Intervention de Yann Gaillard

Réunion du 26 octobre 2010 à 22h45
Prix du livre numérique — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Yann GaillardYann Gaillard :

Premièrement, le livre numérique est-il un livre, ou plutôt qu’est-ce qui mérite le nom de livre dans le foisonnement du numérique ? La réponse se trouve à l’article 1er.

Deuxièmement, qui est le maître de ce livre numérique ? Qui a le pouvoir d’en fixer le prix ? Je vous renvoie à l’article 2 : la fonction de l’éditeur est au centre de cette construction, comme le libraire est au centre de la loi Lang.

Troisièmement, comment stabiliser les relations commerciales entre l’éditeur et toute la chaîne des détaillants potentiels ? Une telle interrogation nourrira bien entendu les débats futurs. À juste titre, cette tâche complexe est renvoyée aux décrets à venir, qui devront sans doute faire l’objet d’une convention entre les professionnels concernés et l’État.

Depuis l’apparition du numérique au-dessus de nos têtes et dans les cieux intellectuels, avec l’accumulation des rapports – de celui de M. Patino jusqu’à celui de la commission des finances du Sénat – nous n’étions pas totalement à l’aise face à ces questions lancinantes : le livre numérique est-il bien un livre ? Peut-il être considéré comme la troisième étape de cette voie royale qui va du volumen antique au codex du manuscrit et de l’imprimerie ? Peut-il être le digne réceptacle électronique de la création littéraire, juridique et scientifique ? Oui, bien entendu, mais nous n’en étions pas tout à fait sûrs.

L’article 1er de la proposition de loi de Mme Catherine Dumas et de M. Jacques Legendre a pour objectif affirmé de définir le périmètre du livre numérique, puisqu’il est bien évident que dans le numérique, je le répète, tout n’est pas livre.

La réponse de la commission de la culture est ferme ; elle tient en deux idées : existence d’un contenu intellectuel et principe de réversibilité. Il revient désormais au pouvoir réglementaire de travailler à partir de cette intuition fondamentale.

La créativité est la même dans l’article 2, qui définit l’éditeur d’un tel livre comme toute personne fixant un prix de vente au public.

Le plus dur étant fait, il ne reste plus, aux articles 4 et 5, qu’à s’appuyer sur les principes du droit commercial ordinaire – conditions de vente, qualité des services – pour faire entrer le livre numérique dans la vie courante.

Il me semble cependant que la présente proposition de loi doit être considérée non pas comme un aboutissement mais comme un premier pas.

En effet, selon les règles du droit communautaire de la concurrence, elle ne pourra s’appliquer qu’aux livres vendus par des libraires électroniques implantés en France. Amazon, société implantée au Luxembourg, échappera donc au champ d’application de ce texte. Pour qu’un éditeur français obtienne de cette société qu’elle vende ses livres au prix souhaité, il faut qu’il conclue avec elle un « contrat de mandat », comme l’Autorité de la concurrence et notre collègue Colette Mélot le soulignent.

Cependant, la signature d’un tel contrat suppose que les rapports de forces soient favorables aux éditeurs français, ce qui ne va pas de soi. Il me semble donc essentiel que les éditeurs ou les pouvoirs publics – M. le ministre vient de nous annoncer qu’il allait se pencher sur la question – parviennent à mettre rapidement en place un portail permettant à l’acheteur de livres numériques d’accéder simultanément à l’ensemble de l’offre.

À défaut, les acheteurs de livres numériques n’auraient d’autre choix que de passer par un « grand » acteur tel qu’Amazon, lequel, en situation de quasi-monopole, pourrait imposer ses conditions aux éditeurs sans que la présente proposition de loi trouve à s’appliquer, ce qui serait tout à fait regrettable.

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