !

Il est inadmissible que le versement des indemnités journalières soit suspendu sans qu'il soit besoin d'un contrôle supplémentaire de la part de la caisse de la sécurité sociale ayant reçu les conclusions de la contre-visite de l'employeur relatives à une absence de justification de l'arrêt sur le plan médical.

Il est inadmissible qu'une telle disposition soit applicable dans les vingt-cinq départements où un nombre d'arrêts maladie supérieur à la moyenne nationale a été constaté et qui figurent sur une liste dressée par le seul directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'UNCAM. Après le traitement comptable de l'assurance maladie, voici le traitement statistique !

Cette méthode pose problème dans la mesure où elle méconnaît la possibilité d'épidémies localisées, ainsi que la structure socioprofessionnelle de la population assurée et la nature des entreprises locales. Dans ma région, étant donné les ravages provoqués par le drame de l'amiante, nous devrions effectivement être suspects ; mais ce ne sont pas les travailleurs qui sont suspects dans cette affaire, ce sont les employeurs, qui ont d'ailleurs été condamnés pour faute inexcusable, ainsi que l'État.

Il est inadmissible qu'une telle mesure s'applique aux accidentés du travail et aux personnes souffrant de maladies professionnelles, qui, comme cela est reconnu par leur statut, sont des victimes.

En effet, je rappelle que l'ordonnance n° 2004-329 du 15 avril 2004 a prévu que les dispositions de l'article L. 315-1 du code de la sécurité sociale sont applicables aux accidents du travail. Comment accepter que soit délégué au responsable de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle, c'est-à-dire l'employeur, le soin de faire vérifier par un médecin qu'il rémunère le caractère justifié de l'arrêt de travail de la victime de l'accident ou de la maladie qu'il a lui-même causé ?

Madame la ministre, mes chers collègues, lorsqu'un chauffard renverse un piéton, admettrait-on que la sécurité sociale suspende le versement des indemnités journalières de ce dernier sur la foi du seul rapport d'un médecin rémunéré par le chauffard pour vérifier le bien-fondé de l'arrêt de travail de la victime ?

Il convient donc de supprimer ce dispositif expérimental, dont la dangerosité pour les assurés sociaux est patente, ou, à tout le moins, de le rendre inapplicable, pour des raisons évidentes de conflit d'intérêts, aux victimes du travail. À défaut, les assurés sociaux et les victimes du travail seront livrés, alors qu'ils ont cotisé pour s'ouvrir des droits à des revenus de remplacement, aux médecins employés par les sociétés commerciales, au lieu d'être examinés par les médecins du contrôle médical de la sécurité sociale.

Madame la ministre, il y a beaucoup d'éléments fort désagréables dans le projet de loi que nous examinons depuis le début de la semaine, mais cet article va au bout de la provocation à l'égard des salariés, des travailleurs et des accidentés du travail.

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